La femme la plus influente de France n’est certainement pas Martine Aubry, encore moins Laurence Parisot ou Carla Bruni. C’est peut-être, par François-Marie Banier, Patrice de Maistre et Liliane Bettencourt interposés, Sir Linsay Owen-Jones, de L’Oréal. Ou possiblement une épouse Gérald Frère (fils du Belge Albert Frère), une cheffe d’entreprise étrangère très fortunée, ou bien… Angela Merkel, si ce n’est Hillary Clinton.

Si Jiang Qing, épouse de Mao-Tsé-Toung, fut sans doute, un temps, la femme la plus influente de Chine, si Elena Ceaucescu, la « docteure-académicienne-première scientifique » roumaine fut certainement la femme la plus influente de son pays, c’est loin d’être le cas, pour la France, d’une Martine Aubry et encore moins celui d’une Claire Chazal…

 

Ce n’est pas faire injure aux féministes françaises que de penser que les instituts de sondage les prennent pour des… pommes. Philippe Bilger, le magistrat-blogueur de Marianne, estime, à propos du sondage CSA classant les quatre premières femmes influentes de France (Martine Aubry, Claire Chazal, Christine Lagarde, Michèle Alliot-Marie), « le féminisme véritable devrait exploser devant un tel mélange des genres. ». Propos un peu « léger » en ce sens que je ne vois pas trop pourquoi mettre ainsi en valeur des femmes – dont les convictions féministes lui sont sans doute aussi inconnues que nébuleuses pour moi – témoignerait d’un intérêt féministe du CSA  ou de Grazia à l’égard des femmes.

 

Le sondage CSA pour l’hebdomadaire Grazia mentionne aussi bien sûr Carla Bruni, Marion Cotillard, Marine Le Pen, et même encore Liliane Bettencourt. Laurence Ferrari est à la douzième place de ce classement. Je me dispense de consulter le site de Grazia, qui publie aussi un « Top 10 » des femmes « les plus puissantes au monde » (Obama, Merkel, Beyoncé, Anna Wintour, une modeuse, et Dilma Roussef, entre autres…). Carlita et Christine Lagarde sont du nombre dans l’édition française, dans d’autres, j’ignore. Le CSA est tellement fier de son sondage que sur son site, en rubrique « Vie quotidienne », il préfère évoquer « les Français et le Paradis » ou « l’arrivée de Laurent Blanc » chez les « Bleus ». La vingtième femme plus influente de France, selon le CSA, me restera donc inconnue puisque la presse, hors Grazia, se dispense de la mentionner. J’imagine que ce n’est pas une académicienne des Sciences, ou Nadine Morano, ou Rachida Dati, ou une générale de corps d’armée (aux États-Unis, Ann Dunwoody a ce grade, pour le Royaume-Uni, il y a Gayle Light, pour la France, j’imagine que ma générale Colette Moulin-Giagometti a peut-être été promue…).

 

Il n’y a évidemment que les féministes que les magazines féminins ou autres, et les instituts de sondages, prennent pour des pommes. Les Françaises et les Français n’en pensent d’ailleurs pas moins. Mais elles et ils peuvent comprendre la réaction de Philippe Bilger, que par ailleurs, je partage. Nul besoin de chercher l’erreur, on a trouvé celle de distribution (casting). Parmi les femmes les plus en vue, j’imagine que Carole Bouquet a, par intermittences, le plus d’influence sur les idées du moment. Tout simplement parce qu’elle est beaucoup plus médiatisée qu’Assia Djebar, académicienne française, commandeure des Arts & des Lettres, comme on ne sait quelle autre actrice de la vie médiatique française, telle Alice Donadel (dite Dona), ou la styliste Simonne Bodin (dite Bettina Graziani chez Ungaro ou Valentino).

 

Stéphane Bern attendra sans doute quelques années sa promotion au grade de commandeur, et je ne sais si Claude Pompidou, présidente d’honneur du Centre d’art contemporain de Carjac, eut droit à cette distinction (Régine Crespin, soprano, l’obtint). Toutes les chances sont du côté de Claire Chazal pour rejoindre Danièle Delorme dans cet Ordre. Un classement de Grazia vaut toutes les recommandations : c’est désormais des « personnalités » du monde des médias, si possible pas trop mal attifées, un peu décoratives, qui, sous l’égide du président Sarkozy et de Frédéric Mitterrand, ont toutes leurs chances d’être distinguées.

