Me Pascal Wilhelm vient d’annoncer la volonté de Liliane Bettencourt de porter plainte contre sa fille, Françoise Bettencourt-Meyers, pour « violences morales ». Me Wilhelm, du cabinet Wilhelm & associés, est aussi le conseil de Patrice de Maistre (entre autres personnages dans l’entourage de Liliane Bettencourt ?). N’y aurait-il pas là comme un fumet de conflits d’intérêts ? Qu’en pense Jean Castelain, bâtonnier du barreau de Paris depuis le début de cette année ? Pour obtenir une réponse : [email protected]


C’est sur le papier à en-tête d’un palace de New York (il n’y a pas de petits profits, ce qui prouve bien qu’elle a encore toute sa tête) que Liliane Bettencourt avait annoncé ses intentions : « J’ai donc chargé mon avocat, Maître Wilhelm, de prendre les mesures nécessaires… » à l’encontre de sa fille, Françoise Bettencourt-Meyers.
Ce sera fait, selon Me Pascal Wilhelm, « lundi ou mardi ».

Fort bien. Formé par Louis Bousquet, Me Wihelm est aussi le conseil de Patrice de Maistre. Celui qui avait conseillé à Liliane Bettencourt de confier partie de sa fortune au sieur Madoff. N’y aurait-il pas là comme une sorte de conflit d’intérêts ? Peut-on défendre tant un salarié que son employeuse ?

J’imagine que oui. Sinon, c’est sûr, l’Ordre des avocats serait intervenu déjà. Souverainement. Sans qu’il soit même besoin de le saisir.

On se plongera avec quelque amusement dans les déclarations passées de Me Wilhelm sur les affaires Bettencourt. Un jour c’était « circulez, il n’y a rien à voir », un autre c’était un assourdissant silence, parfois une légère concession du bout des lèvres.

Au fait, n’y a-t-il pas un risque, aussi, pour sa santé ? C’est une situation un peu schizo, non ?
Il devrait consulter peut-être son homonyme qui propose des « massages assis de relaxation » et un « accompagnement psychothérapeuthique ». Peut-être faudrait-il adapter la méthode : c’est quand il est debout à la barre ou devant les caméras de télévision que l’avocat aurait le plus besoin de relaxation et d’accompagnement.

Mais pour le moment, on n’a pas trop constaté d’énervement chez l’impavide Me Wilhelm. C’est avec un parfait aplomb et un grand calme qu’il a soupiré, à propos des placements chez Bernard Madoff : « Patrice de Maistre n’a évidemment participé à aucun montage, encore moins au moindre rabattage de client ». Nous en sommes bien persuadés. Si c’était le cas, les rabattus trouveraient chez Me Wilhelm une oreille très attentive. D’ailleurs, sur certains points, il a parfaitement raison. Les avocats, surtout si les enquêteurs font savoir en temps largement utile à leurs clients qu’ils seront interrogés, fournissent des éléments de langage. Des anti-sèches, en quelque sorte. « C’est une activité très classique pour les avocats. Tous les avocats, y compris Me Metzner, préparent leurs clients lorsqu’ils sont entendus dans une procédure. Il n’y a rien de mal… », indiquait Me Wilhelm à l’agence Reuters. Un léger sédatif est parfois aussi recommandé. Il suffit de s’adresser à un médecin ami.

Ne croyez pas que Me Wilhelm soit machiavélique. C’est comme tout le monde, en lisant la presse, qu’il découvre le futur contenu de son dossier le plus médiatisé. « Dans la continuité du travail de revue de la fortune personnelle de madame Bettencourt, monsieur de Maistre a appris l’existence d’avoirs à l’étranger. Pour le moment, j’ai connaissance de deux actifs, » expliquait-il à propos de comptes en Suisse. C’est peut-être d’ailleurs dans la presse qu’il avait appris que Liliane Bettencourt avait, en 2008, accordé une libéralité de cinq millions d’euros à son autre client, Patrice de Maistre. Des cadeaux entre clients, fournisseurs, employés, cela se fait, non ? (petit aparté à l’intention de Pixart, mon imprimeur vénitien : vous pouvez compter sur moi pour le muscadet, et une caisse d’asti conviendra ; vous êtes le bienvenu à Plouganou, et c’est avec plaisir que je vous rendrai la pareille pour le Carnaval…). Bref, pour prendre la mesure de son dossier, Me Wilhelm a bien besoin de la presse. D’ailleurs, ne déclarait-il pas : « Nous ne comptons pas museler la presse », ajoutant qu’elle ne peut « receler des informations qui relèvent de la vie privée », et nous en sommes bien d’accord. La vie professionnelle de Me Wihelm peut suffire à satisfaire notre curiosité.

