Vers une diffusion en mode broadcast efficace ?

Deux équipes de l’INRIA contribuent à la diffusion de groupe, autrement dit à la diffusion de données vers un grand nombre de destinataires en même temps (broadcast).

Dans certains cas, il est nécessaire d’envoyer un même paquet de données sur Internet à des millions de destinataires. Il est possible de le faire de manière extrêmement économique par le biais d’un seul envoi au niveau de l’émetteur grâce à ce qu’on appelle la diffusion de groupe (ou encore diffusion multipoint, multicast en anglais). Cela intéresse par exemple les éditeurs de logiciels pour informer leurs nombreux clients de la disponibilité d’une nouvelle mise à jour, ou pour avertir des abonnés que tel ou tel nouveau service est accessible. De même, lorsque plusieurs personnes souhaitent communiquer par visio-conférence, un même paquet de données audio ou vidéo doit être adressé à un grand nombre de destinataires.

 

Pour que le coût de diffusion soit réduit au minimum, c’est le réseau lui-même qui doit être capable de dupliquer l’information et de la relayer jusqu’aux destinataires. Il faut que les parties du réseau et les machines des personnes non concernées par la diffusion ne soient pas encombrées par un trafic qui ne les concerne pas. Il faut, en outre, s’assurer que les données parviennent aux récepteurs sans qu’aucune partie de l’information ne soit perdue : ce que les spécialistes appellent la fiabilité de la transmission. Dans le cas d’un envoi à un seul destinataire, cette fiabilité est assurée par un échange bidirectionnel : le destinataire renvoie des messages de contrôle à la source jusqu’à réception complète des données.

De même, pour les diffusions de groupe, pour l’instant, la plupart des protocoles fiables sur Internet, fonctionnent de façon bidirectionnelle. Néanmoins, à grande échelle, pour un grand nombre de destinataires, cette solution n’est pas satisfaisante : elle conduit à gérer une quantité considérable de messages en retour qui inondent la source et le réseau. Dans ce cas, la solution consiste à établir un lien unidirectionnel, sans voie de retour et de définir des mécanismes de contrôle de transmission spécifiques pour assurer la fiabilité.

La solution au transfert fiable de gros fichiers

Pour réfléchir à cette problématique, un groupe de travail baptisé " Diffusion de groupe fiable " (RMT pour Reliable multicast transport) a été créé à l’IETF (International engineering task force), organisme de standardisation des protocoles du réseau Internet. Depuis 2002, des membres du projet de recherche PLANETE y participent.
Ce groupe de travail développe un protocole unidirectionnel, fiable, de diffusion de données à grande échelle, baptisé ALC (Asynchronous layered coding) qui permet d’éviter les problèmes de perte de données : les données sont envoyées de façon redondante, jusqu’à ce que l’utilisateur mette fin à la réception lorsqu’il a reçu la totalité des données.

 

Les chercheurs de l’INRIA, quant à eux, ont participé à l’élaboration d’une solution basée sur le protocole ALC, adaptée au problème spécifique du transfert de fichiers. Baptisée FLUTE (File delivery over unidirectional transport), elle explique comment exploiter au mieux ALC pour fournir un service de diffusion de fichier (en particulier de " gros " fichier). FLUTE définit les mécanismes nécessaires à l’acheminement des fichiers, au transport des méta-données (informations relatives aux données comme le nom, la taille, l’encodage, etc.) et à la mise en place de filtres chez les récepteurs.

Elle a été testée et validée en décembre 2003 avec Nokia et l’université de Tempere en Finlande, puis standardisée par l’IETF (RFC 3926, Request for comment) en octobre 2004. FLUTE est d’ores et déjà un élément clef pour la diffusion de données multimédia sur réseau radio, en cours de standardisation au 3GPP (3rd generation partnership project), organisme qui propose des normes pour les appareils GSM, GPRS et UMTS ainsi que pour la diffusion d’Internet sur des téléphones et autres terminaux portables dans le cadre des normalisations du DVB-H (Digital video broadcasting, handheld), consortium industriel dédié aux standards pour la télévision numérique sur petits écrans en situation de mobilité.

Des protocoles de routage adaptés à la diffusion de groupe

Arbre de routage multicast.Du point de vue du routage, la diffusion de groupe pose des problèmes spécifiques que ce soit pour assurer la qualité de la transmission des données ou optimiser cette transmission. L’équipe ARMOR, à Rennes a proposé depuis 2001 trois protocoles de routage multipoint à l’IETF. Ces protocoles sont compatibles avec les protocoles Internet de transmission de données IPv4 et IPv6. Le premier protocole permet d’obliger les paquets diffusés à passer par un chemin particulier du réseau et ainsi d’éviter les points de congestion (comme les " itinéraires bis " du réseau routier contournent les embouteillages). Le second protocole accélère la distribution des paquets de données aux destinataires en réduisant la charge des équipements du réseau : les équipements du réseau qui sont sur le chemin mais qui ne sont pas concernés par la duplication des paquets à diffuser n’ont pas besoin de traiter ces paquets. Enfin, le troisième protocole s’adresse spécifiquement aux petits groupes. C’est le cas typique des jeux en réseau où le nombre de joueurs par partie peut être faible, mais le nombre de parties simultanées peut être très grand.
 
Cette problématique est également un grand challenge pour l’ensemble des opérateurs mobiles qui souhaitent diffuser des flux vidéos.