C’est un communicato datée du 4 ottobre 2011, émanant de Wikipedia, l’enciclopedia libera, soit la version italophone de Wikipedia. Libera s’emploie donc au passé, Wikipedia, en Italie n’est plus libre, mais ligotée par l’alinéa 29 de la proposition dite « Loi sur les écoutes ». On a déjà vu les tentatives d’entreprises, sociétés, organismes, de veiller à leur bonne réputation en reléguant au fond des pages des moteurs de recherche, toute information pouvant la ternir. Voila donc qu’une loi italienne pourrait empêcher Wikipedia d’être libre de ses contenus.
Or donc, dans un communiqué, traduit notamment vers le français, Wikipedia italophone indique qu’à terme, elle pourrait mettre la clef sous le paillasson. Effectivement, à quoi bon devenir le site de référence de Berlusconi, McDonald, Coca Cola, des industries pharmaceutiques ou d’armement ?
La proposition de loi italienne « formalise (…) une obligation pour l’ensemble des sites internet de publier, sous 48 heures de la demande et sans commentaire, une correction de n’importe quel contenu que le plaignant estime dommageable à son image. ». Il faudrait aller plus loin et expédier au goulag, sans autre forme de procès, toute rédactrice, tout rédacteur qui aurait défrisé telle ou telle société, tel ou tel parti, Machine, Untel, ou notre voisin de palier.
Car de sus, le retrait pourrait s’accompagner d’un remplacement par une autre version, et ce « indépendamment de la vérité de l’information considérée offensante ». Prenez le laboratoire Servier. Il pourrait faire consigner dans Wikipedia : « le laboratoire Servier, chef de file mondial de la recherche pharmaceutique, numéro un pour le dépôt des brevets, a conçu, avec le Mediator, l’arme absolue contre l’obésité, et ce sans aucun effet négatif induit, sans la moindre contre-indication. ». Manifestement faux, fallacieux, trompeur, et alors ?
« La [proposition de] loi ne requiert pas une évaluation de la plainte par un juge… ». Zyva. Éric Woerth devient le chevalier blanc de l’hippisme, le pourfendeur de la fraude fiscale, le saint Georges de la lutte contre les jeux de hasard, et Liliane Bettencourt le parangon du civisme fiscal. Plus de Woerthgate, que de l’actualité heureuse. Uniquement des informations et de l’actualité positives.
L’alinéa nº 29 constitue, pour Wikipedia, mais aussi tout fournisseur ou diffuseur de contenus en ligne, « une entrave inadmissible à la liberté et l’indépendance » de la presse, mais aussi de tout individu. « Nous notons également que n’importe quel citoyen italien est déjà protégé à cet égard par l’article n° 595 du Code criminel qui punit la diffamation. ». Mais non, cela ne saurait suffire, et Berlusconi pourrait demander à passer, partout en ligne, en Italie, pour le protecteur de l’orpheline mineure, du sinistré par un tremblement de terre, des victimes des grèves des éboueurs, &c. On verrait l’équivalent italien de « Ô président Mao, tu es le soleil rouge lancé à toute vapeur sur les rails du socialisme » dans Wikipedia et partout ailleurs ? Et pourquoi pas Sarkozy devenu Bonaparte émancipateur de la Libye et sauveur de la Grèce ? Carla Bruni, médaillée de la Famille française, guérissant les écrouelles et les vergetures ? Madoff, saint protecteur des familistères et de l’épargne populaire ?
« Nous sommes toujours resté neutres, pourquoi veut-on nous neutraliser ? ». La neutralité, soit ici, l’objectivité, on doit y tendre, et il vrai que cette obligation de moyens n’est pas une obligation de résultat.
J’ai cru qu’il s’agissait d’un bobard, d’un « hoax ». Mais en accédant, via wikipedia (.org), à la version italienne, j’ai bien retrouvé la même page. À moins que la page d’accueil d’it.wikipedia.org ait été piratée à l’insu du plein gré de ses administrateurs, ce qui serait étonnant, l’information est vraie. Elle est corroborée par la lecture de l’équivalent des Journaux officiels de la seizième législature de la Camera dei deputati. L’article du code de procédure pénale serait modifié. C’est page 24. Dans les quarante heures suivant la diffusion, un correctif doit être publié.
Alors, évidemment, la question se pose. Wikipedia italophone exagère la portée de la modification de la loi ou non ? Ce paragraphe s’appliquant à tous les sites informatiques implique-t-il toutes les conséquences évoquées par le communiqué ? Ce qui est sûr, c’est que des juristes italiens avertis participent à Wikipedia.
Imaginez Mediapart, Rue89, ou même Come4News, Agoravox, Slate, &c., dont les articles en ligne seraient remplacés, à taille égale et dans le même graphisme, par des communiqués ministériels. Ou mieux encore, par la prose des Séguala, des communicants de Publicis, d’Euro-RSCG, chargés par les mêmes ministères d’enjoliver la réalité.
De plus, c’est intenable. Imaginez, toutes les quarante heures, les rectificatifs des avocats de Dominique Strauss-Kahn ou de Nafissatou Diallo se succédant, ceux des avocats de Takkiedine, Bourgi, Djouhri remplacés par ceux du Conseil supérieur de la magistrature pour céder de nouveau la place à des contre-offensives.
