Quels sont ceux qui vont vivre l’édition française aujourd’hui ? Plon, Flammarion, Gallimard, Fayard, etc. Réponse exacte, mais incomplète : c’est aussi une mosaïque de petites structures qui la font vivre, dans toute sa diversité. Parmi elles, les éditions Veevre, fondées en février 2009 par Clément Hourseau. Entretien avec un éditeur enthousiaste et novateur.

Monsieur Hourseau, bonjour. Tout d’abord, pourriez-vous vous présenter, et nous présenter votre parcours ? 

Bonjour à vous. Je m’appelle Clément Hourseau et j’ai 21 ans. Après avoir passé un bac Economique et Social (ES) en 2005, je suis aujourd’hui étudiant en 3ème année de Gestion à l’Université de Reims Champagne Ardenne. Il y a environ deux ans, j’ai décidé d’écrire mon premier roman, … la suite du secret, qui m’a demandé à peu près huit mois de travail, en parallèle à mes études universitaires, avant d’être terminé. Il m’était déjà arrivé de sentir le besoin d’écrire, en particulier lorsque j’étais encore au collège et au lycée, mais sans jamais aller jusqu’au bout de ma démarche, principalement par manque d’inspiration. Et bien que le français n’ait jamais été l’une de mes matières de prédilection, j’ai tout de même fait ce choix de l’écriture et de l’édition.    

Dans quelles circonstances avez-vous été amené à créer les éditions Veevre ?            

Après avoir écrit mon premier roman, je ne l’ai proposé qu’à un seul éditeur. Non pas par « défiance », mais simplement parce que je n’avais pas envie de rechercher pendant des heures et des heures les éditeurs susceptibles d’être intéressés par mon manuscrit. D’autant plus qu’une fois cette étape franchie, il faut envoyer le manuscrit. Lorsque les éditeurs acceptent l’envoi par email (comme c’est le cas pour les Editions Veevre) cela passe encore. Par contre, lorsqu’il faut faire cet envoi par courrier, cela demande tout de suite des frais importants, que ce soit en papier (mon manuscrit faisait 158 pages), en encre, mais aussi en frais postaux. Les réponses des éditeurs étant souvent négatives, je n’avais pas envie de dépenser des sommes non négligeables et de perdre plusieurs mois, pour au final n’arriver à rien. Quelques jours seulement après avoir envoyé mon manuscrit à cette seule maison d’édition trouvée sur Internet, j’ai finalement décidé de prendre les choses en main et de m’autoéditer. Je pouvais ainsi gérer moi-même l’ensemble des étapes de la production de mon ouvrage. J’ai alors cherché (et trouvé) sur Internet un imprimeur, tout en modernisant mon site Internet, créé quelques mois auparavant. A côté de tout cela, du fait de mes études en Economie/Gestion, j’avais développé l’idée de créer ma propre entreprise. Plusieurs projets, aussi farfelus qu’irréalisables, ont tour à tour germé dans mon esprit, avant que l’idée de créer ma propre maison d’édition ne fasse son apparition. Dans un premier temps je me suis renseigné, grâce à Internet, sur le marché de l’édition, pour finalement constater que ce n’était pas un domaine dans lequel il était facile d’évoluer. Cette constatation m’a quelque peu freiné durant quelques semaines, avant qu’au cours de l’été 2008 l’envie de créer ma maison d’édition ne reprenne le dessus. C’est ainsi que sont nées, en février 2009, les Editions Veevre.   

Quelle est la politique éditoriale qui vous guide dans la sélection des manuscrits soumis à votre maison ? 

