Hormis celle de Michèle Alliot-Marie, qui a estimé que les scandales Woerth et Bettencourt n’étaient pas des affaires politiques, on aura eu, de la part de l’UMP, beaucoup de réponses de Normands. En voici une nouvelle, mais tout autre, révélée par Le Point. Liliane Bettencourt (ou Betencourt ?) écrit Arcalis, filiale des assurances Allianz, pour rendre Banier bénéficiaire de 262 millions d’euros après son décès. Mais elle (Liliane ou Lilliane ou Lilianne ou Lillianne, allez savoir…) précise : « tout le courrier concernant ce contrat » doit être envoyé à son notaire, Me Normand, « et en aucun cas à mon adresse à Neuilly… ».
Est-ce l’effet des vols de portables de journalistes (qui ne sont pas nouveaux, celui d’Anne Fulda, maîtresse de Nicolas Sarközy un temps, journaliste au Figaro, celui d’un autre journaliste du Point enquêtant sur les dossiers des morts et malades de l’amiante l’avaient aussi été) qui pousse des policiers ou des magistrats à faire fuiter ce qu’ils savent du Woerthgate ? Serait-ce l’entourage de la juge Isabelle Prévost-Desprez, désormais sûre d’être déssaisie (afin que tout se calme jusqu’après 2012 ou… à jamais) qui, sachant le sort qui attend son enquête, en révèle les meilleurs morceaux ? Toujours est-il que Le Point a bénéficié d’une fameuse fuite. Liliane Bettencourt avait si peu confiance dans son entourage qu’elle s’en remettait à la secrétaire de François-Marie Banier pour rendre le photographe bénéficiaire de 262 millions d’euros à son décès…
Le Point reproduit des photocopies de deux enveloppes rédigées de la main de l’assistante de François-Marie Banier, qui a reconnu en audition les faits, et d’une note de la police émettant l’hypothèse que la signature de Liliane Bettencourt aurait été numérisée (donc reproduite à son insu). L’envoi de ces deux lettres fait suite à une hospitalisation de Liliane Bettencourt, pendant quatre jours, début septembre 2006. Elle est convalescente, affaiblie, désorientée (au sens propre, ne sachant plus trop où elle se trouve, où se diriger pour les actes de la vie courante), perd la mémoire, en état de confusion (évidemment pas en état de faiblesse, puisque Me Kiejman, de Maistre, et tout le monde de sa garde rapprochée actuelle assure le contraire).
Le 14 septembre 2006, elle fait écrire aux assurances Arcalis que, désormais, le bénéficiaire de son contrat d’assurances-vie grande branche (à 262 millions de capital, on n’est plus dans celle, populaire, des dons à l’Union pour un mouvement politique…), ne serait plus celui désigné par son notaire de l’époque de la signature, mais un dénommé François-Marie Banier, ou, s’il se trouvait aussi décédé, à l’Institut Pasteur. Il semble que François-Marie Banier, qui a divers compagnons et proches, n’a pas eu la bonne idée d’en suggérer les noms à Liliane Bettencourt. L’Institut Pasteur est certes une noble cause, mais, pourtant, Liliane Bettencourt n’est pas avare de dons à des fondations médicales, dont celles du dr Brücker et son épouse, qui ont une fille si charmante (Liliane Bettencourt lui offrira le prix d’un appartement parisien). Le même jour, Banier dicte à son assistante une lettre aux assurances Arcalis pour signaler qu’il accepte cette libéralité (et sans doute pour indiquer comment le joindre pour la lui verser). Selon l’assistante de Banier, c’est ce dernier qui, au cours d’un déjeuner avec Liliane Bettencourt, obtient cette lettre de sa bienfaitrice, et s’empresse de faire poster ces deux lettres le soir même.
