De quand, de quel film date cette image qu’on croirait prise depuis un « sous-marin » en planque de la police ? À bout de souffle (Godard, 1960) ? Le Doulos (Melville, 1962) ? Pas Pierrot le Fou (Godard, 1965) car il est tourné en couleurs, ni Léon Morin, prêtre (1961, Melville). Je penche pour le partenaire de la regrettée Jean Seberg, rencontrée alors qu’elle vend l’IHT – International Herald Tribune – à la criée, dans À bout de souffle…

 

 

 


En ces temps-là, les voyous étaient embarqués avec les filles de joie dans des paniers à salade (des fourgons) et finissaient au violon (en garde à vue). Ils ne s’attaquaient pas aux hirondelles – ces cyclistes à cape de toile cirée et képi que Romain Bouteille, dans Themroc, de Claude Faraldo, 1973, personnifie à tout jamais (ou presque). Le marché noir, la rue Lauriston, avaient affiné les affinités et quand même, aux marges, la Résistance, suscitait encore solidarités ou protections. Le voyou était donc censé ne jamais s’en prendre à Pinot, simple flic (de et par Gérard Jugnot, 1984), mais à des condés en pékin (des inspecteurs en civil). Avec Eddie Constantine, l’agent secret Lemmy Caution, on nage dans le roman noir à éclaircies dans les ciels d’orage et une sorte de French Touch, issue peut-être aussi des romans de Vernon Sullivan (Bison Ravi, Boris Vian), comme Et on tuera tous les affreux, crée un genre particulier : le voyou parigot. Il est gouailleur, et c’est en puissance l’un des Tontons flingueurs (Lautner, 1963). Et puis, du jour au lendemain, c’est aussi Bébel.

 

Bébel, c’est bien sûr, pour le grand public et nos chères petites têtes blondes cantonnées les jours d’été pluvieux devant l’étrange lucarne, L’Homme de Rio. Ce film de Philippe de Broca, sorti en 1964, est copieusement parodié par Jean Dujardin dans OSS 117 : Rio ne répond plus (2009, Michel Hazanavicius). Bébel, c’est une certaine élégante désinvolture du risque-tout (il jouait ses cascades lui-même très souvent), qui va finir son aventure du moment en chanson.
Tenez, par exemple, celle de Gainsbourg (interprétée par l’espiègle Minouche Barelli, en 1967), Boum badaboum

Avant de faire tout sauter, boum boum…

Laissez-moi le temps d'aimer, badaboum…

Laissez-moi encore la vie, boum boum…

Au moins mille et une nuits, badaboum…

Si mes jours me sont comptés, boum boum…

Je ne veux pas seulement aimer, badaboum…

S'il est d'autres paradis, boum boum…

Je veux les connaître aussi, badaboum…

 

Tout au long de sa carrière, Jean-Paul Belmondo a alterné des films qu’on peut qualifier de « culte » à présent, soit pour des rôles exigeants, comme celui de Léon Morin, intimistes, soit exubérants, de voyou du présent ou d’auparavant (comme ce cape et d’épée, Cartouche, de Philippe de Broca, en 1962). Il y a, dans le lot, quelques nanards, très peu de navets, et Bébel n’est jamais « cul-cul-la-praline » (expression on ne peu plus datée). Bébel est tout sauf insignifiant. C’est le monstre sacré masculin par excellence avec son partenaire de divers films de gangsters, Alain Delon (et là, son doulos, son galurin, son couvre-chef, sera un Borsalino, d’une tout autre tenue, pour le film de Jacques Deray, en 1970).

 

Mon impérissable souvenir de Jean-Paul Belmondo, c’est l’une des premières répliques du film de Louis Malle, Le Voleur, 1967. Le film est tiré du roman de Georges Hippolyte Adrien († 1921, Paris), dit Georges Darien, ancien des Bats d’Af’ et de Biribi-Tataouine, dont il tirera son Biribi, discipline militaire, adapté depuis en bande dessinée.

Louis Malle n’a gardé que la chute du passage du Voleur (le livre).

« Je mange, je bois ; et je laisse l'assiette sur le buffet et la bouteille sur la table. Il y a des voleurs qui remettent tout en ordre, dans les maisons qu'ils visitent. Moi, jamais. Je fais un sale métier, c'est vrai ; mais j'ai une excuse : je le fais salement. »

Et faisant salement son sale métier – celle-là, vous pouvez la remplacer, genre « je fais dans la presse, c’est un sale métier… mais j’ai une excuse… » –, voilà Bébel qui fracasse une vitrine d’exposition de bijoux. Il s’adresse directement à la caméra. Un plan d’anthologie !

Georges Randal (dans Le Professionnel, de Lautner, en 1982, Bébel sera Josselin Baumont, dit Joss, mais ce ne sera pas non plus Au nom de la loi…), son personnage du Voleur, dénonce le pouvoir de l’argent qui corrompt gouvernements et parlementaires.

 

Il est le Professeur Bébel dans Les Cent et Une Nuits de Simon Cinéma, d’Agnès Varda, en 1995, année où il sera aussi Jean Valjean pour Les Misérables de Claude Lelouch. Mais Jean-Paul Belmondo a été bien longtemps Bébel avant d’être professeur. Il fallait un peu grasseyer ce « Bébel » pour le nommer affectueusement.

 

Au théâtre, respect : il est l’avare, le malade, pour des Molière, un plaideur de Racine, le Cyrano de Rostand. N’avait-il pas été d’Artagnan pour la télévision ?

 

Nous avons retrouvé, tout début 2009, Jean-Paul Belmondo, divorcé à l’amiable, dans un film de Francis Huster, Un Homme et son chien (une reprise de l’Umberto D de Vittorio de Sica), sept ans après un accident cérébral qui l’avait frappé en scène, lors d’une tournée en Bretagne. Né en avril 1933, à Neuilly-sur-Scène, d’un père sculpteur et d’une mère peintre,  ancienne danseuse, c’est un « enfant de la balle » et il l’est resté.

 

J’avais totalement oublié qu’il avait été une « grande gueule » de BD aux éditions Le Lombard. J’ai pu retrouver une meilleure image de cet album de Philippe Chanoinat et Michel Rodrigue mais j’ai hésité à vous communiquer celle de ma découverte, frappée du filigrane du site russe www.belmondo.ru, qui traduit par « Belmondo risounki » cet album. Tristan Maxim, le redchef du site, invite les Francophones à s’exprimer : les commentaires seront traduits. Finalement, Bébel vaut mieux qu’une vignette et j’ai préféré procéder à un montage de la couverture de l’album et d’une capture d’écran de ce site pas tout à fait « tout cyrillique ». Otchin priatna d’avoir fait sa connaissance, Gaspada Maxim !

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