Quelles que soient les causes de la « disparition » de Ghislaine Dupont et Claude Verlon de RFI au Mali, voilà qui rappelle à chacun tout ce que la "mission" ou "vocation" du Journalisme pour certains, peuvent avoir d’essentiel, de précieux, de vital, au nom de la Liberté.
La liste est longue des victimes sur le champ de bataille pour la démocratie. Souvenons nous de nos otages…J.P Kauffmann (retenu 3 ans), J.L Normandin (21 mois), S. Taponier et H. Ghesquière (1 an), R. Auque (11 mois), A. Cornea (255 jours), F. Aubenas (157 jours), Ch. Chesnot et G. Malbrunot (124 jours), P. Rochot et G. Hansen (105 jours), J.J le Garrec (74 jours)…etc.
Bien sûr, dans nos pays définis comme les plus avancés, et plus encore dans ceux qui pratiquent la censure comme mode de gouvernance, chaque Pouvoir n’est pas sans les craindre parfois, les serviteurs de l’information. Il arriva même qu’une « cellule d’écoute » leur soit largement dédiée à l’Elysée. C’était il y a quelques années, et peut être encore, ou bientôt, qui sait.
Pour les uns ils sont toujours trop complaisants, pour les autres, trop indociles et intrusifs. Comme il est difficile de ne pas céder au règne du divertissement et de la pommade adoucissante et relaxante appliquée en guise « d’information ». Le risque de sombrer dans le néant de la téléréalité voyeuriste s’apparentant à un étalage de supermarché menace tout autant sous le diktat du roi fou de l’audimat. Oui, réjouissons nous que la profession de Journaliste garde largement comme préalable ses exigences les plus honorables.
La plupart demeure du « parti » de la vérité, autant qu’elle soit possible et accessible. Que le journalisme ne puisse totalement contourner la subjectivité atteste d’une part d’humanité. Cela est rassurant. Les robots ne sont pas encore en charge de l’information. Bien sûr, entre le récit et le compte rendu objectif il incombe au lecteur ou spectateur d’user de son propre regard critique. Les citoyens n’ont pas à demeurer au stade infantile. Les Journalistes n’ont pas à mâcher et digérer l’actualité. Du reste, les faits sont aussi divers que chacun d’eux. Il n’y a pas « les Journalistes ». Il y a une profession représentative du genre Humain, du lectorat. L’information est toujours une co production entre émission et réception. Il arrive qu’au royaume des aveugles bien des lecteurs se mettent volontairement en première ligne. N’oublions jamais tous ces véritables héros des temps modernes qui perdent leur vie pour avoir tentés de nous ouvrir au monde, tel qu’il est. Y a t’il une vie sans ou après le Journalisme ?
Nombreux ont troqués leur tenue de reporter pour celle de l’élu du peuple. Après avoir donné de son temps et de son énergie pour rendre compte au mieux de l’actualité, il est presque légitime de songer un jour à vouloir influer sur le cours de l’Histoire. Les souffrances observées ou vécues génèrent des opinions, ou des révoltes. Ainsi en fut-il des ex Journalistes devenus Députés que sont, Noel Mamère, François Baroin, Dominique Baudis, Mélenchon, d’autres encore. Pour Françoise Gaujour, la mutation passa par le pont qui sépare le reportage du « report’Art ». Il n’est pas exclu que les deux rives entourent un même fleuve.
Lorsqu’on regarde la biographie de Françoise Gaujour, on insiste premièrement sur le fait qu’elle fut la première femme présentatrice d’une revue de presse en Radio, sur France Inter. Son ouverture au monde par l’information jusqu’à prolonger actuellement son action dans le « Report’Art » n’est peut être pas étranger à son enfance passée au Sénégal. Le « Report’Art » qu’elle est devenue ces derniers temps transcende toutes les frontières, aussi celle qui sépare en théorie la photographie et la peinture. Certains de ses « tableaux photographiques » paraissent en effet s’inscrire dans un registre indéfinissable et nouveau, unique en son genre, libre. Pour le vernissage du 7 Novembre dernier au 41 rue Verneuil à Paris il y avait foule, et du beau monde, beaucoup d’affection aussi.