Détail insolite, Liliane Bettencourt se désigne Betencourt. Après tout, elle est convalescente, et peut fort bien ne pas se souvenir de l’orthographe de son nom. Ou alors, ou alors, elle n’a pas remarqué, dans sa confusion, que l’assistante de Banier l’a mal orthographié. On ne veut pas croire qu’elle ait été trop faible pour tenir un stylo et rectifier : ce doit être une légère faute d’inattention. Pourtant, elle prend soin de préciser que, par souci de confidentialité, toute correspondance relative à cette nouvelle disposition doit être adressée « sous couvert de Me Normand ».
Me Jean-Michel Normand est aussi le notaire de Banier, mais de même un proche de Patrice de Maistre. Lequel tentera de faire revenir Liliane Bettencourt sur diverses dispositions testamentaires. Son nom apparait dans les fameux enregistrements du majordome de Liliane Bettencourt, et il semble que cette dernière ne s’adresse plus à lui que par le truchement de Patrice de Maistre…
On relèvera qu’en 2006, André Bettencourt est encore vivant. Mais bien proche de sa fin. C’est début décembre 2007 que Liliane Bettencourt fait de Banier son légataire universel (elle s’est rétractée depuis sans qu’on sache si le nouveau est de Maistre, Me Normand, Me Kiejman, ou qui que ce soit d’autre). Quelques semaines plus tard, Françoise Bettencourt-Meyers porte plainte. Et il y a des investigations policières dès 2008.
En fait, dès le début 2008, tout le monde devant savoir savait ce qui se passait dans l’entourage de Liliane Bettencourt. Cette histoire de lettres, qui n’apparaît publiquement qu’à présent, devait être connue de qui devait savoir. Mais auparavant, au cours de la campagne présidentielle de 2007, et bien sûr dès le printemps 2007, quand Florence Woerth approche de Maistre (elle sera embauchée début septembre 2007), pratiquement, sans doute, l’ensemble des protagonistes étant apparus dans les divers dossiers (et beaucoup d’autres aussi, bien évidemment) savent à quoi s’en tenir. Le ballet des solliciteurs (sachant lui tenir un stylo) a commencé, autour de la vieille milliardaire, bien avant. Banier, qui a au moins des amis communs avec Frédéric Mitterrand et tant d’autres, a-t-il d’ailleurs été si discret sur ses bonnes fortunes ? Qui, hormis peut-être Françoise Bettencourt-Meyers, pourtant informée, mais sans doute moins qu’un de Maistre et d’autres, ne savait pas, dans la sphère des Woerth, de Sérigny, Sarkozy, et consorts ? Qui ignorait vraiment de quoi il en retournait ?
Dans cette affaire qui serait farce si elle n’était si révélatrice des mœurs politiques, et de fort longue date, depuis les prémisses de l’avant-dernière guerre mondiale, on en viendra peut-être, comme dans l’affaire Dreyfus, à faire enquêter sur les enquêteurs. On a déjà fait enquêter sur les magistrats (tout a été tenté pour discréditer la juge d’instruction, et on est y est, faute d’y parvenir, à trouver un prétexte pour la désaissir). Mais il n’y a plus de Zola, il n’y a plus que des Chérèque… Dit, comme d’autres, « cherche chèque ». On peut le comprendre. Désormais, qui ne respecte plus l’omerta risque de se faire cambrioler. Et demain, en arrivera-t-on à provoquer des accidents de voiture pour éliminer les témoins ? Comme l’a écrit un journaliste du Devoir (Montréal), Richard Nixon était décidemment un petit joueur avec son Watergate. Le Woerthgate est un worse-gate.
C’est rigolo, cela, des avocats ayant accès au dossier de leur cliente et qui, si elle se fait rouler dans la farine, ne réagissent pas… Conflits d’intérêts ?
Ah, il parait que le conseil de l’Ordre et le bâtonnier du barreau de Paris sont déjà saisis… mais par des magistrats pour outrage à magistrate… (Kiejman et la juge d’instruction de Nanterre).
