Le Woerthgate, ce n’est bien sûr pas (ou plus… jusqu’à nouvelle donne) la cession du golf et de l’hippodrome de Compiègne facilitée par Éric Woerth, la moitié des revenus de Liliane Bettencourt placée pendant des décennies en Suisse, mais des bisbilles entre juges et avocats, par exemple. Et puis, et puis, cette terrible nouvelle : « on » a menacé de rapt, de dépeçage, éviscération, &c., Toma, le teckel de Liliane Bettencourt !

Le cuir de Toma, le teckel de Liliane Bettencourt, finira-t-il en abat-jour, comme la peau des détenus prélevée par le trio de camp de Buchenwald, Ilse et Karl Koch et leur ami médecin militaire SS Waldemar Hoven ? Serait-ce une « chienne de Neuilly » (Ilse Koch était surnommée la « chienne de Buchenwald ») qui en voudrait ainsi à Toma, le plus fidèle ami de Liliane Bettencourt ? Ce teckel de huit ans, dont le pelage est rehaussé par un élégant collier Hermès (comptez 300 euros pour un modèle de base, mais le sur-mesure est possible, les boucles et ornements peuvent être argent ou or, ou vulgairement plaqués en métal précieux), est le favori : il bénéficie, tout comme son autre petit compagnon, d’un régime spécial à base de poissons frais et d’eau minérale. Mais aussi d’un « coach » rétribué 6 000 euros mensuels et jouissant d’un appartement de fonction. Comme un lettre anonyme l’a menacé de rapt et de se retrouver transformé en « tapis d’escalier », sa protection rapprochée a été renforcée.

 

Au sujet d’une toute autre affaire, l’ex-juge Éric Halphen, de l’association anti-corruption Anticor, a estimé : « les enquêtes qui concernent les proches du pouvoir ou les agissements du pouvoir ne pourront jamais aboutir ni même se déclencher (…) actuellement. » Quelle mauvaise langue ! On a pourtant bien retrouvé le scooter d’un fils de Nicolas Sarkozy, localisé qui s’était servi de numéros de carte de crédit de membres de la famille, et même serré le voleur du téléphone portable d’un familier de Neuilly, un simple préposé de La Poste du nom de Besancenot. Nul doute que les policiers retraités agissant pour le compte de la Direction centrale du Renseignement sauront aussi retrouver les portables volés à des journalistes que, selon Le Canard enchaîné, ils surveillent tout aussi de près que, naguère, Anne Fulda, ex-maîtresse de Nicolas du temps des fugues de Cécilia… Bah, Éric Halphen s’exprimait sur le cabinet Publifact, l’interface entre les services de com’ de l’Élysée et les instituts de sondage visée par une plainte contre X pour « délit de favoritisme ». Liliane Bettencourt a un teckel favori, qui, en huit ans, lui a bien coûté le million et demi d’euros accordé à Publifact. Pourquoi donc l’Élysée n’aurait-il pas un cabinet favori ? Les précédents présidents avaient tous des chiens, et cela montre bien que Nicolas Sarkozy, qui n’en entretient pas encore, est soucieux des deniers publics.

 

Le dénommé Besancenot est un facétieux. Mercredi dernier, accompagné d’autres facteurs et fonctionnaires (en grève ? en décharge syndicale ? en congé ?), il est allé balancer des sacs postaux remplis d’enveloppes vides au-dessus des grilles de la résidence de « Mamie Zinzin », comme il surnomme affectueusement la maîtresse de Toma. Laquelle n’a pas fait retourner des enveloppes garnies par la voie des airs de la sorte : elle les garnira sans doute de chèques et leur apposera sans doute des timbres (petite vitesse ? il n’y a pas de petites économies). On peut remettre du numéraire en mains « propres » (comme on dit), mais il reste interdit d’en glisser dans des plis postaux. Comme le commente la presse italienne, la libertà de la stampa (de la presse) a ses limites sous Berlusconi ou Sarkzoy, celle d’affranchir des dons en liquidités aussi… C’est l’état de droit. D’obligation, aussi, de protéger les meilleurs amis de l’homme et des veilles dames.