On se souvient que Me Wilhelm avait déclaré que jamais, jamais, « Patrice de Maistre n’a jamais demandé sa Légion d’honneur à Éric Woerth… ». D’ailleurs, le même Éric Woerth, selon Me Wilhelm, n’a jamais, jamais, reçu le moindre argent de la part de Liliane Bettencourt, n’a jamais, jamais, sollicité l’embauche de Florence Woerth, et Liliane Bettencourt et Patrice de Maistre n’ont jamais, jamais, tenté d’échanger quelques libéralités contre quelques autres. C’est un peu comme avec « mon » imprimeur. S’il m’envoie une caisse d’asti, s’il m’arrive d’en remettre un col de sa part à mon patron, qui règle les commandes que je passe, c’est juste un échange de bons procédés. D’ailleurs, deux caisses seraient mieux venues : le patron commence à trouver que, certes, l’imprimeur reste mieux-disant, mais deux cols faciliteraient les bonnes relations.

C’est Me Wilhelm qui avait évoqué les deux rencontres entre Nicolas Sarkozy et Liliane Bettencourt. Il s’agissait, de la part du président, qui découvrait bien évidemment ce dossier par la presse, d’ « évoquer les conséquences, sur le groupe l’Oréal, du procès intenté à François-Marie Banier par la fille de Liliane Bettencourt… ». C’était en novembre 2008. À part cela, depuis 2008, la santé de Liliane Bettencourt s’est encore améliorée. C’est sûr, comme le disait à l’AFP une vieille amie de Liliane Bettencourt, Modique de Libouton « elle m’a dit à l’automne 2008 au milieu d’une conversation et de manière véhémente : “Tu la connais-toi cette Monique de Libouton?” J‘ai été sidérée et dans la même soirée Liliane a dérapé quatre fois… ». Notez qu’il s’agissait bien de s’entretenir avec Liliane Bettencourt et non avec Patrice de Maistre ou l’entourage d’hommes de loi de Liliane Bettencourt. Notez qu’il ne s’agissait donc aucunement d’évoquer les conséquences, pour Nicolas Sarkozy, de ce procès. De même, ce n’était pas parce que Me Paul Lombard entretenait d’excellentes relations avec le procureur Courroye que ce dernier avait été approché par Patrice de Maistre. La preuve : c’est Me Wilhelm qui a été retenu. Cela s’explique aussi. Dans les affaires de calomnie et de lynchage médiatique, Me Wilhelm avait brillamment défendu un autre « maître du monde », J2M : « dans la relaxe que nous vous demandons, nous vous demandons aussi la réhabilitation de Jean-Messier, qui fut sali, a subi la calomnie, une forme de lynchage médiatique, » avait plaidé Me Wilhelm.

En juillet 2009, Me Wilhelm intervenait dans le débat « Médias audiovisuels et concurrence » du séminaire Philippe Nasse (à la Direction générale du Trésor public). On ne doute pas qu’il fera jouer une saine concurrence, une féconde émulation entre les médias. La concurrence entre avocats est aussi parfois féconde. Me Hervé Témime n’est plus le défenseur de François-Marie Banier, c’est désormais Me Pierre Cornut-Gentille qui l’assiste (avec Me Merlet). Un spécialiste de la mise « en évidence, du crédit parfois excessif accordé aux experts, et surtout des rapports complexes entre les policiers, les magistrats, le monde politique et les médias. ». Quelques médecins vont se sentir dans leurs petits souliers. Ce dernier est beaucoup plus avare de déclarations que Me Pascal Wilhelm. Dommage…

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