De Mediapart à propos de la course contre la montre de la juge d’instruction de Nanterre qui sera dessaisie de ses dossiers et enquêtes :
« Ainsi, la juge Prévost-Desprez, au cas où elle serait dessaisie, aurait la satisfaction d’avoir mené ses investigations à leur terme. Comme un ultime pied de nez à tous ceux – et ils sont nombreux – qui lui ont mis des bâtons dans les roues depuis qu’elle a décidé, le 1er juillet, sur la base des révélations contenues dans les enregistrements clandestins, de repousser le procès de M. Banier et de reprendre de zéro l’enquête initiale du parquet de Nanterre. » Au nombre de ses intentions : entendre Liliane Bettencourt (qui s’y est refusée, on se demande bien au nom de quoi), et Ouart, le conseiller justice de l’Elysée au mieux avec Courroye.
Sur les retraites…
Mediapart, ou plus exactement Julien Thery, a localisé une vidéo d’un discours de Jean-Pierre Brard :
[url]http://www.youtube.com/watch?v=YDzUOwiKmpA&feature=player_embedded[/url]
(oui, je sais comment inclure, entre paraboles, {}, une vidéo, mais cela me gonfle… Je préfère le verbatim, et par exemple, le résumé des arguments, comme celui-ci : il ne faut que 35 ans de cotisations en Allemagne pour obtenir une retraite à taux plein).
Autre chose, sur le blogue-notes de Marisol Touraine, un PDF d’arguments contre la réforme du financement de la Sécu, des hôpitaux, &c., dont le texte a été écouté d’une manière sans doute très distraite par les quelques députés UMP et Nouveau Centre et autres, présents…
Au fait, je ne sais plus où, un Internaute a consigné la liste nominative de tous les parlementaires (Dupont-Aignant inclus, ce me semble) ayant voté la réforme.
Pour le vertabim de l’intervention de Marisol Touraine :
[url]http://marisoltouraine.typepad.fr/files/motionrejetprealableplfss2011–interv-271010-1.pdf[/url]
Cela étant, en rédigeant ce billet, j’écoute Brard. C’est truculent ET parfaitement argumenté (avec notamment le passage : d’où vient la fortune de Mamy Liliane ? sous-entendu, de ses seuls talents ou du travail de ses employés, techniciens, ouvrières, salariées, &c.).
Brard est un ancien PCF, élu de la Seine-Saint-Denis. Espérons que ses électeurs s’en souviendront.
De l’ineffable Courroye rapporté par l’AFP :
« Philippe Courroye assure que « l’enquête est partie d’un témoignage, celui de Claire Thibout, ancienne comptable de Mme Bettencourt (…) Or, en droit, preuve unique, preuve nulle » ».
Je ne suis nullement latiniste, mais « cujus » peut signifier celui ou celle (de la religion: celle du roi est celle des sujets), ou être employé dans l’expression « cujus unus, cujus nullus » pour désigner un témoin, et non une preuve.
Toute la jurisprudence d’assises montre qu’on peut condamner sur le fondement d’une preuve unique (voire d’un seul témoin, puisque seule l’intime conviction des jurés est prise en considération).
Or, dans cette affaire, on a quand même plusieurs témoins, et même des dépositions de parties (de Maistre, par exemple), qui admettent au final des rencontres, des contacts, &c.
Le meilleur de Courroye a quand même été d’aller voir le juge suisse Schmid, à Genève, pour ne s’informer que, et uniquement que de l’affaire de l’île d’Arros (pour laquelle la prescription des faits peut être envisagée) et non pas du placement en Suisse de la moitié de la fortune de Liliane Bettencourt (dont l’UMP dit que, si on l’embête, elle placera tout en Suisse, alors que c’est déjà largement fait, et à Singapour aussi de surcroît).
Bref, il semble que Courroye ait tout fait pour en apprendre moins que ce tout un chacun, par la presse, française et étrangère, sait déjà, et ce que sans doute, bien avant ces révélations, tout l’entourage de Nicolas Sarközy et lui-même savaient sans doute : plumer Mamy Liliane était un jeu d’enfant pourvu qu’on obtenait l’oreille de P. de Maistre, de Sérigny et quelques autres. Cette histoire, c’est un peu, à l’envers, une fable de La Fontaine : la corneille et les renards…