On ne saura sans doute jamais quel fut le rôle d’Éric Woerth, secrétaire d’État à la réforme de l’État en 2004 et 2005, dans la préparation de la désastreuse privatisation des autoroutes françaises. Mais en tant que trésorier de l’UMP, ou de fondateur du Club (parlementaire) de la Boussole à la même époque, il n’est pas exclu qu’il soit un jour exigé de lui quelques éclaircissements. Mais pour les coupes claires dans le patrimoine forestier de l’État, à présent, on sait. Woerth n’en aurait-il pas fait trop pour le galop, voire la « cavalerie » en particulier ?


C’est encore Le Canard enchaîné (et Marianne) qui révèle le rôle d’Éric Woerth dans la cession du domaine forestier national de Compiègne incluant les terrains, loués par l’État, de l’hippodrome et du golf de Compiègne. Maire, puis adjoint de Chantilly, Éric Woerth, devenu ministre du Budget, entretenait les meilleures relations avec la société associative France Galop qui avait su favoriser les projets de Florence Woerth, créatrice de l’écurie Dam’s.

Dans son édition du 7 juillet 2010, Le Canard enchaîné rappelait que Florence Woerth avait reçu quelques coups de pouce de France Galop pour créer, en mai 2008, une écurie de course rassemblant des associées, toutes épouses de personnalités du monde la finance ou de l’industrie, voire elles-mêmes gestionnaires de patrimoines. Le PMU, et France Galop, se trouvent alors en partie « sous la tutelle » du ministère du Budget et Le Canard enchaîné commente que cela « n’a pas pour effet de retarder les procédures. ».

Mais tout comme dans le cas des contrôles fiscaux qui n’ont pas visé Liliane Bettencourt, pourtant signalée au fisc par la justice, on ne trouvera sans doute pas trace d’interventions d’Éric Woerth.  Certes, c’est bien lui qui, dans une lettre datée du 29 octobre 2009, informe Antoine Gilibert, président de la Société des courses de Compiègne, de l’heureuse issue de son projet d’acquisition de l’hippodrome de Putois. Mais inutile d’y chercher un loup, l’odeur de sainteté du ministre n’est en rien viciée : il n’a fait que transmettre « l’accord de l’État » et il attire l’attention de France Galop sur les conséquences fiscales d’éventuelles plus-values si des parcelles du terrain (une soixantaine d’hectares au total) venaient à être prématurément cédées à des tiers.  

Compiègne, qui s’enorgueillit déjà d’un golf, mais toujours pas d’une station de RER (les projets du Grand Paris de Christian Blanc n’allaient pas jusqu’à envisager de permettre à la plèbe de fréquenter commodément Senlis ou Chantilly), ne bénéficie pas encore, comme Enghien, d’un casino. Un tel établissement, à proximité de l’hippodrome des Princes de Condé et du musée du duc d’Aumale, serait pourtant bienvenu. Pour le moment, à proximité de Chantilly, on se contente de « soirées casino » (les joueurs d’un soir reçoivent 500 jetons qui peuvent être transformés en « cadeaux » lors d’une vente aux enchères), au château de Montvillargenne. Dans ce modeste établissement hôtelier (chambres de 200 à 1 200 euros la nuitée), on savoure le goût et les couleurs de la flambe, mais ce n’est pas vraiment de la flambe… 

Après l’affaire du permis de construire « bidon » de l’ex-ministre Joyandet, il n’est question, pour la Société des Courses de Compiègne, que de créer un « restaurant panoramique ». Mais pourquoi, à l’avenir, s’en tenir là ?  Le sénateur-maire de Compiègne, proche d’Éric Woerth et de la Société des courses, avait déjà suggéré que les moins-values boursières puissent être déduites de l’impôt. Pourquoi pas les pertes au casino ? Le même Philippe Marini, en tant que rapporteur général de la commission des Finances du Sénat, s’était déjà inquiété des restrictions visant les opérateurs de jeux et paris en ligne « au regard du droit à la concurrence ». De son côté, Éric Woerth a plaidé pour une diminution globale du taux de prélèvement sur les mises des joueurs (de poker, de paris hippiques et sportifs) puisque « l’augmentation du volume de jeu devrait permettre de ne pas diminuer les recettes de l’État, » (séance de la commission sénatoriale du 11 janvier 2010).  

Éric Woerth s’intéresse de très près aux jeux et aux paris hippiques. Pour la bonne cause : « une redevance spécifique est prévue à destination de la filière hippique, fondée sur les mises des paris hippiques ainsi qu’une quote-part du prélèvement sur ces paris, au profit des communes disposant d’un ou plusieurs hippodromes, à concurrence de 15 % et dans la limite de 10 millions d’euros. Pour le poker, le prélèvement sera, en partie, affecté au Centre des monuments nationaux et aux communes qui accueillent un casino. » Dommage que Sarcelles ou Argenteuil ne soient pas des communes très attractives pour y implanter hippodromes et casinos.