Françoise Gaujour fît de brillantes études à l’ESJ de Paris tout en étudiant le Droit à la Faculté d’Assas. Un stage au Journal l’Aurore marquera le début de sa carrière en presse écrite. Elle y deviendra rapidement Reporter en titre. Elle sera responsable d’une des premières chroniques dédiées à « l’Environnement ». Sa démarche et personnalité relèveront immédiatement des pionnieres. Elle collaborera aussi avec l’émission alors très populaire « Midi Trente ». Remarquée pour la qualité de sa plume et son indépendance d’esprit elle publiera bientôt « Un chasseur nommé Giscard » (Editions Alain Moreau) qui reste comme l’un des ouvrages de référence dans la dénonciation de la chasse et plus largement la promotion de l’Ecologie. Tout cela reste très actuel.
En Octobre 1977, Françoise Gaujour entre à la Rédaction de France Inter pour y être rapidement Grand Reporter. Devenue présentatrice d’une chronique d’humeur à 8h15, puis d’une autre à 8h20, elle assure rapidement la présentation du journal de 7h30. L’analyste subtile et caustique qu’elle est irradie alors tout le service politique. En 1985, présentatrice éditorialiste de la Revue de Presse de 8h30, elle rencontre un grand succès d’audience. Elle apporta un véritable ton nouveau, dans une grande liberté d’expression.
En 1987 Françoise Gaujour écrit un second livre intitulé « La Séduction est leur métier » (Editions Carrère) consacré au marketing des hommes politiques pratiqué pour séduire les électeurs. Le thème garde toute sa pertinence au royaume actuel des éléments de langage et du peopolitique de la téléréalité généralisée.
Françoise Gaujour quitte bientôt France Inter pour participer à « la grande aventure de la 5* », celle de la première télévision nationale privée, alors que la Télévision Publique n’a pas encore coupée son cordon ombilical avec l’état. On suppose que ce fut le cas depuis.
A la 5* Françoise Gaujour est d’abord reporter au service politique, puis présente « Public », un grand talk show de la mi journée encadrant le journal de 13H. À partir d’avril 1991, l’émission « A la Cantonnade » lui est confiée, émission diffusée en 2ème partie de soirée et traitant de l’actualité des médias, de pub et communication. Françoise est par la suite en charge de « C’est tout com » tournée dans le décor des agences de publicité et consacrée aux mêmes thèmes.
Après la fin de la 5* elle rejoint l’équipe de « Sacrée Soirée », la grande émission à succès présentée par Jean Pierre Foucault sur TF1. En 1993, Françoise Gaujour est aussi en charge du principal journal de TMC. La même année elle présentera une émission économique sur RMC « 45 minutes pour l’emploi ». C’est l’une des premières émissions consacrées au chômage et à la crise. La pionnière demeure.
En Août 1994 elle rejoint RTL TV. Elle en assure la direction du siège Parisien tout en étant productrice et présentatrice en Direct de l’émission « F comme Femme ».Françoise est de toutes les justes et nobles causes.
En 1996 Françoise Gaujour intègre Europe1 en responsabilité de diverses chroniques et émissions ainsi que de la revue de presse. Avec « Europe plus » elle obtient un fort succès d’audience dans la matinale.
Françoise Gaujour vient clore sa brillante carrière entant que critique d’Art du service Culture. Son statut actuel de « Report’Art » s’inscrit donc logiquement dans son évolution, rejoignant la grande famille des artistes dans laquelle elle se reconnaissait probablement déjà durant sa dernière activité en Radio.
Alors pourquoi avoir intitulée sa première véritable exposition " Silhouettes" ? Suivre le Guide qu’elle offre au travers d’un poème :
La silhouette est….
Sur tous les fronts du monde nous sommes habitués à voir leurs « silhouettes » assurant de la présence de, la liberté. Certaines tenues vestimentaires s’affichent même « style reporter ». Les journalistes sont partout, ou presque. Certaines parties du monde rechignent à leur ouvrir les portes. Laisser entrer des serviteurs de la démocratie peut être lourd de conséquences, les plus nobles. Dans une ville monde qui n’est pas sans devenir de plus en plus violente, voire, barbare, n’oublions pas de les remercier plus souvent pour le courage dont ils font preuve, les journalistes. Notamment ceux qui travaillent sur le terrain. Comme l’Art ils « sauvent » le monde en ne renonçant pas à la libre expression.
