Le Docteur Jivago, c'est d'abord un roman de Boris Pasternak, puis un film, en 1965,  à grande distribution. Géraldine Chapelin, Omar Sharif, Julie Christie, Alec Guinness, Tom Courtenay et même Klaus Kinski sont à l'affiche. Nominé cinq fois dans d'autres catégories, il remporte cinq fois un Oscar en 1965. Avec Le Guépard de Visconti, ce Docteur Jivago est tout à fait caractéristique des grandes productions des débuts des années 1960.

Lors de la projection du Guépard de Visconti, je me suis surtout occupé de ma voisine et sa longue chevelure rendait difficultueux de suivre d'un oeil le déroulement de l'action. Nous étions sensibles au fait qu'il s'agissait d'un chef d'œuvre, mais la priorité de nos âges, les jeudis, était autre que de nous former une culture cinéphilique érudite. Heureusement, j'ai revu plus sereinement Le Guépard, depuis. Pas ce Docteur Jivago.

Un mot du roman et de son auteur, tout d'abord. Tout comme pour Alexandre Sojenitsyne, dont L'Archipel du Goulag paraît en russe mais aux éditions YMCA de Paris – toujours proches du campus de Jussieu et du boulevard Saint-Germain –, le Docteur est publié pour la première fois en russe à l'étranger. Le roman sort en Italie en 1957, il sera vite traduit, et David Lean l'adapte à l'écran dès 1965.

L'histoire est épique. Lara (Julie Christie) rencontre d'abord Youri, jeune docteur (Omar Sharif), chez sa mère. Elle le retrouve sur le front car elle est infirmière. Elle épousera le général « rouge » Strelnikov (Tom Courtenay) et Youri rejoindra Moscou, Tonya (Géraldine Chaplin), sa femme, et sa famille. C'est beaucoup plus tard, dans l'Oural plongé dans les conflits des débuts des soviets, que Lara et Youri seront amants. Youri est capturé par des « blancs », s'enfuit, retrouve Lara qui doit s'enfuir. Youri ne reverra pas vraiment ni les siens, ni Lara…

La musique est de Maurice Jarre, le tournage se déroule en Espagne, avec décors pyrénéens et parfois neige artificielle en plastique en plein été ibère. La critique boude le film mais le public adore et les Compagnons de la Chanson popularisent la Chanson de Lara. On pleure donc dans les chaumières en fredonnant :

Un jour Lara
Quand le vent a tourné
Un jour Lara
Ton amour t'a quitté
Tes yeux Lara
Revoient toujours ce train
Ce dernier train
Partant vers le chagrin
Le ciel était couvert de neige
Au loin déjà l'horizon brûlait

Cette chanson
Que chantaient les soldats
C'était si bon,
Serré entre tes bras
Au bord des pleurs
Tu souriais Lara
Oubliant l'heure
La guerre, la peur, le froid
Le ciel était couvert de neige
Au loin déjà le canon tonnait

Un jour Lara
Quand tournera le vent
Un jour Lara
Ce sera comme avant
Alors cet air comme un manège
Pour toi sera ta chanson Lara…

Cela fait toujours sourire de penser à la neige en toc tout en se souvenant de la ritournelle des Compagnons.