Vieillir c’est gagner, c’est-à dire mûrir, parce que tant qu’il est possible d’apprendre et de donner un sens à sa vie on assiste à l’expansion de l’identité. Mais d’autre coté vieillir c’est aussi perdre et les personnes âgées savent par expérience que la menace de la perte s’accroît avec le temps.
Pourtant ce n’est pas cette connaissance rationnelle qui les prépare vraiment à affronter l’expérience du deuil. Bien tempéré, le vieillissement psychique découle de la capacité du moi à supporter la perte de la jeunesse et la peur de la mort sans en être mentalement paralysé. Mais il convient de faire la distinction entre les différents types de perte.
La perte d’un être cher
La mort d’un être cher est d’abord une disparition extérieure qui provoque des bouleversements dans le psychisme. Il s’agit non seulement d’accepter sa perte en tant que sujet, mais aussi de la remise en cause de la place occupée psychiquement par le disparu. Le deuil représente les efforts que la personne doit fournir pour se détacher de l’être perdu ; il faut rassembler toute son énergie pour lutter contre la tristesse et supporter l’absence.
Ce processus est comparable chez les personnes âgées et chez les plus jeunes, bien qu’il se distingue par l’importance de l’investissement. L’expérience et aussi la baisse de l’énergie vitale propre au vieillissement protègent partiellement le sujet endeuillé. C’est comme si on s’est détaché à bas bruit de la personne avant le jour de sa perte ; ainsi le travail de deuil peut s’en trouver facilité.
A l’opposé, la difficulté de ce travail de détachement peut être sérieusement accrue par l’ancienneté et la profondeur des relations que la personne entretenait avec l’être perdu. Perdre quelqu’un avec qui on a partagé sa vie pendant quarante ans n’est pas seulement perdre quelqu’un d’autre mais aussi perdre une partie de soi. Une expérience si douloureuse que certains ne s’en remettent jamais.
La perte d’une capacité
Une partie de soi est touchée provoquant une atteinte qui retentit sur le psychisme de la personne. Les points les plus sensibles sont la réduction de la puissance sexuelle chez l’homme et la diminution de la séduction chez la femme. On peut, en revanche, trouver des plaisirs de remplacement comme les réalisations artistiques et intellectuelles, s’occuper de ses petits enfants ou créer des nouveaux liens sociaux.
La perte de soi
Cette forme de perte correspond, psychiquement, à la mise en perspective de la mort. Lorsque la réalité et l’inévitabilité de notre mort apparaissent comme inéluctables (évidentes) et non plus comme idée générale, cette mort devienne une affaire personnelle. Lorsque le sujet parvient à supporter le chagrin d’avoir à quitter la vie, il arrive à dépasser la situation de perte. Il faut accepter la douleur de cette perte comme passage obligé.
Construire son histoire interne : un moyen de lutter contre ses pertes
D’une façon générale, pour réussir le travail de vieillir il faut s’intéresser à sa propre vie. L’important c’est d’en faire une histoire cohérente et pourvue de sens. Ce besoin de cohérence peut être présent à chaque âge, mais chez la personne âgée il y a une urgence de donner une signification et de mettre de l’ordre dans sa vie, en intégrant dans le présent le passé, afin de préparer le futur. Il est important que l’entourage comprenne ce besoin parce qu’en parlant d’elle-même et de sa vie passée, la personne âgée se sent utile et a l’impression de transmettre quelque chose.
La reconstitution des souvenirs joue un rôle important pour le travail de vieillir. En relatant sa vie et en y donnant un sens, le sujet fait revivre tous les êtres disparus. Ainsi il acquière la capacité de garder en lui – même, sur le plan psychique et symbolique, ce qu’il a perdu dans la réalité. C’est comme si la personne âgée crée un monde interne ou elle garde en présence ce qui a été important pour elle jadis.
Cette mise en perspective rétrospective de la vie, le fait de trouver un sens à sa vie, de résoudre d’anciens conflits et d’accepter les pertes amène à l’acceptation de soi et de la mort. Il s’agit bien sûr d’un équilibre fragile qui n’est jamais totalement acquis.
[b]Sujet difficile traité avec retenue et pudeur, merci à l’auteur pour cet éclairage. je commenterais sur le fond peut-être un peu plus tard: je réfléchis…[/b]
Merci zelectron. C’est vrai qu’il vaut mieux rester pudique quand on traite du deuil. C’est un vécu délicat et o combien subjectif…
Très bon article intéressant!
Très lucide cet article.
Merci pour vos commentaires!