Je ne sais pas vraiment ce qui du "tabssir", censé déchiffrer l’avenir dans le marc du café ou des "soubhiyés", ces rencontres matinales autour du café et du mana2ich au thym que j’affectionnais tant, exerçait le plus de magnétisme sur moi. Je sais simplement que, fière, pensive, trônait parmi nous, la "Bassara" de service qui une tasse à la main, après un long moment de remue-méninges, de profondes méditations devant l’objet de prédilection, livrait  avec force parcimonie ses pronostics, sans se départir jamais de ce ton grave qui lui conférait une certaine aura, pendant qu’alentour battaient la chamade tous ces cœurs en perdition, à la naïveté illimitée. 

Ses prévisions  hautement probables en somme, tournaient comme un leitmotiv autour du thème assassin de l’amour et de ses corollaires, agrémentées par-ci par-là de platitudes qui souvent mettaient un peu de baume à l’endroit endolori ! Le temps a le chic en passant d’emporter toujours un petit quelque chose sur son passage et ce sortilège n’échappe pas à la loi. Dépouillé de sa magie, on finit par se rendre imperméable à toutes ces fadaises de voyante. 

Et pourtant dans le domaine public, la crédulité semble toujours de mise par rapport à cette tradition indéboulonnable qui perdure sans prendre de ride, puisant quelque peu sa pérennité dans le fait que les plus grands de ce monde semblent y avoir recours, même François Mitterand de son temps, dit-on ! 

Le Liban, niché au creux du berceau des religions baigne paradoxalement à fond la caisse dans la superstition. Préoccupé par son avenir incertain, il aime à se laisser bercer par les prévisions des« spécialistes» surtout quand elles s’avèrent prometteuses. Cette propension à pratiquer ce jeu prend encore plus de consistance lors du passage vers une nouvelle année au cours duquel invités d’honneur à des émissions télévisées, toute une ribambelle de voyants à l’appellation d’origine contrôlée s’en donnent à cœur joie… 

Hélène Maalouf une des plus emblématiques "Bassara" de Beyrouth, qui lit surtout dans le marc du café et à qui font appel les plus avertis, nous a confié tout ce que réserve cette année 2013 au Liban, à la région Proche-Orientale et  presque au monde ! 

Devenue célèbre suite à certaines de ses hasardeuses prévisions, comme celle comportant les détails sur l’arrestation de Saddam Hussein ou sur la guerre du Liban en 2006, son ton ne faiblit plus. Elle n’en finit pas de pérorer. 

Force toutefois est de reconnaître qu’en 2012 une partie de ses dires s’était concrétisée et que l’autre partie,  formulée couci-couça était plutôt conçue pour s’adapter à divers cas de figure. En effet quand dans un pays, les espions aussi bien que les attentats sont légion, prédire la mort d’un homme politique ou prédire le démantèlement d’un réseau terroriste ne relève pas d’une très grande compétence. Encore moins de parier que crise économique et revendications salariales ne pourront être endiguées. Parier que le printemps arabe n’allait pas voir éclore de sitôt s’il en est, ses bourgeons et que le sang allait continuer à couler à Damas, au Caire ou à Tripoli, on s‘y attendait un peu aussi.  

Concernant l’année 2013, l’Egypte et la Syrie devraient  rester dans la tourmente, la Palestine devrait encore saigner. le Liban lui, malgré de nombreuses déconvenues sortirait son épingle du jeu en préservant sa stabilité, arborant côte à côte comme toujours, Eglise et  Mosquée. Alors qu’aucun consensus n’a été trouvé  jusque là autour de la loi électorale hautement controversée, la voyante assure quand même la tenue des législatives prévue pour le prochain printemps. Rafales de coups de feu à côté de l’aéroport, inondations, mutinerie dans une prison, difficultés économiques, problèmes d‘électricité, toutes ces petites choses qui font le quotidien de toute une population depuis belle lurette devraient, sans surprise, faire partie du paysage.  

Il paraît qu’en "Occident Al Qaëda sera opérationnelle". Elle voit des émeutes en France, des intempéries en Floride, des inondations au Brésil, plein, plein de choses évidentes de ce genre.

Dans son café de Jounieh qui ne désemplit pas, le peuple devenu dindons de la farce continue d’accourir chez Hélène, la Bassara, pour se faire déplumer au grand dam d‘un Etat démissionnaire qui se décharge de ses responsabilités comme il peut….