Vérité au deçà des Pyrénées, erreur au delà

Les dépêches s'accumulent sur les fils infos. Pensez donc comme la nouvelle doit être importante: "La romancière espagnole Corin Tellado, auteur de romans à l'eau de rose qui se sont vendus à des centaines de millions d'exemplaires, est morte samedi à Gijon, dans le nord de l'Espaqgne, à près de 82 ans." Elle était l'écrivain espagnol (tous sexes confondus, d'où ce "neutre") le plus lu après Cervantes.

A quoi tient la culture! Le plus lu, on connaissait. Don Quichotte, il n'est même pas besoin de l'avoir ouvert pour savoir de quoi il retourne. Mais le deuxième nom sur la liste des plus populaires, Corin Tellado? Elle a pourtant écrit d'immortels chefs-d'oeuvre en si grand nombre que Cervantes, franchement, peut aller se rhabiller. Une vie d'infirmière, Donnant donnant, Tu es sans scrupules, Ma vie m'appartient, Un homme trop beau, Amour et préjugés, tout le monde devrait connaître, non? Amour et préjugés, au fait… Non, non, vous confondez avec Jane Austen, Orgueil et préjugés. Ah! bon…

Pourtant, un petit effort ne s'impose-t-il pas envers cette vieille dame de la littérature espagnole? On lui attribue 4.000 livres, elle en aurait vendu 400 millions (tirage moyen, faites le calcul, 100.000 exemplaires, toutes langues confondues, saluez le comptable!). Et vraiment, vous n'avez jamais lu? Malgré les efforts louables de Livre Press, un éditeur (tout aussi célèbre) qui a publié en français deux douzaines de ses romans en 1981? Malgré le "phénomène socio-culturel" qu'elle représente, selon Mario Vargas Llosa?

Bon, il faut se faire une raison: une chaîne de montagnes vous sépare, vous pensez autrement. Montaigne le remarquait déjà, Pascal en rajoutait en situant précisément la frontière aux Pyrénées. Et Corin Tellado, si lue en Espagne, ne représentera jamais pour les Français qu'une brève notice nécrologique. N'accablons pas le génie de la langue, responsable de tant d'incompréhensions. Mais acceptons simplement l'idée qu'un auteur populaire ici ne le devient pas forcément là-bas.

(Enfin, là-bas et ici, pour le cas qui nous concerne, vous aviez compris. Et vous aviez peut-être même imaginé, avec un peu de perversité, la figure inverse qui pourrait d'ailleurs donner lieu à un concours: quel est l'auteur français le plus populaire qui laisse le reste du monde totalement indifférent? La question mériterait d'être creusée, non?)

2 réflexions sur « Vérité au deçà des Pyrénées, erreur au delà »

  1. 😀 Serait-ce la Barbara Cartland espagnole ? Je n’en ai jamais entendu parler!
    Bonne journée.

  2. C’est probablement le même genre. Sinon que Barbara Cartland est abondamment traduite en français.

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