 

À part cela, qui plonge l’opinion dans l’angoisse, suscite son indignation, et sollicite la vigilance de Brigitte Bardot, Toma ne jappe même plus quand la caravane des péripéties du Woerthgate passe. Au nombre des micro-événements de l’affaire Bettencourt, on note que le barreau des avocats se mobilise pour s’inquiéter de la confusion des genres et des conflits d’intérêts de ses membres. Non, non, il ne s’agit pas de relever que Liliane Bettencourt et Patrice de Maistre partagent défenseurs (comme Me Pascal Wilhem Me Pascal Wilhem qui fut « moralement violenté » mais reste aussi impavide que Toma), voire notaires (comme François-Marie Banier et Liliane avec Me Normand). Que nenni, il s’agit seulement et uniquement de Me David Martin, du cabinet Bredin (Jean-Denis) et Prat (Jean-François) : il est l’avocat de Françoise Meyers-Bettencourt, il avait été celui de sa mère, Liliane. Me David Martin aurait reçu les témoins attestant de la validité de certains examens médicaux établissant que Liliane avait plus la tête à s’occuper de Toma que de ses affaires. On ne peut avoir été l’avocat de l’une, et s’occuper de l’autre, tant bien même Françoise Bettencourt serait motivée par les intérêts de sa mère, tout comme d’autres, évidemment, tout comme d’autres le sont.

 

C’est déontologiquement grave pour Me Kiejman, l’autre avocat de Mamie, qui considère que préparer des petits papiers pour sa cliente avant qu’elle soit entendue, ou qu’elle se refuse à répondre aux convocations d’une juge d’instruction, est tout à fait normal, courant, habituel. Me Martin serait-il un suborneur d’encore jeunes dames (Claire Thibout, l’ex-comptable, Chantal Trovel, ancienne secrétaire, et cinq autres témoins) tandis que François-Marie Banier ne serait, lui, nuance, qu’un simple cavalier de plus âgées ? Selon une autre secrétaire, Nadia David, Liliane aurait appris à Banier « le rock acrobatique pour pouvoir le danser (…) pour les 50 ans de monsieur Banier » (L’Express, 3 nov. 2010). Ces petits papiers, ces notes de Patrice de Maistre (ou de Me Kiejman) ont été, pour certains, placés par les policiers sous un scellé intitulé « Labordère » (du nom de la voie de Neuilly ou réside Mamie et que dessert le facteur Besancenot). Mediapart en révèle la teneur de certains pense-à-Toma, comme celui-ci : « au-dessus de Courroye, Sarkozi (sic) ». Si on ne va pas à Lagardère (Arnaud ou Bernard), le laissant, comme Sébastien Proto ou Éric Woerth, venir à soi, on saura voler au secours de Toma à Labordère.

 

Mediapart s’inquiète aussi d’une note manuscrite supposée être de la main de Liliane Bettencourt libellée « Secret perso Président » qui mentionne un(e) certain(e) « Le Briant ». Qui, en fonction la mémoire de Mamie pourrait être un(e) « Le Briand », voire un « brillant ». L’un des médecins de Mamie ne choisit-il pas ses potions et médecines à l’aide d’un pendule ? Mamie pourrait bien scruter les reflets d’un cabochon ou d’une pierre pour prendre ses décisions. Oui, mais, ce « Le Briant », poursuit la note « peut s’informer de la question auprès de M. Courroye ». On ne voit guère un procureur entrer en télépathie avec diamant ou un zircon… fusse-t-il un vrai roc, acrobatique ou non. Bah, Sarkozi, Sarközy, Sarkozi ou Sarkossi, c’est un peu du pareil au même, comme pour Brillant, Briand, Bryan, ou d’autres… Quant au président, en cette affaire de fromages, ce pourrait bien être un Maître Normand.

 

La Chambre criminelle de la Cour de cassation, pour sa part, confirmera-t-elle Philippe Courroye pour continuer ses investigations préliminaires et Isabelle Prévost-Desprez dans son instruction ? Après tout, elle pourrait se refuser à dépayser les divers dossiers. Sur l’affaire des fuites en direction de la presse, ou des visites dans les rédactions, à propos des « fadettes » (factures détaillées de téléphone), il sera toujours temps d’aviser. Les dossiers resteront disjoints, y compris, sans doute, à Paris, pour le procureur Marin…

 

Quant à la question de savoir si Mamie doit être mise sous tutelle car trop influençable par son entourage, ce sera à une juge des tutelles de Courbevoie d’en décider. Cette dernière pourrait convoquer Liliane Bettencourt pour l’entendre. À Courbevoie ? Dont le député-maire, l’UMP Jacques Kossowski, est secrétaire national en charge de l’emploi des seniors du Mouvement populaire ? Cela tombe bien, elle n’aura qu’un petit détour à faire pour solliciter un petit boulot aménagé et montrer ainsi qu’elle a bon pied, bon œil, et toute sa jugeotte. Comme l’a dit Éric Woerth, au sujet de la réforme de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées « toutes les pistes sont sur la table » (d’écoute ? de poker ? il ne l’a pas précisé).