Espérons que, dans leur grande sagesse, les législateurs ou les instances de contrôle constitutionnel italiennes sauront mettre le holà à cette disposition. Elle en reste, pour le moins, très inquiétante et révélatrice ; c’est Big Brother et la novlangue qu’on tente d’imposer…
Et les voies de recours ? descendre dans la rue? ça va mal se terminer pour Berlu !
Je n’en sais rien, Zelectron.
En tout cas, pour que nul n’en ignore, le début de la version anglophone du communiqué.
« [i]Dear reader,
At this time, the Italian language Wikipedia may be no longer able to continue providing the service that over the years was useful to you, and that you expected to have right now. As things stand, the page you want still exists and is only hidden, but the risk is that soon we will be forced to actually delete it.
The Bill – Rules on Wiretapping etc., p. 24, paragraph 29, letter a) states that:[/i]
«For the Internet sites, including newspapers and periodicals delivered by telematic way, the statements or corrections are published, with the same graphic characteristics, the same access methodology to the site and the same visibility of the news which they refer.»
[i]Over the past ten years, Wikipedia has become part of the daily habits of millions of web users looking for a neutral, free-content, and – above all – independent source of Knowledge. A new, huge multi-lingual encyclopedia, freely available to all, at any time, and free of charge.
Today, unfortunately, the very pillars on which Wikipedia has been built – neutrality, freedom, and verifiability of its contents – are likely to be heavily compromised by paragraph 29 of a law proposal, also known as « DDL intercettazioni » (Wiretapping Act).[/i] »
Jef,
vers un FAHRENHEIT 451 DIGITAL ? Sournoisement les pouvoirs en place limitent, freinent, créent des obstacles, interfèrent, se mêlent de ce qui ne les regarde pas, légifèrent en dépit du bon sens ou même à contrario, aidés en cela par les « soit disant représentants » de certains ayant-droit … Haro sur hadopi !
[i]Au cours des dix dernières années, Wikipedia est devenu une partie des habitudes quotidiennes de millions d’utilisateurs du web à la recherche d’un avis neutre, libre, et – une source indépendante de connaissances – par dessus tout. Une nouvelle grande encyclopédie multilingue, disponible gratuitement pour tous, à tout moment, et gratuitement.
Aujourd’hui, malheureusement, les piliers sur lesquels Wikipédia a été construite – la neutralité, la liberté et la vérifiabilité de son contenu – sont susceptibles d’être fortement compromis par le paragraphe 29 de la proposition de loi, connue en tant que « DDL intercettazioni» (Loi sur les écoutes). »[/i]
il est en marche, l’avenir radieux !!!
Democracy, disent-ils !!!!!!!!!!
Conclusion, sur [i]Le Figaro[/i] (étonnant que ce soit le premier média français d’importance à avoir repris l’info), de Romain Renner :
« [i]En France, il n’existe pas de droit de rectification allant dans le sens du projet du gouvernement italien. Les personnes mentionnées dans un article disposent d’un droit de réponse que la rédaction concernée est obligée de publier. Elles peuvent, dans le cas d’internet, mettre en demeure de manière directe un média en lui signalant un éventuel contenu illicite. Céline Astolfe, avocate française spécialisée dans le droit de la presse, voit les dispositions prévues par le projet italien comme une atteinte au droit de la presse.[/i] “Dans la mesure où il y a une rectification automatique imposée sans possibilité de discussion, c’est un exercice de censure”,[i] estime-t-elle.[/i] »
Incroyable punition collective …..
[quote]zelectron a dit : Jef,
vers un FAHRENHEIT 451 DIGITAL ? Sournoisement les pouvoirs en place limitent, freinent, créent des obstacles, interfèrent, se mêlent de ce qui ne les regarde pas, légifèrent en dépit du bon sens ou même à contrario, aidés en cela par les « soit disant représentants » de certains ayant-droit … Haro sur hadopi ! [/quote]
Mais le pire c’est qu’en France, sur ce sujet et sur bien d’autres, du reste, la Gauche est à la pointe… et elle sévit… il n’y a qu’à voir, sur internet, le nombre d’articles et de commentaires critiquant la gauche qui sont censurés sine die…
Et là ce n’est pas Hadopi…
Alors 2012, si la gauche vient à gagner les présidentielles… Sous Mitterrand c’étaient les écoutes et mille autres « gracieusetés » semblables et sous le gouvernement Jospin c’était le « flickage » systématique…
Et dire que je suis radical socialiste… J’en ai honte…
[quote]Jef Tombeur a dit : Conclusion, sur Le Figaro (étonnant que ce soit le premier média français d’importance à avoir repris l’info), de Romain Renner :
« En France, il n’existe pas de droit de rectification allant dans le sens du projet du gouvernement italien. Les personnes mentionnées dans un article disposent d’un droit de réponse que la rédaction concernée est obligée de publier. Elles peuvent, dans le cas d’internet, mettre en demeure de manière directe un média en lui signalant un éventuel contenu illicite. Céline Astolfe, avocate française spécialisée dans le droit de la presse, voit les dispositions prévues par le projet italien comme une atteinte au droit de la presse. “Dans la mesure où il y a une rectification automatique imposée sans possibilité de discussion, c’est un exercice de censure”, estime-t-elle. » [/quote]
FAUX… CENSURE systématique à 80% à la demande de la Gauche…
Et qu’on m’apporte preuve du contraire… des documents irréfutables et non des mots bien entendu….
Incroyable. On va dans le mur en klaxonnant. On brûle les livres, on coupe les micros et on exécute le numérique. Le net pouvant se loger n’importe où, ça va être dur de lui fermer son clapet.