Mais qui donc porte ombrage à Nicolas Sarkozy ? La rue et ses rhumatisantes manifestations de retraités ? Que nenni ! Il tient le cap. Mais il n’a plus la main. Ne seraient-ce pas ces hommes de l’art qui sont ceux de l’ombre à en être la cause ? Plus les enquêtes policières officielles progressent, plus la question de savoir si des réseaux (chiraquiens ?) au sein des services dits « secrets » ne lui auraient pas dressé un rideau de fumée pour lui masquer la portée du Woerthgate qui se tramait.

Derniers petits épisodes du Woerthgate toujours en cours, dans le volet Bettencourt, les « villégiatures », non plus de Florence Woerth, mais du procureur Courroye aux bords du Léman, et la surprenante attitude du dr Remy, un neurospychiatre, qui se serait débarrassé du dossier qu’il avait conservé sur Liliane Bettencourt. La Tribune de Genève, qui avait titré en juillet dernier sur le « Genevagate » de Liliane Bettencourt et des époux Woerth, n’a pas insisté sur le fait que le procureur Philippe Courroye était venu à Genève rencontrer le juge Jean-Bernard Schmid. Mais ce dernier a assuré à l’AFP avoir reçu Philippe Courroye et 24 heures, le quotidien de la Romandie, reprend l’information selon laquelle il ne lui aurait transmis aucun document. La justice suisse se demande elle aussi si Liliane Bettencourt n’aurait pas été victime d’un abus de faiblesse.

Le Temps, pour sa part, ressort l’affaire Wildenstein. « Bettencourt, Wildenstein; les deux affaires politico-fiscales qui agitent les médias français partagent les mêmes ressorts et les mêmes suspects. Après les comptes genevois et le notaire veveysan de l’héritière de L’Oréal, c’est cette fois au tour de deux avocats zurichois de voir leurs noms apparaître dans des documents révélés par le site Mediapart. ».

Plus impertinent, Le Journal du Jura s’interroge sur l’initiative de l’UMP d’avoir recours à la vidéo pour aider les arbitres des rencontres internationales : « Cette initiative intervient en pleine polémique sur la gestion de la fortune de Liliane Bettencourt, héritière de L’Oréal, et les soupçons de conflit d’intérêt mettant en cause le ministre du Travail et trésorier de l’UMP Eric Woerth, ex-ministre du Budget. Frédéric Lefebvre a cependant rejeté toute idée de diversion. ».

 
Pierre-André Chapatte, du Quotidien Jurassien, est moins élégant dans son appréciation : « le foot a été inscrit à l’ordre du jour de l’Elysée, du gouvernement et de l’Assemblée nationale alors que les logements de fonction abusifs de deux ministres, le permis de construire obtenu illégalement par un autre, les 12000 euros de cigares d’un autre encore payés par les deniers publics, les cumuls de salaires et de retraites, les soupçons qui pèsent sur le ministre Eric Woerth dans l’évasion fiscale de la richissime Liliane Bettencourt alors qu’il traque les fraudeurs, tout cela met la France en émoi et laisse le pouvoir muet. Si Nicolas Sarkozy n’a pas pu compter sur l’équipe de France pour divertir l’opinion, il en a fait une affaire qui atténue la visibilité des autres. ». Nicolas Sarkozy en a bien besoin, d’un « divertissement ».
 
Mais ne l’aurait-on pas, depuis de longs mois, « diverti » lui aussi ? La première fois qu’il fut question de médecins dans Mediapart, ce fut pour signaler le versement en numéraire de 1 713 euros à mystérieux praticien. On peut penser que le ministre du Budget, Baroin, s’est empressé de motiver les services fiscaux pour s’intéresser de plus près à cette singulière pratique. Quand on négocie une consultation ou une intervention qui ne sera pas déclarée à la CPAM, comme des soins esthétiques, par exemple (serait-ce que L’Oréal ne vaut rien pour que Liliane Bettancourt y ait recours ?), on ne négocie pas à l’euro près.
 
Ensuite, ensuite, des noms de médecins, et même un prénom d’une de leurs proches, il y en a eu… tout plein (voir nos précédentes chroniques). Dont celui d’un neurospychiatre, le dr Hubert Remy, dont on présume qu’il s’agit de celui dont le cabinet, villa Jocelyn dans l’ouest parisien, aurait été perquisitionné. Ce serait François Goguel, avocat de Liliane Bettencourt, qui aurait mandaté l’expertise privée à laquelle ce médecin, voisin de nombreuses personnalités (c’est simple, hormis lui-même et le conseil de copropriété, tout le monde est en liste rouge à cette adresse), se serait livré. Pour un petit millier d’euros, ce qui représente un prix d’ami pour un rapport de sept pages, remis à la justice le 27 avril 2009. Le 21 juillet suivant, il recevait (sauf si le rendez-vous a été reporté ou annulé) sa cliente, madame Liliane… Goguel. Ce n’est guère futé, à moins d’imaginer qu’un inconnu ait inventé une Liliane Goguel, l’ait dotée d’un numéro de sécurité sociale, et frauderait la CPAM de remboursements de consultations et de prescriptions et soins imaginaires.
Mais comme le chantait Jacques Brel, « chez ces gens-là, Monsieur… ». Allez donc savoir ! Dépenses somptueuses d’agrément et petits bénéfices rapiats vont parfois de pair : il y a des comptables pour suggérer d’inscrire les enfants au RMI ou au RSA.
Tout comme lorsqu’il s’agit de se rendre au siège de l’UMP, la brigade financière, selon Le Point, aurait gentiment convoqué ce médecin deux jours à l’avance. Ces toubibs qui justifient leurs honoraires par de longues années d’études ne sont parfois pas très bien avisés. Toujours est-il qu’entre l’option de faire des faux en refaisant un dossier – avec le risque que le papier en soit analysé – et celui de remettre les pièces originales, il semble qu’il ait choisi le moindre : il aurait tout détruit dès réception de sa convocation. C’était sans doute pour que le Conseil de l’Ordre ne lui réserve pas le sort (la question ? comme sous l’Inquisition ? allons donc !) qu’ils vouent à d’autres confrères impliqués dans le volet Bettencourt du Woerthgate. Au moins aura-t-il préservé le secret médical ! C’est louable…
 