La politique éditoriale des Editions Veevre est bien sûr en rapport avec mes centres d’intérêts personnels. Je ne me voyais pas critiquer des manuscrits de genres littéraires qui ne m’attiraient pas.  C’est pourquoi j’ai décidé de ne publier que des ouvrages ayant pour thème le fantastique, la science-fiction, ou encore l’aventure. Mais ayant aussi un intérêt certain pour tout ce qui à trait à l’actualité, j’ai également créé une collection (cf. la collection « Sans Concessions »), dont le premier ouvrage a été « Divorce sans consentement mutuel » de Dominique Dutilloy, également reporter sur Come 4 News. En ce qui concerne la sélection des manuscrits eux-mêmes, il n’y a pas de critères prédéfinis. Une fois reçus, les manuscrits sont transmis à un comité de lecture informel (composé de connaissances et d’amis). Bien sûr, pour être acceptés, il faut que ces manuscrits respectent les genres littéraires publiés par les Editions Veevre et que je vous aie indiqué. Ensuite, la sélection se fait par rapport à l’histoire. Non pas sur le fond, mais sur la forme. Il faut que celle-ci suive une suite logique et plausible, le fantastique ou la science fiction ne pouvant expliquer des situations illogiques. Puis, entre plusieurs histoires qui répondraient favorablement aux « conditions » précédentes, il est évident que celle qui sera choisie sera celle qui aura le plus retenu l’attention des membres du comité de lecture, ainsi que la mienne. Peu importe que l’auteur soit connu ou non, ait déjà publié des ouvrages ou non, seule l’histoire elle-même est prise en compte pour décider ou non d’une publication.     

Quels sont les tirages des ouvrages publiés par les éditions Veevre ? 

Au moment de leur publication, les ouvrages qui sont imprimés aux Editions Veevre sont imprimés à une trentaine d’exemplaires, afin de permettre aux auteurs de bénéficier d’un certain nombre d’exemplaires gratuits, tout en permettant d’en conserver à des fins de promotion, mais aussi de vente. Ensuite, jusqu’à présent, les commandes passées à notre imprimeur étaient d’une dizaine d’exemplaires maximum, afin de conserver quelques stocks tout en limitant les risques de mévente. Mais à partir de ces jours-ci, et vous êtes le premier à en être informé, les Editions Veevre innovent de façon importante. En effet, petit à petit, les ouvrages publiés seront disponibles en version imprimée sur papier 100% recyclé et non chloré, respectant ainsi totalement l’environnement. Afin d’aller jusqu’au bout de cette démarche « naturelle », les ouvrages seront imprimés unité par unité au fur et à mesure des commandes. Depuis ce jour, samedi 1 août, … la suite du secret est ainsi disponible en impression sur papier 100% écologique, sans que cette innovation n’ait de répercussion sur le prix de vente de l’ouvrage.   

Comment se passe la diffusion des ouvrages de votre maison d’édition ? Il est de notoriété que les auteurs et éditeurs indépendants peuvent avoir du mal à trouver leur place face aux grandes maisons d’édition qui ont pignon sur rue. Quelle est votre opinion à ce sujet ?            