 

Comme le rappelle le blogue-notes du MoDem de Compiègne, « on sait que Philippe Marini aime particulièrement les casinos auxquels il a consacré 11 ans de travail… ». Pour « lirréprochable » (selon Nicolas Sarközy) Éric Woerth, et son épouse, ce serait plutôt, semble-t-il, les sports hippiques. À chacun son dada. On joue comme on gagne (et perd) et « henni soit qui mal y pense », comme le concluait Le Canard enchaîné.

 

Parmi les honnis de la République, on compterait désormais 55 % de Françaises et Français peu convaincus de la sincérité de leur président (selon un sondage CSA après son intervention sur France 2). Seuls 44 % l’ont trouvé globalement convaincant. Cela laisserait-il augurer qu’une majorité n’est pas non plus très convaincue de la sincérité d’Éric Woerth ? Dommage qu’on ne puisse prendre des paris en ligne : la cote de sincérité d’Éric Woerth serait beaucoup plus significative que tous les sondages. Florence Woerth, qui selon Libération « aurait proposé ses services à deux banques suisses en 2009 », ferait en tout cas une belle Argine (dame de trèfle, symbolisant la fortune) pour un jeu de poker… menteur ? Cela reste à établir. Était-ce pour livrer les noms des détenteurs français de comptes en Suisse que Madame Woerth voulait intégrer la finance suisse ? Mais à qui aurait-elle livré ces informations ? À son mari, ministre, ou à son époux, trésorier de l’UMP, qui avait levé 7 millions d’euros, en 2007, auprès de la communauté française résidant en Helvétie ? Poser la question n’est pas y répondre.

 

En revanche, Éric Woerth a répondu à RTL au sujet de la cession des quelques 60 hectares incluant le golf et l’hippodrome de Compiègne. « Il y a eu des évaluations de la part des services des domaines et ce type de terrain, ça vaut ce que vaut son utilisation (…). Il n’y a évidemment pas de sous-estimation d’un bien, c’est juste pas (sic) constructible, c’est juste un terrain pour un hippodrome, c’est juste normal de faire ça », a ainsi affirmé l’ancien ministre du Budget qui, en tant que ministre du Travail, n’a pas été jusqu’à justifier cette vente par la création d’emplois. En effet, si le terrain n’est pas constructible, le « restaurant panoramique » prévu devra se réduire sans doute à une camionnette ou à une baraque à frites et merguez pouvant être déplacée, ce qui ne suscitera guère de création d’emplois conséquente.  Et si Éric Woerth, son époux, intervenait pour améliorer ses conditions de travail, il serait dans son rôle, et il ne faudrait y voir aucun favoritisme.
 
C’est bien la preuve, comme l’ont répété à l’envie Xavier Bertrand, Nadine Morano, Frédéric Lefèbvre et d’autres ténors de l’UMP ou du gouvernement, que la « presse à ragots », comme Le Canard enchaîné, Médiapart et surtout la presse en ligne en général, raconte n’importe quoi. Comme l’aurait si bien déclaré Xavier Bertrand devant le bureau politique de l’UMP le 7 juillet, « nous sommes tous des Éric Woerth ». Vraiment ? Tous des exemples de probité, en quelque sorte. Tous sains, si ce n’est déjà bienheureux en voie de béatification. Et sachant reconnaître les mérites : on s’attend donc à ce que, après Patrice de Maistre, le gestionnaire de la fortune de Liliane Bettencourt, Antoine Gilibert obtienne la Légion d’honneur pour avoir contribué à redresser les finances de la Nation. Et si Florence Woerth obtenait une place de vendeuse de glaces et de rafraîchissements dans les travées de l’hippodrome, ce ne serait que pour lui éviter de toucher des indemnités du Pôle Emploi, et non pas pour faire baisser les statistiques du chômage comme une « certaine presse » mal intentionnée voudrait nous le faire croire. Heureusement, toute la presse n’est pas pourrie.
 
Comme le rapporte Le Figaro, reprenant une déclaration d’Éric Woerth à I-télé, « c’est vraiment pas bien, c’est pas du journalisme, c’est de la malfaisance, voilà ce que c’est. Il y a la maltraitance, et ça c’est de la malfaisance. C’est des gens qui se complaisent dans la boue. Eh bien, qu’ils y restent. ». Comme, à Come4News, nous ne nous sentons pas visés par cette affirmation, il ne saurait être question de porter plainte pour injures publiques ou diffamation.
 
Depuis la publication de cette contribution, divers éléments, sinon nouveaux, du moins tus, se sont fait jour. Il y a eu un singulier titre du Monde voulant qu’Éric Woerth aurait agi tout à fait légalement et laissant penser que l’État aurait réalisé une bonne affaire. La teneur générale de cet article est tout aussi singulièrement contredite par ceux du Courrier Picard, plus proche du et des terrains de Compiègne. Bref, c’est cela le Woerthgate : noyez-le, il remonte… au galop .