 

Sa propre retraite et son départ du gouvernement ne sont pas encore à l’ordre du jour que voici qu’Éric Woerth se retrouve mis en cause dans un autre dossier : celui de diverses sociétés ad hoc qui achetaient des quotas d’émissions de CO2 à l’étranger pour les revendre à des sociétés françaises, en évitant de rembourser au Trésor public les 19,6 % de TVA qui lui revenaient sur ces ventes. En très clair, L’Express, qui rappelle cette affaire, laisse entendre qu’Éric Woerth, alors ministre du Budget, se serait hâté très lentement pour intervenir. Ce qui laissait tout loisir à ces sociétés pour s’évanouir, disparaître dans une nature peut-être paradisiaque et aussi fiscalement accueillante que les voisinages de l’île d’Arros. Tracfin, l’organisme de lutte contre le blanchiment d’argent d’origine suspecte des ministères des Finances et du Budget, avait été saisi par une filiale de la Caisse des dépôts et consignations dès octobre 2008. Le mois suivant, CDC Climat, la dite filiale, précise ses soupçons : des sociétés opaques traitent, à la bourse des crédits carbone, BlueNext, « des volumes énormes » (serait-ce pour asphyxier Toma ?). Au point que BlueNext doit avoir recours à l’emprunt pour financer les avances de TVA qu’elle consent. Le 21 novembre 2008, le cabinet d’Éric Woerth consacre une réunion à ce trafic. Mais le ministère du Budget sera aussi lent à réagir que les ministères concernés dans l’affaire Visionex (société de jeux en ligne qui a officiellement valu au magistrat David Sénat de se voir écarté du ministère de la Justice). Là, ce n’est pas, semble-t-il, pour mieux et définitivement mettre fin aux activités de ces sociétés, qu’on prend tout son temps. C’est CDC Climat, qui de sa propre initiative, début juin 2009, soit sept mois plus tard, met fin à la plaisanterie. Huit jours plus tard, enfin, une décision d’exonération de la TVA pour les quotas de CO2 transitant par la France fait chuter de 80 % les transactions. Les émissions de CO2 n’en croissent pas moins, mais leurs parcours européens stagnent subitement. Pour le moment, le ministère du Budget se refuse à tout commentaire et Éric Woerth n’a pas encore sorti son joker habituel : « il ne s’est rien passé d’anormal, je n’ai absolument rien à ne me reprocher, d’ailleurs j’ai une tête de parfait honnête homme… et quand je sors sur les marchés de Chantilly, tout le monde me félicite… ».

 

Il n’est pas vraiment sûr que, au fur et à mesure que les actes ou absences d’actes d’Éric Woerth dans les divers ministères où il aura transité sont découverts, ses agissements lui valent encore des félicitations, même à Chantilly. Une suggestion : demander à Liliane Bettencourt de lui laisser promener Toma, escorté par son « coach » et ses barbouzes canins. Parce qu’il, Toma, le vaut bien, et qu’elle, Liliane, à eux, Éric et Florence Woerth, et sans doute Nicolas Sarkozy, le leur doit sans doute bien. D’ailleurs, une petite saillie de Toma, pour doter Carla et Nicolas d’un chien à très grandes oreilles, potentiel renifleur de fuites, serait fort bienvenue à l’approche de la campagne présidentielle de 2012. Quoi de mieux qu’un gentil toutou pour émouvoir Brigitte Bardot et dans les chaumières ? Au futur père de son prochain photogénique compagnon à quatre pattes, le couple présidentiel doit bien quelques égards. Dont celui de s’empresser de révéler quel odieux individu, quelle triste personnage, a bien pu menacer Toma de finir en carpette… Pourquoi pas en Courroye, pendant qu’elle ou il y serait ? Odieux !