Elle n’aurait pas un nom de joueuse de tennis, celle-là ? Ah ben, non, c’est Isabelle qui montait au filet. Mylène, elle, en bas résille, vous affolait tout un bataillon de Joinville, dans les années BB (celles des initiales de Bardot du temps de Gainsbourg, aussi, de Bjorn Borg, mais c’est moins évident…). Du temps où les motrices BB de la SNCF emmenaient vers les « Jolies colonies de vacances » de Pierre Perret, c’était d’une Mylène Demongeot  dont tous rêvaient pour « mono ». Comme elle allie la joliesse populaire à la cérébralité des esprits curieux et affutés, elle poursuit une carrière plus que contrastée.


Ah, Mylène ! Ou, à la Marcel Gotlib, ne devrais-je point écrire « Râââh, Mylê-ê-ê-ne ! » ? Pour la plupart des godelureaux boutonneux des années 1960, c’est une fille des années yé-yé, préfigurant les bombes sexuelles du présent mais moins intimidante que les sensuelles épanouies de l’époque précédente (genre Gina Lollobrigida, pour n’en citer qu’une). C’est « la fille d’en face », la copine délurée et facétieuse, une Sheila à couettes en plus gironde : on a envie de la prendre par le menton, telle Madelon, elle a ce côté bien de chez nous (ascendance niçoise) et ce je-ne-sais-quoi de distinction slave (mère ukrainienne) qui fait que, comme Sylvie Vartan, elle sort franchement du lot.

L’œil mi-coquin-complice, mi-conceptuelle-critique (je sais, cela fait plutôt quatre-quarts, je suis un Breton et on ne se refait pas), elle le conserve sur sa photo officielle de commandeure des Arts & des Lettres (promotion 2007).

 

Inscrite au cours Simon, elle rencontre le photographe Henri Coste en 1956 et court le cachet, en starlette à faire poser devant une Vespa ou un scooter Peugeot. Mais Raymond Rouleau cherche une Abigail pour ses Sorcières de Salem adaptées par Jean-Paul Sartre de la pièce d’Arthur Miller, The Crucible. Premier second rôle derrière Yves Montand et Simone Signoret, elle est immédiatement lancée à 21 ans. Nous sommes en 1957 et sa carrière cinématographique, entamée en 1953, prend un tour plus sérieux avec un Henri Verneuil (Une manche et la belle), puis, l’année suivante, un Preminger (Bonjour tristesse). Mais, sur les tournages, ou à la ville, ses talents de comédienne en tous genres sont aussi patents que ceux d’actrice dramatique. Marc Allegret en fait sa Virginie de sa comédie Sois belle et tais-toi (un polar populaire franchouillard sorti en 1958, avec Henri Vidal, Roger Hanin, Belmondo, Delon, Darry Cowl…). Des rôles très contrastés et diversifiés s’enchaînent jusqu’en 1961 et Les Trois mousquetaires de Barnard Borderie. En Milady de Winter, Mylène est… à se damner. Les décolletés d’Anne d’Autriche (Françoise Christophe) ou de Constance Bonacieux (Perrette Pradier), de ces dames de Lannoy (Malka Ribowska) ou de Chevreuse (Léna Skerla) ne peuvent distraire longtemps les regards convergeant vers la chipie Milady.

On aura beau la coiffer en « choucroute » (à la Bardot), la transformer en marinette (pour la couverture du Picturegoer),  en faire une femme fatale (pour celle de Paris Flash), rien n’y fait, aucune une ne la remet en case starlette ou faire valoir (même dans O.S.S. 117, Agent double, soit Furia à Bahia pour OSS 117, d’André Hunebelle, de 1965, elle se hisse au-dessus du rôle).

 

André Hunebelle en fait une Hélène pour ses Fantômas mais il se trouve un rival de poids avec Marc Simenon, fils de Georges, qui sait autant l’employer côté cour que côté jardin et au logis. Marc Simenon l’implique dans des films dramatiques ou des comédies (Signé Furax, en 1981) à la fois en tant qu’épouse et actrice, égérie, coproductrice, dès son Le Champignon (1970, avec l’appui d’Alphonse Boudard pour le scénario et les dialogues). Elle aurait pu dès lors avoir une carrière à la Michel Piccoli (son partenaire pour Les Toits de Paris, d’Hiner Saleem, 2006) qu’on retrouve dans les Faraldo ou, dans un genre plus dramatique, dans des films plus ambitieux (au moins de par leur budget). Depuis la fin des années 2000, elle s’amuse avec des comédies légères. On la retrouvera dans la suite du Camping (2006 puis 2010) de Fabien Onteniente mais on se doute qu’elle pourrait tenir des rôles à la Simone Signoret.

 

De l’âge de 5 à 10 ans, affectée d’un très fort strabisme, elle s’était réfugiée dans la musique et une vie intérieure très solitaire. Elle bénéficie d’une opération, se souvient qu’elle fut cinéphile, devient starlette pour l’argent de poche, se fait remarquer… Elle a pris le succès avec pondération, ne s’est prise ni pour Bardot, Monroe ou Mireille Darc, et s’est vouée à son couple plus qu’à sa carrière. Il n’est pas du tout sûr qu’elle le regrette… Nous, si. Mais comme elle n’est pas finie…