Un mouvement
Ce n’est pas une forme
C’est une énergie,
Elle est tonique,
C’est une action,
Une démarche,
Elle est suspendue en plein vol,
C’est un désir,
Un charme,
Une sensation,
Une émotion,
Un souffle de vie,
Un mystère,
Une énigme,
Un funambule,
Un fantomal,
Elle est insolite,
Toujours étrange,
La silhouette a une âme
C’est un souffle de vie,
Elle n’a rien dans les poches,
Elle joue sur le dénuement,
Elle est abstraite,
C’est une ligne,
Un contour,
Un galbe,
Un profil,
Une allure,
Elle épouse la forme du corps,
C’est un fil,
C’est un contraste,
Le jour et la nuit,
Un crépuscule,
Une ombre,
C’est une transparence,
Un dessin,
Un silence,
Un voyage en relief,
Un tracé,
La silhouette est singulière,
Elle se faufile,
C’est une lumière,
Une intimité,
Elle est magique, poétique,
Imaginaire,
C’est une intention
C’est mon intention…
Toute une partie de ses Report’Arts s’élève dans des Dunes (photographiées au Brésil, à Jericoacoara ) pour y apprendre le langage des frontières entre Ciel et Terre. Précisant « qu’il y a des dunes sur Mars » ses annotations insistent pareillement sur « de nombreuses formes de dunes ». Par exemple « dans le désert du Namib les dunes se forment en Y, quand le vent souffle dans deux directions » mais « Il y a aussi des dunes en forme d’étoile, quand les vents sont multi directionnels » ou « des dunes en forme de U dans les déserts côtiers quand la végétation arrête leur progression alors que la partie centrale continue de progresser ». Chacun étant ici bas destiné à retourner à la poussière des Dunes de toute la Terre, Françoise Gaujour rappelle que « les dunes sont simples et complexes, comme nous ». Gardons qu’un grain de sable bouleverse parfois la mécanique la plus optimale.
La série "Surfeurs du béton" représentant des skatters pris en contre jour et surfant sur le béton s’inscrit plus nettement dans la modernité urbaine. Pour y apparaître au travers de leurs ombres, libre à chacun de trouver là une invitation à choisir la Lumière.
Quelle est sa technique de travail ? Françoise répond que « sa méthode est d’une simplicité folle, je voyage pour faire des photos et je fais des photos pour voyager, ensuite je laisse faire mon instinct ».
Dans quel registre photographique pense t’elle plus volontiers se reconnaître ? « C’est vrai que j’aime les paysages, mais je fais aussi des portraits. Par exemple, lorsque je voyage, mon côté journaliste revient au galop, je fais en quelque sorte des documentaires photos autour d’un pays. En Alaska, cet été je crois avoir fait une série artistico/sociale autour des chalets dans la forêt dans lesquels habite la population de Seward.". Au gré des Dunes cosmiques ou du béton trop souvent armé, à chacun de choisir ce qu’il retiendra du pèlerinage induit par les « Silhouettes ». Que le Journalisme recouvre en soi un parcours initiatique et initiateur ne fait aucun doute. Cette grande professionnelle le prouve.
Que le Journalisme recouvre aussi un art…de vivre ? Une philosophie de la vie ? Que cette activité ouvre à un regard particulier sur le monde, sur l’être humain, sur le cours de l’Histoire, sur le sens même de l’existence ? Voilà qui recouvre une évidence. Que cela induise tragiquement un « art » de mourir de temps en temps au combat pour la liberté ? Aussi. Gardons que la Liberté ne mourra jamais. La mort elle-même serait morte depuis toujours.
Une vie après le Journalisme ?
Il y aura toujours des Journalistes, la question ne se pose pas. La Liberté aurait donnée sa parole. L’Humanité s’y serait engagée, notamment suite au 20éme siècle lourd de son cortège d’offenses les plus cruelles et immondes infligées à l’Homme. Plus jamais ça ? Plus jamais se taire. Rien ne pourra plus interdire la présence de ces « silhouettes » qui parlent pour nous dans toutes les dunes ou crevasses de la Terre, toutes, ou presque.
Il y aura toujours aussi des sites d’information libre et indépendante comme C4N, refusant toute forme de censure, et retournant chaque jour au turbin courageux et volontaire de l’information.
Oui, vive les Journalistes ! Vivent…
Guillaume Boucard