À propos du dernier remaniement gouvernemental français, la presse étrangère et une grande partie de la presse française ont relevé qu’il répondait à une droitisation réclamée par certains (notamment à la base de l’UMP et chez certains sympathisants). Mais aussi à des combinaisons électoralistes. Sarkozy n’a peut-être voulu d’un Fini (traitre à Berlusconi, et qui risque de provoquer une crise et des nouvelles élections législatives) potentiel. Il a été aussi relevé qu’Éric Woerth payait l’affaire Bettencourt (en oubliant de mentionner les autres). Un seul petit passage du Monde peut aussi retenir l’attention : « Quant à Éric Woerth, il devrait disposer d’une immunité parlementaire lorsqu’il sera de nouveau convoqué par la justice dans le cadre de l’affaire Bettencourt. ».
En France, ce lundi, la presse se délectera des passages de flambeaux entre nouveaux venus et anciens remerciés, entre reconduits « mutés » d’un ministère à un autre. Il est de tradition que l’ancien ministre titulaire d’un portefeuille accueille son successeur et lâche à l’occasion une petite phrase. Cela occupe l’opinion.
Le parallèle avec l’Italie, où Gianfranco Fini, président de la Chambre des députés, et les ministres de son clan qui se retirent ce même jour du gouvernement, oblige Servio Berlusconi à consulter les députés (et à les renvoyer devant les électeurs s’ils ne lui accordent pas un vote de confiance), sera-t-il évoqué ?
Que pourrait-il advenir, en mars et avril 2011, si les cantonales donnaient des résultats interprétés comme un désaveu de l’action gouvernementale et qu’un ministre un peu trop en vue, jugé peu sûr, en tirerait les conséquences pour le coup d’après ? Genre Pompidou ou Chirac, pour ne citer que deux exemples ? Ce petit exercice d’anticipation a peut-être dicté quelques-uns des choix de la présidence (donc, aussi, de son secrétaire général maintenu dans ses fonctions). La fragilité de la majorité UMP au Sénat qui en résulterait obligerait à resserrer les rangs. C’est peut-être plus facile à envisager avec l’actuel gouvernement qu’un autre. Neutraliser un Philippe Richert, en charge des collectivités territoriales et qui n’était pas vraiment un chaud partisan de la très dispendieuse réforme de leur organisation, n’a pas que l’avantage de remplacer un Alsacien (Bockel) par un autre. Débaucher quelques « centristes » sans envergure ou destin national entre bien dans la combinatoire (ou pourrait-on écrire « combinazione » ?) d’un gouvernement qui poursuivra l’œuvre essentielle : favoriser le secteur privé, affaiblir le secteur public (notamment en matière de santé et d’éducation), satisfaire les desiderata de la Fédération française des assurances et d’autres groupes de pression.
Si on peut penser que Kouchner avait été nommé autant pour faciliter certaines opérations immobilières que pour manifester une volonté d’ouverture dont on voit ce qu’il subsiste (un Éric Besson passé à l’UMP, et totalement aux ordres), on peut aussi envisager que la mission du nouveau Garde des Sceaux sera de faciliter la mise en sommeil et à l’écart de la Cour de Justice. Elle n’est pourtant pas trop dérangeante, plutôt accommodante avec les ministres (les dossiers les plus gênants sont filtrés, les sanctions, comme celle infligée à Charles Pasqua, sont bénignes), mais il serait question de la faire déménager.
En tout cas, sera-t-elle saisie du cas d’Éric Woerth ? N’étant plus ministre en exercice, il pourra faire jouer une immunité parlementaire. La dernière révision constitutionnelle permet à un ministre de renvoyer son suppléant dans ses cordes et de reprendre son siège de député sans risquer de devoir affronter les électeurs. Il faudra donc un vote d’une majorité UMP et Nouveau Centre pour qu’un juge puisse le convoquer ou le mettre en examen. Éric Woerth peut espérer jouir d’une relative sérénité jusqu’en 2012, voire au-delà si un compromis était trouvé.