Nos ouvrages sont, pour ainsi dire, uniquement disponibles sur la librairie en ligne des Editions Veevre, à savoir le site vosromans.fr. Comme vous l’avez avancé dans votre question, il est vrai qu’il n’est pas évident pour une petite maison d’édition indépendante de trouver leur place face aux grands éditeurs. Cela est essentiellement dû au fait que les grandes maisons d’édition disposent d’un certain « prestige », qui sonne comme une garantie sur les ventes de leurs ouvrages, ce dont ne bénéficient pas les petites structures indépendantes. De plus, sur le plan financier, les grandes maisons d’éditions, qui tirent chaque titre à des milliers d’exemplaires, peuvent se permettre de proposer aux libraires et autres revendeurs des remises de 30 à 40% sur le prix de vente de chaque ouvrage. Aussi, les petits éditeurs, tel que les Editions Veevre, ne peuvent absolument pas se permettre une telle chose. D’ailleurs, l’auteur du Royaume des Amphibes, roman publié aux Editions Veevre au mois de mai dernier, en a fait les frais lorsqu’elle s’est rendue dans une librairie, chez elle, en Belgique. Lorsqu’elle a souhaité déposer quelques exemplaires dans une librairie, disant que la remise accordée était de 20% (ce qui est déjà énorme pour une petite maison d’édition), la libraire a été étonnée de ne pas pouvoir bénéficier d’une remise d’au moins 30 ou 35%, comme cela aurait été le cas avec une grande maison d’édition. Malgré tout, je pense que même les petits éditeurs sont capables de trouver une place. Bien sûr, cela ne se fait pas naturellement. Il faut pour cela savoir se démarquer de la masse. En ce qui concerne les Editions Veevre cette « démarcation » passe par l’innovation. Ainsi, comme je vous l’ai déjà précisé, nos ouvrages seront tous imprimés, d’ici quelques semaines maximum, sur papier 100% recyclé, ce qui est en soit une innovation majeure par rapport à ce qui se fait aujourd’hui dans le monde de l’édition. Mais ce n’est pas tout. Car les Editions Veevre ont procédé, début juillet 2009, au dépôt d’une marque auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI). Cette marque, Editions Verte™ (www.editionverte.fr), ayant pour but de distinguer nos ouvrages publiés de façon écologique. Reste également le projet « Adieu la Terre », dont nous parlerons plus tard, qui visera à l’écriture d’un roman participatif (par des auteurs ne se connaissant pas), et qui est encore quelque chose de très rare, puisque seuls quelques projets de la sorte ont été lancés à travers le monde. C’est à ce prix, en innovant en permanence, qu’il est possible pour une petite maison d’édition de s’installer dans le « paysage de l’édition », sans toutefois ressembler aux grands acteurs du secteur.   

Nombre d’auteurs qui ne parviennent guère à se faire éditer "normalement", font appel à une société spécialisée dans le compte d’auteur, ou ont recours à l’autoédition. Que pensez-vous de ces procédés situés en marge de l’édition traditionnelle ? 

Commençons par l’autoédition. En ce qui me concerne, il s’agit là de la meilleure alternative lorsqu’un auteur  ne parvient pas à trouver d’éditeur « traditionnel ». C’est d’ailleurs de cette façon que j’ai moi-même commencée. C’est, à mon avis, un bon compromis entre contrôle financier et gestion de la publication de l’ouvrage. Ce système permet à l’auteur lui-même de s’investir dans ses propres ouvrages selon ses besoins, mais aussi et surtout selon ses capacités. D’autant plus que les résultats obtenus par les éditeurs à compte d’auteur ne sont pas forcément meilleurs. Ces derniers demandent des centaines, voir des milliers d’euros, afin de façonner un ouvrage (couverture, mise en pages…) et d’en imprimer quelques exemplaires. Un travail qu’un auteur peut faire lui-même à moindre coût. En effet, il suffit à cet auteur de posséder un logiciel de traitement d’image de base, plus un autre de traitement de texte (tel que le logiciel gratuit Open Office), et de quelques heures de travail pour obtenir un résultat équivalent à ce qui ressort d’une édition à compte d’auteur. Avant l’impression il est nécessaire de faire une demande (gratuite) de numéro ISBN auprès de l’AFNIL (Agence Française pour la Numérotation Internationale du Livre – AFNIL.org). Cette démarche obligatoire nécessite de remplir un formulaire et trois à quatre semaines avant d’obtenir en retour le numéro ISBN du livre pour lequel la demande a été faite. Ensuite, il lui faudra chercher sur Internet un imprimeur à « à la demande » (qui imprime à partir d’un très faible nombre d’exemplaires) qui se trouve très rapidement sur les principaux moteurs de recherche. Une fois la recherche faite, il sera nécessaire de prendre un peu de temps pour comparer les différentes offres, avant de pouvoir faire imprimer ses ouvrages. Une fois l’impression effectuée, il faudra à l’auteur procéder au dépôt légal de son ouvrage auprès de la BNF (Bibliothèque Nationale de France). Là encore, il s’agit d’une démarche obligatoire et gratuite, qui pour de petits tirages ne nécessite que l’envoi d’un seul exemplaire. Personnellement, la première commande que j’ai passé lorsque j’étais en autoédition (début 2008) s’est élevée à moins de 100 € pour une dizaine d’exemplaires de mon ouvrage, avec possibilité de faire réimprimer l’ouvrage à l’identique selon les besoins. Prestation qui m’aurait coûté plusieurs centaines d’euros en cas d’édition à compte d’auteur. Il donc, à mon avis, plus intéressant pour un auteur de s’autoéditer plutôt que de payer pour se faire éditer à compte d’auteur, d’autant que les éditeurs à compte d’auteur se contentent bien trop souvent de rendre disponible les ouvrages sur leur propre site, sans autre forme de publicité, laissant le soin à l’auteur d’entreprendre l’ensemble des démarches « publicitaires ». Il arrive même parfois que les auteurs publiés à compte d’auteur doivent payer le prix fort pour récupérer les invendus de « l’éditeur », et ce malgré la somme importante déjà payée pour pouvoir être « publié »…    

