Le festival de Cannes s'achève, mais le magazine de l'agence Vu' (groupe Abvent), fondée par Christian Caujolle, perdure. C'est le numéro trois, et il s'agit davantage d'un livre que d'une revue. On y retrouve évidemment des photos d'archives, des textes d'archives (de Serge Daney, pour n'en citer qu'un), et une intervention d'Isabelle Huppert.

Je n'ai pas tout compris, car j'ai d'abord feuilleté, et j'aurais pu me dispenser de créer le photomontage si, cherchant dans l'ours le crédit photo de la une, non point de couverture, mais de jaquette, j'avais remarqué Vu Mag disposait d'un site en propre, distinct de celui de l'agence. C'est sur vumag.info que vous trouverez le sommaire de ce nº 3. Et même des extraits vraiment significatifs, à feuilleter en ligne.

Où le trouver ?

En ligne, je pense qu'on peut l'acheter, mais plutôt en cliquant sur une icône qui vous renvoie à Amazon France, et sur le site de l'agence. Cela étant, sur le site propre (un sous-domaine de celui de l'agence) du magazine, vous trouvez une liste de points de vente. Et vous pouvez bien sûr commander chez n'importe quel libraire en signalant l'ISBN-10 (2953391002). En revanche, Amazon s'est planté, ce n'est pas un ouvrage français, mais un bilingue français-anglais, d'un format proche de l'A4+ (22×28). 176 pages, 20 euros chez les bons libraires, à peine moins ailleurs, et bien sûr en vente à la Galerie Vu', proche du bd Henri IV, à Paris (métros Bastille ou Sully-Morland).

Isabelle Huppert, ses choix…
Comme je n'avais pas trouvé le sommaire, je suis passé tout d'abord à l'édito de Vincent Marcilhacy. C'est après une publicité de Fujifilm qui vous offre un tirage 13×18 à décoller, un peu comme un échantillon de parfum. Et là, en lisant l'édito, j'ai compris qu'Isabelle Huppert n'avait pas joué à la redcheffe d'un jour pour tout le magazine mais que, dans l'abondante iconographie de Vu', elle avait sélectionné une demi-douzaine de photos et qu'elle commente assez brièvement ses choix, étonnants, insolites, prégnants. Et en fait, non, ce n'est pas tout à fait cela. Car si on retrouve la demi-douzaine en question en ligne, un portfolio sous forme de diaporama en ligne vous en révèle exactement une douzaine. Dont deux de Claudine Doury (la Fujifilm supra, une captivante gisante…). Je ne sais si Claudine Doury est apparenté avec Michel Doury, écrivain ardennais décédé, ancien prix Nimier 1968, officier de marine et angliciste réputé, mais dans cette manière implacable de figer la banalité pour la rendre désapparentée, je retrouve son écriture. Il me semble que les filles d'écrivains s'adonnent beaucoup à la photographie. Mais pour retrouver l'une de celle d'Yves Gibeau, c'est le loto (il y jouait beaucoup) car son nom est désormais surtout associé à celui du photographe champenois Gérard Rondeau. Yves était auteur, aussi, de scénarios, et de mots croisés. La syntaxe de l'image se construit selon une grille de lecture (celle d'Albert Plécy, ancien redchef de Vu & images du monde, était d'une formidable rigueur pour la retouche). Voir ces photos incite à demander à Isabelle Huppert quelles sont ses lectures. Gibeau, assurément. Doury ?

Qu'ai-je encore réellement, fortement aimé ?
À peu près tout, mais le regard s'attarde bien sûr, le long des bas couture de Françoise Dorléac en compagnie de Jean Desailly, pour La Peau douce, de Truffaut. Les photos sont de Raymond Cauchetier. J'avais oublié, j'ai cru voir Deneuve. Gréco faisant d'un éphèbe un Gréco, devant l'objectif de Dityvon, cela pousse à fredonner du côté du pays des merveilles de Juliette (et d'Yves Simon). C'est noir et blanc comme s'il restait un peu d'argentique dans l'encrier (on saute des pages, mais rien n'est effacé…  Autant-Lara a été emporté, reste la chanson et le violon de Catherine, des airs de jazz ou de bossa des deux Philippe, ou Philip). Françoise Huguier (aussi cinéaste), à Peter pour Kommounalki, prix Anna Politovskaïa au festival des films de femmes de Créteil livre une si vériste Véra que le choix de numériser les doubles pages de l'album d'Actes Sud se justifie parfaitement. C'est comme si on avait ramassé un magazine sur le lino de l'appartement communautaire. Saura, pas. Pas trop, et pourtant j'ai aimé les films de Carlos. Pourtant j'apprécie la diversité kaléidoscopique des petits formats de photos en mise en pages.  Pas trop car pas assez : de plus larges formats.
Les dessous chics de Cannes et du Martinez, oui, c'est tout Vu'. Décalé, total dedans pourtant. C'est le dossier central, collectif.
Cependant, les gens de Lisbonne de Richard Dumas, mis en regard de leurs versions tramées papier journal pour Libération, pour ses « carnets de bord » de l'été 1999, c'est aussi du très grand photojournalisme modèle Vu'.

Et puis, ce que j'ai pris pour un publi-rédactionnel mais n'en est sans doute pas un, avec juste une demi-page de montage de petits formats illustrant les Actions culturelles d'Arte, m'a tellement intrigué que j'ai cessé de feuilleter pour lire toute l'autre demi-page. Quand c'est vraiment bon, non, le texte n'est pas pour enrober, entourer l'image.
D'ailleurs, c'est l'entretien avec Benoît Rivero, éditeur photo pour Actes Sud, qui m'a fait poser plus longuement le regard sur les photos judicieusement à parité avec le texte, puis se passant de lui…

La jaquette est « américaine »
Américaine comme la nuit, la jaquette ? Je ne connaissais pas le terme. Et j'apprends que Fujifilm a distribué en fait quatre images entre les 5 000 exemplaires. Et qu'en fait les photos d'Isabelle Huppert, en couverture, sont de Richard Dumas. Le coéditeur est Aman Iman Créations. Tiens, la une de couv. prévoyait un « au Cinéma » en jaune ? L'eau boueuse, c'est la vie aussi, mais on la préfère bleue, surtout à Cannes, où elle est moins grande et plus verte. C'est mieux maintenant.

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