Le bilan de Fadela Amara sur le « plan » banlieues (et d’autres) n’est guère fameux, et la secrétaire d’État d’Éric Woerth va sans doute se faire plier sa literie de fonction en portefeuille. Celui, comptable, de Yazid Sabeg, commissaire à la Diversité, vient d’encaisser un manque à gagner (ou plutôt « dépenser ») de 20 millions d’euros. Le Woerthgate, c’est aussi cela. Sinon, les aoûtats habituels, soit les gazettes, piquent encore un peu. Perquisition chez Françoise, la fille de Liliane Bettencourt, saisie par le parquet de Nanterre (Courroye) du dossier d’attribution de la Légion d’honneur en faveur de Patrice de Maistre, fournissent du poil à gratter… très légèrement, en surface…


C’est le Canard enchaîné qui nous le remémore. Pasqua aurait attribué « une Légion d’honneur » à un intermédiaire et financier (de son parti), le Russe Arcadi Gaydamak, ancien de divers services secrets (KGB, FSB, Mossad), associé d’Olivier Dassault, et objet d’un fort redressement fiscal en France, et le procureur Courroye aurait estimé que cette décoration était la marque d’un « trafic d’influence ». Bref, Pasqua a aussi été condamné de ce fait. Je ne sais pas si je risque un « pan sur le bec » en relevant que, pour moi, il s’agissait de l’ordre du Mérite, et que c’est surtout Jean-Charles Marchiani, proche de Pasqua, qui a le plus écopé. C’est peu crucial. Toujours est-il que Le Canard relève, en évoquant de Maistre, décoré par Woerth : « toute ressemblance entre ces deux histoires serait purement fortuite ».  Le Canard arrive chez ceux qui doivent savoir le mardi soir, et allez donc, Courroye fait savoir le mercredi qu’il a fait saisir le dossier de Patrice de Maistre à la grande chancellerie de la Légion d’honneur. Piqué par un aoûtat, Philippe Courroye ?

 

Quel aoûtat a donc aiguillonné qui (la juge d’instruction, le parquet de Nanterre ?) pour que soit ordonnée une perquisition au domicile de Françoise Meyers-Bettencourt ? Aurait-on planté chez elle de faux documents comme, par ailleurs, le suppose Me Metzner, aurait été forgé celui saisi chez le notaire de Liliane Bettencourt, visant à attribuer deux appartements à l’ex-comptable, Claire Thibout ? Veut-on accréditer l’idée qu’une femme de chambre et une infirmière ayant travaillé au domicile de sa mère auraient été par elle, sa fille, stipendiées pour dire que leur patronne, Liliane, alternait « confusion » et « moments de cohérence », comme le révèle Mediapart ?

 

C’est vrai que, comme l’a relevé Le Télégramme, ces péripéties pourraient être « solubles dans le mois d’août ». Même Romandie News – n’en déplaise à la correspondante du Figaro en Suisse, les voisins s’intéressent encore à ces divers épisodes – se contente de publier la dépêche AFP du jour, mais sans trop creuser le volet suisse des affaires de L’Oréal. Il y a bien sûr de petits détails qui font sourciller, comme ceux que relève Le Midi Libre qui indique que l’appartement de la fille de Liliane Bettencourt a été perquisitionné vers 06:30 mercredi matin, et ce en l’absence de Françoise Meyers-Bettencourt. Tandis qu’en présence rapprochée de Me Kiejman, chez la mère, on attendait le début d’après-midi pour visiter le bureau attenant du salon où il avait été « courtoisement » débattu des souvenirs épars et diffus de la détentrice des fonds de divers holdings. Mais cela n’intéresse vraiment que les « accros » endurcis du feuilleton. L’affaire Grégory, les Villemin, les Laroche, la Vologne, étaient finalement plus exotiques.

 

En revanche, le Woerthgate, dans toute son ampleur, de Chantilly à la Corse (résidence estivale des de Maistre), et même peut-être de Dunkerque à Tamanrasset, n’est guère soluble dans la torpeur estivale. Le Woerthgate, ce n’est pas ce qui suit le titre du Canard enchaîné, « La haute voltige du procureur Courroye ». Certes, le volatile détaille les montages financiers, les ressorts du « paradis fiscal à la française », et rappelle que « le taux moyen d’imposition des personnes à très hauts revenus se situe à 20 % » (environ 9 % pour Liliane Bettencourt). Mais le numéro précédent aurait tout aussi bien pu apporter cet éclairage. En revanche, si on tourne la page, on trouve cette information portant sur « Un commissaire à la Diversité confit d’intérêts ». Il s’agit de Yazid Sabeg, un bénévole doté d’une voiture et d’un chauffeur de fonction, de « trois collaborateurs payés par l’État », et de bureaux. On ne va pas écrire que s’il s’était appelé Boutin, il aurait « pesé » cinq à six fois davantage. Pour sans doute la même productivité. Lui aussi est chevalier de la Légion d’honneur et de l’ordre du Mérite. On ne sait encore ce qu’il a fait hormis de compiler des rapports de l’administration et de leur ajouter son grain de sel. Il a un blog sur lequel il se déclare « pour le développement de l’apprentissage ». Déjà entendu, circa 1975, puis de multiples fois, cet appel au développement de l’apprentissage et de la formation en alternance. On ne sait combien de personnalités ont été chargées d’une mission d’étude et de propositions en ce sens. Puis-je estimer que Yazid Sabeg est surtout mis en avant pour se mettre en avant ? Dans les médias, les colloques, les réceptions ? Il dispose pour cela d’un dircab’, Richard Finck, d’un chef de cab’, Patricia Vignes, et de conseillers : Rachid Azzouz ; Claudie Buisson ; Farida Cherkaoui ; Patrick Gagnaire ; Matthieu Guével ; Lubin Kadima ; Agnès Lepicard ; Laurence Lim ; Pierre Pommellet ; François Schechter et Hélène Xuan. Rien à redire. Très peu, si ce n’est aucun proche de Fadela Amara ou de Rachida Dati ou de leurs fratries. À la Halde, c’est beaucoup plus diversifié et rémunérateur (voir les précédentes éditions du Canard).  