Autre petit détail. Certains qui espéraient un fromage à la Halde se demandent si l’entrée au gouvernement de son ex-présidente n’est pas le signe avant-coureur de la mise en sommeil de cette Haute Autorité. Parfois, la composition d’un gouvernement, surtout pour les postes marginaux, répond à des combinaisons de coulisses qui pourraient sembler dérisoires. Il ne s’agissait peut-être pas tant de compenser le départ de Rama Yade que de se concilier une personnalité très proche de la Fédération française des assurances comme Jeannette Bougrab (chargée de l’inauguration des mille-clubs, de la remise de trophées à des associations).
Il serait cependant hasardeux de commenter plus avant ce remaniement pris sous l’angle des petits arrangements. Pour ce faire, il faudra sans doute attendre la parution du Canard enchaîné du 24 novembre pour se rendre compte de la valse des membres influents des cabinets ministériels, ou des moins influents. Le sort de la nièce de Michèle Alliot-Marie retiendra sans doute l’attention. Le nouveau ministre de la Justice la conservera-t-il à son poste, suivra-t-elle sa tante aux Affaires étrangères, ou Patrick Ollier lui fera-t-il une petite place au chaud ? On s’intéressera aussi au sort des ministrables déçus, comme Valérie Hoffenberg, Jean Leonetti et Jean-Christophe Lagarde, classés voici peu dans cette catégorie (par notamment le Journal du Dimanche) et bien sûr David Douillet. En fait, un remaniement s’apprécie quand tel ou tel premier adjoint devient maire, tel ou tel remercié se voit doter d’un poste d’ambassadeur, et en fonction des promotions périphériques, des nominations dans des conseils d’administration, &c. Le reste, c’est surtout pour les caméras…
Cependant, on n’a pas trop tardé à comprendre le pourquoi du comment de certaines nominations. Ainsi de celle du Garde des Sceaux. En 2009, un particulier avait obtenu, en février, l’ouverture d’une enquête préliminaire, ce que vient de révéler, ce lundi, Lyon Capitale. Elle portait sur les conditions d’attribution du marché de Rhônexpress (genre de liaison à la Orlyval, RER plus navette) mis en service en août dernier pour relier le centre de Lyon à l’aéroport Saint-Exupéry. Le groupe Vinci avait emporté ce juteux marché. Le procureur de Lyon vient de faire savoir que l’enquête visant Michel Mercier avait été classée sans suite. Tiens, au fait, relier les nouvelles prisons (plus ou moins confiées au secteur privé) aux centres des villes, Borloo, qui avait poussé à la prolifération des tranways et à l’endettement des collectivités locales, n’y avait pas pensé.
Au fait, le nouveau garde des Sceaux est surnommé Raminagrobis. S’il garde Alexandre Jevakhoff en tant que dircab, on aura donc un Raspoutine (de retour de Mayotte où il est en mission) et un Raminagrobis place Vendôme.
Un petit dossier pour les deux R : l’ancienne prison de Toulouse que veut reprendre la mairie mais qui serait l’objet des convoitises d’un promoteur. Et puis l’ancien palais de Justice de Château-Thierry. Et une nouvelle prison près de Saint-Jean-d’Angély…
C’est du pognon, et souvent beaucoup plus essentiel que d’autres considérations dont la presse nationale se fait l’écho.
Exit le maire écologiste de Wattwiller, Jacques Muller, du Sénat. Bockel reprend son siège…
J’attends avec impatience la prochaine déclaration de Claude Allègre…
À moins qu’on ne lui trouve une mission quelconque, à la Christine Boutin…
Ministre du Travail, emploi et de la santé
Xavier Bertrand
Je remarque que le ministère de la santé a disparu ,avant nous avions une ministre de la santé et des sports ,maintenant c’est un ministre du travail ,de l’emploi et de la santé.
Chapeauté par un assureur ,la privatisation de la santé s’annonce avec ce choix.
Bien vu, Tour de garde… On verra comment le passage de la pilule amère sera compensée par des prébendes pour celles et ceux destinés à nous la dorer…
Les promesses publiques de Sarko n’ont pour la plupart pas été tenues, mais les privées (en direction du patronat, des milieux d’affaires, des grandes fortunes, des marchés), si.
Il en subsiste un reliquat.