Belle « étude de cas » en perspective pour les écoles de journalisme et les facs et laboratoires de recherche traitant de l’analyse des médias. France-Soir publie un article de « synthèse » des réactions consignées sur son site à la suite de la publication d’un autre portant sur la couverture de Marianne titrant « Le voyou de la République » à propos de Nicolas Sarközy…


Je ne suis pas spécialiste de l’analyse des médias, même si je m’étais penché longuement sur le cas du quotidien britannique The Independent (stages d’observation, rédaction d’un mémoire universitaire, &c.). C’est en observateur qui ne se prétend pas « objectif » que je signale à votre attention l’un des premiers exemples de traitement journalistique des réponses à ces nouveaux « radio-trottoirs » (lancés par Le Parisien, repris par de très nombreux titres de presse quotidienne, avec cet exemple véridique d’un creux de l’été des années 1990 du régional L’Union titrant : « Lessive en poudre ou lessive liquide ? ») que sont les réactions des visiteurs des sites des publications à tel ou tel article. Comme le reprend France-Soir à propos de la désormais fameuse couverture de Marianne, citant un « anonyme », « les lecteurs sont suffisamment grands, majeurs et vaccinés pour faire la part des choses. ». Cela vaut tout autant pour le lectorat de Come4News et vous saurez vous reporter à l’article de Jean-François Kahn, que le site Marianne2 publie à présent intégralement, ainsi qu’aux deux articles de France-Soir, « Marianne – Cette Une qui dérange » et « Une de Marianne – Les internautes s’interrogent sur la liberté de la presse ».

 

Quelques pistes de réflexion cependant. D’une part, nombre de lectrices et lecteurs de France-Soir ne pouvaient se reporter au verbatim de l’article de Jean-François Khan lorsqu’ils ont réagi  sur le site du quotidien. C’est désormais possible et le second article mentionne un lien vers le site de Marianne2. D’autre part, les réactions au premier article ne sont que 26 à ce jour, date de publication du second. J’estime que le Woerthgate n’est pas que les faits révélés par les affaires Woerth (Éric et Florence, hippodrome et golfe de Compiègne, liens entre Sébastien Proto et Antoine Arnault, entre de Sérigny et de Maistre, Premier Cercle, &c.) et Bettencourt (évasion fiscale, Banier, mère et fille, &c.) mais leur interprétation, leur appréciation par l’opinion. On pourrait même à présent étendre la notion tant aux traitements par la presse de ces mêmes faits qu’à la réception et la perception par les lectorats des angles et contenus « organisés », « hiérarchisés » par les divers médias.

 

Les réactions aux articles du Figaro forment un corpus autrement plus fourni et intéressant que celui de France-Soir. Mais il y a des constantes. Je ne sais où situer le nouveau France-Soir, faute de m’y être intéressé suffisamment, mais j’ai tendance à considérer le titre de l’oligarque russe confié à présent à une rédaction largement issue de celle du Parisien pour un organe de centre-droit alors que le Parisien se situerait davantage au centre-gauche. Ce n’est fondé que sur une impression qui tient compte des éditoriaux mais aussi du traitement de l’actualité économique et financière de France-Soir. La réalité est sans doute toute autre, beaucoup moins sommaire, car c’est lorsqu’une crise de régime, du pouvoir (politique et économico-financier) devient « mûre », ou lorsque les éditorialistes reflètent, à l’occasion d’une élection majeure, les réflexions de l’actionnariat du titre qu’on peut cerner davantage les orientations d’un média. Le Woerthgate est loin d’être « mûr », et on peut s’interroger encore sur l’influence des médias sur son mûrissement. Autre interrogation : quelle est l’influence des Internautes réagissant sur les lignes éditoriales, quelle est l’influence des agences de « vrombruissage » et des groupes ad-hoc des formations politiques sur la tonalité dominante de ces réactions ? Je me bornerai à constater que les dix réactions au second article publiées à cette heure  (midi, ce 12 août 2010) vont beaucoup plus dans le sens d’une condamnation de la couverture de Marianne que les 26 de la veille. Est-ce significatif, et de quoi ? Voilà un nouveau champ d’investigation qui s’ouvre aux sémiologues et analystes des médias…