Petit matin froid et humide d’hiver. La neige recouvre encore les trottoirs et le paysage. Le ciel est si blanc qu’il est bien possible qu’elle retombe bientôt…
Roulant vers mon lieu travail, je suis passé devant la grille, grande ouverte, du cimetière qui abrite le caveau de ma famille… Il y a belle lurette que je n’y ai pas mis les pieds. J’ai pu entr’apercevoir les chicots noirs des pierres tombales (ici les caveaux sont souvent faits en pierre de Volvic, comme la cathédrale de Clermont-Ferrand). Contraste saisissant avec le manteau immaculé de la neige. Comme un monde en blanc et noir.
Une étrange idée m’a traversé l’esprit : ils doivent avoir froid dans leur tombe.
Etrange, car tellement subjective cette pensée ! Il est évident que ces chers disparus n’endurent plus aucune de ce qui fait le « charme » de notre vie d’homme : le désir, la douleur, la peur. La joie aussi.
Mais l’esprit humain fonctionne ainsi. Projetant sans cesse sa propre vision des choses et ses sensations. A se demander, d’ailleurs, si nous pouvons voir la réalité telle qu’elle est tant nous la teintons de nos apriori, positifs ou négatifs, mais apriori, et de nos jugements de valeur. Peut-être vivons-nous la vie comme un rêve éveillé, chacun y projetant ces certitudes.
La vie est un flux vraiment mystérieux. Qui se termine en une chute brutale vers un gouffre sans fond. Après, on peut habiller cette réalité, y voir une renaissance, une fin définitive. Là encore, nous inventons une réalité possible. Quel étrange pouvoir avons-nous là !
Petit matin froid et humide d’hiver. Je roule en regardant le paysage, sentant la morsure du froid dans l’habitacle de ma voiture. Tout à l’heure, je saluerais mes collègues, échangeant les banalités d’usage, puis, tout le jour, je ferais un certain nombre d’actions en interactivité avec des choses, des êtres. Eux, ils restent là, allongés, sans vie. Ne ressentant pas ni la morsure du froid, ni la solitude, ni l’ennui. N’existant plus, n’étant plus présent au monde.
Au fait. Pourquoi raconter tout cela ? Et bien tout simplement, pour vous dire, mes très cher(e)s ami(e)s que la vie est un bien précieux. Même quand on est en pleine crise économique, qu’on vit avec la peur du chômage, avec la peur du lendemain. Même quand les oiseaux de mauvais augure vous chantent sur tous les tons qu’il faut souffrir pour pleins de bonnes raisons.
Non. L’adage nous dit : « tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ». On devrait plutôt dire, plus précisément et définitivement « tant qu’il y a de la vie, on n’est pas mort ». Et ça devrait être suffisant pour nous faire respirer un grand coup et continuer à avancer.