 

Je me souviens d’un débat de l’Institut Émilie du Châtelet, dont la présidente, Françoise Barret-Ducrocq, est décorée d’assez longue date de la Légion d’honneur pour ses ouvrages et sa carrière universitaire (et peut-être sa proximité avec l’Ena, quant à l’ancienneté dans l’Ordre). C’était voici quelques années et un monsieur d’un certain âge avait posé la question : « pourquoi donc l’avoir acceptée ? ». La question parut incongrue. Je ne sais pas si elle le semblerait autant à présent.

 

Que j’eusse préféré qu’Anne Roumanoff figure à la place de Claire Chazal au classement de Grazia ne signifie pas que je ne considère pas à leur juste niveau les talents professionnels de cette présentatrice de journaux télévisés. Je suis aussi futile à l’occasion, et j’assume très bien.

 

À la place de Martine Aubry, j’aurais bien vu… Viviane Reding ? Peut-être pas. C’est ma grégarité qui l’emporte sur des considérations plus sérieuses (Viviane Reding dirigea l’Union luxembourgeoise des journalistes, elle m’est donc à ce titre sympathique…). Nommez celle qui vous convient (Ségolène Royal ou Eva Joly, parmi les politiques, par exemple), peu importe. Sylvia Jay, administratrice d’Alcatel-Lucent et vice-présidente de L’Oréal Royaume-Uni ? Il y a fort à parier que la femme la plus influente de France ne soit pas une Française et qu’elle détienne encore son influence d’un homme. Cela n’est pas inéluctable, et par exemple, Marylin Carlson, de Carlson WagonLit, héritière de son père, est devenue largement influente par elle-même. Il est en revanche ahurissant de trouver encore Liliane Bettencourt, dont plus un lecteur attentif de la presse ne croit qu’elle puisse encore gérer sa fortune par elle-même, dans un tel classement. Elle est « vue à la télé », voilà tout. Cela suffit.

 

On peut même penser que si Mimie Mathy avait été proposée à la « sagacité » des répondantes et répondants de ce sondage, elle aurait peut-être surclassé Liliane Bettencourt. Cela n’aurait d’ailleurs pas fait un pli à la rédaction de Grazia, priée d’habiller d’un texte les photos des « pipeule » de ce plébiscite par sondage interposé. Elle ou une autre, Aubry ou Laetitia Halliday ? Ah, cela aurait valu une page de publicité d’un lunetier. Dommage. Mais Grazia se rattrapera, une très prochaine fois.

 

Mais passons vite à autre chose. Quoique… Je ne sais si un Avigdor Lieberman aurait eu le culot de répondre à Simone Veil ce qu’il vient de répliquer à Bernard Kouchner et son homologue espagnol, Mighel Angel Moratinos : « Avant de venir nous dire comment résoudre nos conflits locaux, j’espère que vous solutionnerez tous les problèmes européens (…) Nous ne sommes pas disposés à devenir la Tchécoslovaquie de la décennie 2010 et nous défendrons les intérêts vitaux d’Israël. ». Il y aurait eu là de quoi faire perdre son apparente impavidité à une Michèle Alliot-Marie. En tout cas, pour certains problèmes intérieurs à la France et à l’Europe, la femme la plus influente pourrait être Hillary Clinton si elle parvenait à infléchir la politique étasunienne vis-à-vis d’Israël et des pays « arabes ». Et il est fort possible qu’elle le devienne de même si elle réussit ou renonce à ce que la France affronte l’Iran. Car qu’on le veuille ou non, ce n’est pas Michelle Obama qui « tient » le parti démocrate américain. Dans le classement de Grazia, elle précède pourtant Angela Merkel et Hillary Clinton. Mais si Claire Chazal remplaçait Christine Ockrent au ministère des Affaires étrangères, on ne voit pas trop quel réel changement cela impliquerait. France 24 que codirige encore pour quelques temps Christine Ockrent, émettra dès ce 12 octobre en arabe. Elle aurait déclaré à El Watan que « la liberté éditoriale de France 24 est entière et totale… ». C’est cela. Celle de Grazia tout autant… Là encore, c’est peut-être Sir Lindsay qui est la « femme » la plus influente de France.