En 2002, à Târgu-Mureş (Transylvanie) dès la mise en rayons de la collection de dessous féminins « Draculina », de jeunes acheteuses se précipitent pour acquérir des parures ornées de crocs de vampires ou d'ailes de chauves-souris. « When Emily is bad, she's glad, when Emily is good, she's very mad » : la lingerie Emily The Strange et la veine gothico-SMB (sado-maso et bondage) ont amplifié cette tendance. C'est peut-être là l'actualité de Christopher Lee à présent. La série télévisée, Draculito, mon saigneur, diffusée en septembre 1991 sur M6, l'avaient aussi remémoré. Après les BD dans lesquelles paradaient les Vampirella et autres Draculettes en draculottes moulantes, Christopher Lee reste une « figure culte » comme on dit complaisamment.

Vendredi dernier, je recevais de Maud Prangey, chargée de com' des éditions Anabet (qui a publié le Zones humides de Charlotte Roche), le courriel dont le texte suit :

« Merci d'être venu hier à la projection de Salo ou les 120 journées de Sodome. Pensez vous que nous puissions encore choquer aujourd'hui ? Pour la petite histoire nous devions organiser cette projection en partenariat avec une agence de communication et un portail de blogueuses : malheureusement, lorsqu'ils ont pris connaissance de notre choix de programmation, ils se sont tous désistés… 
Alors définitivement oui, on peut encore choquer aujourd'hui ! »

Ce Zones humides est une bluette par comparaison au Pasolini de Salo, et en regard de cette tragédie terrible et répugnante, ordurière – au sens littéral, car scatologique – et sanglante, les Dracula de Terence Fisher évoquent le Grand Guignol et les artifices du Boulevard du crime (celui du Temple, à Paris, où le Théâtre Déjazet a remplacé les Folies-Mayer, cadre des Enfants du Paradis, de Carné, déjà évoqué avec ces VGD que sont Arletty et Jean-Louis Barrault).
Christopher Lee, c'est d'abord Le Cauchemar de Dracula (1958),  puis Dracula, prince des ténèbres (1966) et Dracula et les femmes (1968, de Freedie Francis, cette fois), puis Une Messe pour Dracula (1970, de Peter Sasdy), et enfin Les Cicatrices de Darcula (1970, de Roy Ward Baker). Tous sont issus des studios Hammer Films.

Christopher Frank Carandini Lee (Londres, mai 1922), compte près de 250 rôles répartis sur 225 films (il joua tant Sherlock Holmes que son frère, Mycroft, par exemple). Parmi lesquels des seconds ou troisièmes rôles dans Sleepy Hollow, La Guerre des étoiles, Le Seigneur des anneaux.
Le sang des jeunes filles et femmes conserve, semble-t-il, fusse-t-il confectionné à base de grenadine. Car Chrisopher Lee a conservé le rôle jusqu'en 1976 pour d'autres réalisateurs et studios. Onze films au total, le dernier étant le Dracula père et fils d'Édouard Molinaro.
L'an dernier, il faisait une voix dans Star Wars : The Clone Wars.
On le vit aussi dans la série Chapeau melon et bottes de cuir.

C'est l'empereur des films de cape et d'épée car il a manié la rapière, le sabre ou la claymore plus que tout autre acteur vivant ou décédé, et ce mondialement.C'est l'un des rares acteurs à porter le titre de Commander of the British Empire (CBE) – il est aussi, comme un peu tout le monde et Carla Bruni, membre de l'ordre des Arts & des Lettres, officier toutefois tandis que la chevalière Bruni attend encore son tour de promotion.
Tout comme Zabou (Isabelle Breitman), sa fille, Christina Lee, a une homonyme dans le X. Mais son rôle en Princess Lothen  pour le scénario d'une histoire agglomérant les titres de l'album musical Triumph of Agony du groupe Rapsody of Fire est tout à fait chaste.

Je n'ai pas de souvenir particulier des films de Christopher Lee. Je suppose que, comme les trois jeunes gens ayant assisté à la projection de Salo, j'ai dû pouffer à un moment où à un autre. Mais aussi me cacher les paupières pour ne pas voir, à travers elles, les scènes les plus terrifiantes. On s'accommode bien mieux de l'horreur cinématographique de nos jours qu'aux temps des Frankenstein (de James Whale), Dracula (de Tom Browning), L'Exorciste (de William Friedkin). Le Manoir du Diable (1896) et La Caverne maudite (1898), de Méliès,  avaient inauguré le genre. Nosferatu le vampire (de F. W. Murnau) lui donne ses premières lettres de noblesse, en 1922. Il me semble que mes premières frayeurs (et terreurs nocturnes subséquentes) ont découlé de la vision des masques dans un film japonais pour enfants, tout public, donc.

Mais cette rubrique des Vieilles Gloires dorées (les VGD, les Oldies but Goldies du grand écran, du cinémascope) n'est pas destinée à recueillir mes impressions, mes souvenirs cinématographiques, mais les vôtres. Un commentaire en rapport, même éloigné, voire lointain ? Une chanson telle la fameuse Salsa du Démon (du Grand Orchestre du Splendid,  « Oui, c'est moi Vampirella – Horreur –Malheur à ceux qui ne m'aiment pas – Horreur, Malheur ! – Oui, oui, oui, mon cœur est en fer… ») ? N'allons pas, voulez-vous ? nous laisser réembarquer sur un débat à propos de la fête d'Halloween réimportée en Europe. Quoique… Une recette de caillots au marasquin, peut-être ?

Dracula 2001, film de Patrick Lussier, avec Gerard Butler dans le rôle, n'est pas au genre ce que les derniers OSS 117 sont au film d'espionnage. La surabondance d'effets spéciaux nuit souvent au genre, qui gagne au dépouillement. Je n'ai pas vu non plus le téléfilm britannique de Bill Eagles, Dracula, de 2006.  La série BD des Claudia, chevalier vampire, chez Nickel éditions , me laisse froid. Et je n'ai pas vu Twilight, avec Robert Pattinson et Kristen Stewart, de Catherine Hardwicke d'après le roman de Stephenie Meyer. La Fascination ne joue pas, ou plus. Ce serait, d'après Sonia Sarfati (de Cyberpresse), la rencontre de Roméo avec Juliette sur les Hauts de Hurlevent. Avec du vieux, on refait du neuf, et parfois, les victimes des vampires renaissent. Le genre saura-t-il se renouveler ? D'après vous…