 

Mais selon l’édition courante de l’hebdomadaire, s’il est aussi en vue et valorisé, ce serait aussi parce que Yazid Sabeg aurait promis de servir de prête-nom à Serge Dassault – tout à fait légalement – pour contribuer, sur l’ancienne circonscription du proprio du Figaro, à la reprise de la société Altis. « Yazid Sabeg, qui apporte 40 millions dans l’affaire, a-t-il lui-même emprunté la somme à Dassault ? » s’interroge Le Canard. « Je ne confirme pas, » répond l’intéressé qui s’est fait retoquer une demande de prêt « conventionné » par l’État et la Caisse des dépôts. « En pleine affaire Woerth (…) c’est un tantinet osé, » estime Le Canard. En gros, Sabeg reprenait Altis, Dassault se faisait réélire, et ensuite, vogue le… Tapie volant muni de piles Wonder ? C’est très Woerthgate tout cela, et en période d’abondance, cela fait sourire (sauf les intéressés, les sursitaires salariés d’Altis). En période d’austérité, de rigueur, de veille de relèvement des taux de TVA, cela ne provoque plus que de résignés haussements d’épaules. Le Woerthgate, c’est aussi, à Toulon, dans la famille d’Emmanuel Falco, des évaporations de recettes de près de 300 000 euros qui avaient suscité un audit d’un détaché d’Ernst & Young (pour Woerth,  c’était la clique du cabinet Arthur Andersen qui faisait des études sur les « brosses », non pas à reluire, mais à cheveux, pour le compte de la région de l’Oise), pour la modique somme de 71 640 euros (Le Canard de la semaine précédente). Le secrétaire d’État n’avait rien vu, su, entendu, ni même son père, maire UMP de Toulon. Toutes les semaines, Le Canard tient la chronique du Woerthgate, un peu sur toutes ses pages, depuis des années et des années.

 

Le Figaro, lui, dispose de nouvelles fuites ne concernant que le volet Bettencourt (dons au président de L’Oréal, Sir Lindsay, au photographe Banier), mais pas du tout sur le volet Woerth, et il peut s’offrir le luxe de faire parler les enquêteurs ; lesquels « se demandent désormais si ce paiement [Ndlr. à Claire Thibout, l’ex-comptable] ne constitue pas une forme de rémunération consentie en échange du témoignage décisif livré par Claire Thibout. ». « Désormais » ? Mais pas plus qu’hier ou avant-hier et sans doute encore moins que demain et après-demain ! Ce serait étonnant que la très suspecte – aux yeux du Figaro – ex-comptable se soit contentée de si peu. Une petite perquisition aux sièges du PS et du FN pour trouver des traces de ses présumées propositions de témoignages rémunérés, peut-être ? Ce serait dommage de s’en priver. Et puis, comme dans l’affaire de la séparation de Carla Bruni d’avec Nicolas Sarközy, ne faut-il pas y voir la main, et l’argent, de l’étranger, des marchés ? Des Britanniques qui voudraient fragiliser le président pour favoriser l’adhésion rapide de la Turquie dans l’Union européenne ? Des agences de notation considérant que, finalement, la réforme des retraites à la française ne les satisferaient pas assez et voudraient voir nommer un ministre plus offensif ? Claire Thibout, nouvelle Mata-Hari à la solde des ennemis de la Fran-an-ceu, aurait été rémunérée pour remplacer un Woerth par un « worse » (un pire) ?

 

Diversification, et « égalité des chances » que l’audition d’Éric Woerth n’apporte rien de plus que ce que l’on peut déjà savoir, ou, bien pire, supputer ?

 

Toujours est-il que, s’il faut en croire les premiers (3 778 avis exprimés à l’heure où nous mettons en ligne) résultats de la consultation d’Expression publique, pour une bonne partie de l’opinion, la cause est d’ores et déjà entendue. Nous ne vous commentons pas cette consultation, sujette à caution, autant que divers sondages. Vous pouvez vous y reporter. Notre rapide montage n’est absolument pas destiné à vous dispenser de sa consultation complète (seules les questions les plus cruciales, à nos yeux, y figurent). Il y a 29 questions. L’une nous paraît cruciale. « Souhaitez-vous qu’Éric Woerth… quitte ses fonctions dès cet été ? » : 55 %. Rappelons que pour une très large part, l’opposition parlementaire souhaite qu’Éric Woerth plombe le plus longtemps possible l’action (ou l’inaction) de Nicolas Sarközy. Notons que ce résultat, qui donne, en cumul, 65 % de personnes favorables à une démission proche ou à un départ prochain d’Éric Woerth, est largement inférieur à celui de la consultation du Courrier Picard (81 % pour sa démission, sans date précisée). Et que ce n’est qu’un indicateur, partiel, mais pas forcément partial. Allons, vite, un sondage du Figaro (avec OpinionWay ?) pour nous persuader du contraire !