Dans cette série, Diane Cilento est une vraie erreur de distribution ou plutôt une bénéficiaire d’un régime dérogatoire. Si la Dame (qui ne l’est pas, en tout cas, pas pour être l’ancienne épouse de Sir Sean) figure ici, ce n’est pas vraiment en raison de nos critères (25 ans de carrière cinématographique, une suite de premiers et seconds meilleurs rôles). Mais elle a du caractère, de la distinction, et il faut savoir aussi se montrer opiniatre sans être borné. Et puis, et puis, tel est mon bon plaisir !
Too much ado about nothing (beaucoup de bruit pour rien) ? Oui, et non ! Diane Cilento n’est pas déjà une Dame of the British Empire (contrairement à Dame Edith Evans, † 1976, qui l’est éternellement). Cela pourrait ne pas tarder. En tout cas, si son ex, Sir Sean Connery, est devenu chevalier en juillet 2000, elle n’était plus sa « lady » depuis 1973 (ce fut une séparation délicate et Sean Connery ne se remaria, avec
L’appeler « Lady Sean » est donc d’autant plus déplacé qu’elle n’a pas la langue dans sa poche lorsqu’il s’agit de remettre les bonhommes à leur (juste ?) place d’accessoires.
Diane Cilento nait, un 5 octobre 1933, à Brisbane (Queensland ? Australie en tout cas), dans un milieu fortement médicalisé. Vous me direz, ma fille aussi, qui naquit dans un centre de recherches obstétricales de la Sécurité sociale. Vous aussi, les vôtres aussi. Mais nous sommes moins – et ce n’est pas mon cas – d’être l’engeance de deux docteurs en médecine. Maman Cilento est médecin, épouse de médecin. Mais c’est aussi une artiste, et une femme de forte trempe (de caractère). Lauréate (euh, diplômée) de l’université d’Adélaïde, elle est spécialiste des maladies tropicales, prend des risques, mais donne aussi naissance à huit enfants (six survivront), dont le premier au milieu d’un ouragan en Malaisie. Sir Raphael, son époux, est l’accoucheur. Pour la féliciter, il lui offre un coffret de scalpels. Pour Diane Cilento, qui s’en ouvre à
Diane Cilento a été mariée trois fois et aurait pu faire une carrière bien plus marquante si, après son marriage avec Sean Connery, elle n’avait choisi de se retirer à l’écart, dans la nature, nourrissant des préoccupations écologiques dès le début des années 1970. Rentrée en Australie, Evonne Goolagong (une joueuse de tennis) l’invite à visiter l’Australie centrale. Elle y découvre des aborigènes bosseuses, animées par une spiritualité subtile, qui l’épatent. « Je pense que les femmes n’ont plus à s’efforcer de se trouver un parti pour se marier et fonder une famille, la mentalité des femmes a totalement évolué. Nous n’avons pas besoin de nous marier, nous n’avons pas à faire tous ce que les femmes des familles de nos mères et grand’mères ont dû faire. ». Voilà qui est dit.
Pour la rencontrer à présent, il faut débarquer à Port Douglas et s’embarquer dans un tout terrain pour rejoindre « Karnak » (à Mossman, « près » de Cairns). C’est un ensemble de quatre résidences réparties autour d’un café et de son théâtre. C’est dans le Queensland septentrional, et c’est
On dit que les chat(te)s ont neuf vies. Diane Cilento aussi si l’on en croit sa biographie, My Nine Lives, publié par Penguin Books. En tout cas, sa carrière d’actrice débute réellement avec le rôle de Molly Seagrim. Molly, compagne de Tom Jones, une fieffée gourgandine, fille de joie sur les bords, franche du collier, et décidée, genre garçon manqué. « Jones a plus d’égards pour sa vertu qu’elle-même » : comme ces choses sont joliment dites par Henri Fielding (in The Narrow Escape of Molly Seagrim, L. iv, chap. 6). Sa prestance, ses mimiques et réparties lui valent un Oscar. Le film de Tony Richardson sort en 1963, l’année suivant son mariage avec Connery. En fait, à la fin du tournage, elle est enceinte de Sean Connery, d’où son mariage. Elle finit sa grossesse incognito en Espagne, histoire de s’éviter l’attention des paparazzi.
