Citizendium (l’encyclopédie qui veut marier participation massive et sanction des experts dont j’ai parlé hier) se donne comme objectif officiel de déplacer Wikipedia. Pour y parvenir elle partira du contenu fourni par… Wikipedia elle-même. La licence “copyleft GFDL”, m’a expliqué Larry Sanger, l’animateur de Citizendium par courriel “nous permet de bifurquer”, c’est-à-dire de développer un nouveau projet sur la base du contenu existant.
L’expérience, poursuit-il, tient à ce que “nous demandons aux experts et au public de travailler ensemble”. En cas de conflit, “si c’est à propos du contenu les experts auront le dernier mot; si c’est une affaire de comportement, ce sera le tour des responsables de communauté que nous appelons ‘constables’.”
La difficulté de fond, a expliqué Sanger lors d’une conférence récente, est que les experts (en particulier les universitaires) ont en général des pratiques opposées à ce qui caractérise la “culture web 2.0″: aux approches simples et bottom-up, ils préfèrent souvent la complexité et se sentent confortables au sein de bureaucraties. Pas tous.
Wikipedia a déjà fait évoluer beaucoup de monde. Les jeunes ont une attitude différente. Le fossé “pourrait se réduire dans les années qui viennent.”
Il espère que son modèle y contribuera en “combinant dynamisme et fiabilité” mais reconnaît dans son courriel que “nous ne pouvons pas garantir qu’il n’y aura pas de nombreux conflits”.
Mais qui décide qu’un/e expert/e est un/e expert/e? Pour Sanger, ce sont “des gens qui en savent beaucoup sur un sujet, qui sont reconnus par différents mécanismes sociétaux pour cette connaissance”.
En voilà un piège.
Les mécanismes sociétaux en question ne sont pas neutres. Ils tendent souvent à bloquer l’émergence de savoirs nouveaux à imposer des critères qui ne sont pas tous fonction des connaissances.
Et puis Wikipedia évolue et s’est dotée de structures permettant de mieux “contrôler l’intelligence collective” pour reprendre une formule qui commence à s’imposer. Il n’est pas certain que le système qui filtre les experts sur la base de leur reconnaissance par les institutions traditionnelles sera meilleur que celui qui laisse émerger les meilleurs parmi des millions de participants.
Les deux pourraient tendre à se rapprocher, mais alors il serait extrêmement difficile pour Citizendium de rattraper son retard, moins en termes de contenu qu’en raison de la popularité bien établie de Wikipedia.
On comprend que le meilleur endroit pour se renseigner sur Citizendium soit… Wikipedia. Les responsables, au demeurant, se réjouissent officiellement de cette concurrence au nom du principe selon lequel plus il y a d’information libre (gratuite, ouverte) accessible à tous, mieux c’est pour tout le monde.
Croyez-vous que Citizendium puisse s’imposer?
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