Plus on en apprend, moins on comprend que la Direction du renseignement, qui, à la Préfecture de police « centralise et analyse l’information générale sur les phénomènes économiques et sociaux », voire même la Direction centrale du Renseignement intérieur (DCRI), qui a les mêmes objectifs, n’ait rien vu venir.
Que nous a-t-on seriné sur les risques de prise de contrôle de Nestlé sur L’Oréal, sur les enjeux économiques, sociaux, de cette hypothèse très souvent fantasmée ! Elle se veut un FBI à la Framçaise… cette DCRI. Elle a su déjouer des attentats multiples ! Elle a déjoué « l’affaire de Tarnac ». Elle dispose de plus de 3 300 fonctionnaires ! Dont 164 commissaires et de milliers d’officiers… Ils sont couverts par le Secret Défense. Ils se livrent à « l’intelligence économique ».
Ils ont serré Adlène Hicheur, un docteur en physique des particules, qui aurait fomenté, avec son frère, Halim, un docteur en biomécanique, un attentat contre le 27e bataillon de chasseurs alpins en instance de départ pour l’Afghanistan, un autre contre une raffinerie de Total.
Qui peut le plus, peu le moins. Quand on déjoue les menées de scientifiques, qui sont supposés se dissimuler soigneusement, on peut bien se faire une idée sur ce qui se trame, pratiquement au vu et su de tout le Gotha et des répertoriés du Who’s Who et du Bottin mondain, non ? Comment croire que nos limiers et leurs honorables correspondants et informateurs dans la bonne société, voire les cercles de jeux huppés, n’étaient au courant de rien de ce qui se passait sous leur nez ?
On va finir par penser que des amis d’amis du prédécesseur du petit Nicolas à l’Intérieur, Charles Pasqua, des juppéistes et villepinistes embusqués, se soient joués de leurs supérieurs. Ou même que Bernard Squarcini soit un agent double, voire triple, même quadruple, ayant dupé Sarkozy et le Château, masquant les évidences, les tenant dans l’ignorance. Dans ce cas, oui, Nicolas Sarkozy aurait vraiment perdu la main. Ou alors, ou alors…
 
Alors, c’est comme dans les séries américaines ; le président a son Jack Bauer, tapi dans l’ombre, attendant que les masques tombent, accumulant les preuves confondantes, mais il convient d’attendre qu’il surgisse et fasse le ménage. Woerth se serait laissé salir, mais pour la bonne cause : il conserve toute la confiance de Nicolas Sarkozy. C’était donc une sorte de chèvre. Appâtant les boucs ! Avec l’aide de sa fidèle Florence, qu’on a su infiltrer puis exfiltrer, qui a gagné la confiance des traites et fomenteurs de complots, qui a dérobé les plans du bunker de l’île d’Arros. Bravo ! Est-ce montée sur une jument de l’écurie Dam’s qu’elle surgira, telle Zorro, encagoulée, au moment crucial ?
Ne préjugeons de rien. On feint peut-être même de désavouer Jean-Marie Banier, qui au bout du compte, deviendra directement officier de la Légion d’honneur ! Et adoubé par Carla Bruni, pressentie pour devenir immortelle, en fourreau vert à parements de feuilles d’oliviers en soie (en prévision allusive).
Parfois, quand, par exemple, on lit la dernière contribution du Conseil national de la Résistance en Midi-Pyrénées, qui récapitule quelques épisodes de La Cagoule (L’Oréal, Shueller, Bettencourt et consorts), on se dit que le passé a été marqué par les alliances et les trahisons les plus insolites.
Le quinquennat, avec l’affaire Clearstream II en cours et en cour, n’a pas débuté sous les meilleurs auspices. Personne n’accrédite l’idée que David Sénat soit la seule « gorge profonde » de la presse. Ce qui est sûr, c’est que les Française et les Français disent : « refusons de payer leur crise ». Elles et ils ne sont d’ailleurs pas loin de scander : Remboursez ! Remboursez ! Et il faudra bien que Nicolas Sarkozy l’entende, ou, coincé entre la rue et les officines, se démette.