Diane Cilento n’était pas une mince actrice (enfin, de tour de taille, si) car, déjà en 1956, elle est une Hélène troyenne dans l’hellène pièce de Giraudoux, La Guerre de Troie n’aura pas lieu (titre fameux, repris de travers et sans grand rapport, à Dijon, par le groupe musical rock français Ange, avec la musicale comédie La Gare de Troyes n’aura pas mieux ; pour faire l’ange, Diane attendra 1954 et le film d’Alan Bromly, The Angel who Pawned her Harp). Hélène lui vaut un trophée Tony en tant que meilleur second rôle féminin.
En 1951, elle est l’une des figurantes du Capitaine sans peur de Raoul Walsh. Elle grimpe un peu au générique de Moulin Rouge (1952, John Huston). Mais ensuite elle enchaîne nanars et navets (ce qui n’est pas forcément synonyme, Man!, comme aurait écrit Alain Chedanne, et un nanar peut vous valoir un magot bien plus important que le prix de deux – soit le littéraire Deux Magots). On le vérifie tout de suite avec le film de Martin Ritt, en 2967, Hombre (¡Caramba!). Ce film, avec Paul Newman en pauvre garçon vacher égaré loin de son logis, n’est pas tout à fait un « ouesterne » spaghetti. C’est aussi un manifeste en faveur des Peaux-Rouges. On évoquera Boule de Suif, de Maupassant, à son propos (enfin, je ne sais trop qui le fit sur Wikipedia). Par la suite, Diane Cilento ne sera pas l’Eva Braun d’Alec Guiness dans Les Derniers Jours d’Hitler (1972, Ennio de Concini), mais une « modeste » Hanna Reitsch (1912, Hirschberg im Riesengebirge, 1979, Franckfort, une Hélène Boucher allemande, qui fut pilote d’essai sur Me 1963 Kornet, Croix de fer Première Classe, testeuse de V1, qui promut une éphémère escadrille d’impétrants kamikazes).
Le rôle d’Hanna Reitsch allait assez bien au tempérament de Diane Cilento, mais ce n’était guère un tout premier rôle. Sa dernière apparition devant une caméra (de vidéo) date de 1994, dans À mi-galaxie, tournez à gauche, série télévisuelle pour laquelle on lui avait casé un rôle pas trop mineur.
Des actrices telles Diane Cilento me passionnent davantage que d’autres parce qu’elles me sont totalement inconnues. Il faut donc fouiller davantage. S’étonner qu’elle se soit destinée à être ballerine, prête à s’exiler pour cela à l’âge de 14 ans (vers les Etats-Unis), et que c’est par pur voisinage qu’elle rencontre, dans l’ascenseur, une certaine Anna Maria Italiano (dite Anne Bancroft). Laquelle lui suggère de faire comme elle et de prendre un pseudo si elle veut réussir en tant qu’actrice. Cilento fait l’académie du Carnegie Hall et devient assistante électricienne du Barter Theatre (en Virginie). Elle ira poursuivre ses études au Royaume-Uni. Après un court séjour d’un semestre au Vatican (son premier mari est un Italien), elle se fixe chez les anglicans.
Sean Connery est bien moins en vue qu’elle lorsqu’elle l’épouse. Mais James Bond le transforme en un seul film. Il n’en reste pas moins un Écossais un peu radin aux yeux de son épouse qui ne comprend pas pourquoi, devenus riches, ils doivent endurer 17 cambriolages par escalade parce que Môssieur Sean ne veut pas engager des gardes ou louer les services d’une société de sécurité.
Elle a joué le Sphinx dans La Machine infernale, de Cocteau. Un rôle hautement symbolique d’une spiritualité en quête d’auteurs, comme John Godolphin Bennett, une sorte de Gurdjieff britannique, qui aura aussi T.S. Eliot pour disciple. Elle en suivra les enseignements avant de s’intéresser à Ibn Arabi, au soufisme, aux derviches. Elle veut se rendre en Turquie mais les actrices et les réalisateurs n’y sont plus en odeur de sainteté depuis le film Midnight Express (1978, Alan Parker). Tous les visas sont refusés aux saltimbanques. Elle parvient cependant à réaliser un documentaire sur les derviches – hommes et femmes – pour la BBC.