Le procureur Courroye n’avait pas estimé bon de faire entendre Patrick Ouart, ancien conseiller pour la justice de Nicolas Sarkozy, dans le cadre du Woerthgate. Les juges bordelais chargés désormais des dossiers n’ont pas eu cette délicatesse, rapporte Mediapart. Ce super-garde des Sceaux, recasé chez LVMH, figurait pourtant en bonne place dans la transcription des enregistrements effectués par le majordome de Liliane Bettencourt…  

Selon Mediapart, le juge bordelais Jean-Michel Gentil aurait fait mener une perquisition au domicile d’Éric Woerth, ex-ministre du Budget et du travail. Pourquoi pas ? Il faudrait vraiment que l’ancien trésorier de l’UMP soit bien naïf ou fort imbu de sa personne pour qu’il n’ait pas songé à mettre en lieu sûr des archives qu’il pourrait ressortir en privé si on venait à lui envoyer dans les pattes un autre lors d’une élection qu’il briguerait. Sa ligne de communication n’a pas varié : cette perquisition permettra, selon son avocat, de mieux et plus rapidement faire reconnaître son innocence. Vaguement responsable, mais pas plus coupable que MAM d’avoir trop frayé avec le clan Ben Ali, Éric Woerth et son épouse étaient donc liés à Liliane Bettencourt en toute ingénuité. Si on ne peut plus aller prendre le thé chez cette dame, ou rendre des services, même rémunérés, à Liliane Bettencourt, où va-t-on ?
Mais, comme en a aussi fait état Le Point, la brigade financière a de même rencontré Patrick Ouart, ancien conseiller de l’Élysée pour la justice, et même perquisitionné son domicile. On ne sait pas si l’intéressé, tout comme les responsables du siège de l’UMP, avait été prévenu deux jours à l’avance d’une telle intrusion dans ses locaux.

Patrick Ouart s’était mis en rapport avec le procureur Courroye et de Maistre, selon l’un des enregistrements du majordome de Liliane Bettencourt, en avait déduit que les actions de la fille de Liliane Bettencourt seraient estimées irrecevables par la justice. De même, le choix de la défense de Liliane Bettencourt, sans doute celui de prendre pour avocat Me Georges Kiejman, qui était intervenu dans le règlement du divorce de Nicolas Sarkozy d’avec Cécilia Attias, ex-Martin, née Ciganer-Chouganov, aurait été inspiré par cet ancien magistrat. Il est redevenu membre du conseil exécutif du groupe LVMH et proche de Bernard Arnault dont le fils avait ses entrées au ministère du Budget, notamment auprès de Sébastien Proto, le dircab’ d’Éric Woerth.

Wikipedia l’a qualifié, du temps du ministère Dati, de « ministre officieux de la Justice. ». Il est possible que la carrière du procureur Courroye lui doive un coup de pouce ou un autre. Comme le disait de Maistre, « on connaît très, très bien le procureur. ». Et ce « on », tout comme un « x », aurait pu être Patrick Ouart. Même recasé chez LVHM, l’ancien magistrat semblait avoir encore ses entrées à l’Élysée et sans doute au parquet de Nanterre.

Cette résurgence du Woerthgate, alors que le Tabakagate s’étiole du fait des révélations sur le séjour de Fillon auprès de Moubarak, est-elle instrumentalisée ? Ce serait faire injure aux juges bordelais, beaucoup plus sensibles à l’opinion des autres magistrats du fait de la proximité de l’École de la magistrature, que d’estimer à  la légère qu’ils feraient en sorte qu’un scandale chasse l’autre, qu’on pousserait les feux d’un côté pour les réduire de l’autre. L’opinion, les justiciables, au contraire, reprennent confiance en leurs juges. Cette audition de Patrick Ouart, à défaut d’aboutir à quelque chose de probant, réaffirme au moins symboliquement que nul n’est au-dessus des lois. Patrick Ouart a été entendu comme témoin et n’a pas fait l’objet d’une mise en garde à vue. C’est bon signe : les gardes à vue inutiles, voire abusives, surtout à ce stade des investigations, ne servent pas forcément la bonne marche de la justice. Mais des « demandes de renseignement », comme l’UMP veut nommer des perquisitions lorsqu’elles visent des personnalités, sans doute purement formelles s’agissant d’Éric Woerth, peuvent contribuer à la vérité lorsqu’elles sont rondement menées. Les perquisitions on été effectuées, pour le cas de Patrick Ouart, aussi au siège du groupe LVMH.

La justice se hâte lentement, même quand on ne lui met pas des bâtons dans les roues. Woerthgate, Karachigate, Tabakargate (si jamais on en venait à scruter aussi les factures, mais aussi les bons de réservation comme lors du Caprigate d’Éric Besson), &c., ne vont pas forcément s’estomper de l’inconscient électoral à la faveur d’on ne sait quel débat sur les racines berbéro-juives de la France qui viendrait relayer celui sur l’identité nationale.