Sur votre site Internet, vous avez mis en ligne un très beau plaidoyer pour l’écrivain. Vous dîtes notamment : "L’écrivain est le tout puissant de son oeuvre. C’est lui qui l’écrit, qui la vie et qui lui donne un sens. Il ne le fait pas pour d’éventuels lecteurs, mais pour lui même." Concernant cette dernière remarque, ne pensez-vous pas que l’écrivain écrit aussi pour qu’on le lise ?  Ce qui pourrait expliquer d’ailleurs que certains vont jusqu’à utiliser les procédés alternatifs que j’ai évoqués plus haut…            

Bien sûr que tout auteur souhaite être lu. Mais je pense que les véritables auteurs écrivent tout d’abord pour se faire plaisir. Ecrire un ouvrage, quel que soit son genre, est un véritable travail qui demande des mois de travail, de recherches, d’écriture, d’imagination. Aussi, je ne peux pas imaginer qu’une telle charge puisse être supportée dans le seul et unique but d’avoir des lecteurs. Peut-être est-ce le cas des « grands » écrivains, qui écrivent des ouvrages à tour de bras, sous la pression de « grands » éditeurs. Peut-être est-ce aussi le cas de personnes qui penseraient que l’écriture est un moyen facile de devenir célèbre, et qui écriraient sans passion, sans croire eux-mêmes à ce qu’ils mettent noir sur blanc. Après, que de nombreux auteurs passent par l’autoédition ou encore dépensent des sommes abusives pour être édités à compte d’auteur, signifie selon moi que le monde de l’édition traditionnelle n’est pas en mesure de « prendre en charge » de nombreux ouvrages, qui pourraient tout aussi bien être publiés à compte d’éditeur. Cela a pour cause la frilosité des grandes maisons d’édition à lancer de nouveaux auteurs, mais aussi la faible capacité des petites maisons d’éditions (qui sont bien souvent indépendantes) à compenser les « manquements » des grands groupes.   

Sur votre site Internet, il est fait référence à un projet de roman participatif, intitulé "Adieu la terre". Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet ?            

Le projet « Adieu la Terre » est un projet qui, je l’espère, pourra être lancé à l’automne prochain. Ce projet, actuellement à l’étape de la recherche de partenaires, aura pour objectif l’écriture d’un roman par des internautes venus de tous horizons et qui n’ont, à priori, aucun autre lien entre eux que l’écriture. Au lancement de ce roman participatif, qui est l’une des innovations des Editions Veevre, les participants auront à leur disposition un chapitre introductif, lequel sera la base du futur roman. A partir de là, chaque participant au projet devra s’en inspirer pour imaginer le chapitre suivant. Au terme d’une période de temps préalablement définie, le meilleur second chapitre sera « élu », et annoncera alors une nouvelle période qui permettra l’écriture et la sélection de troisième chapitre. Le roman « Adieu la Terre » sera alors la somme des différents chapitres sélectionnés durant la durée du projet. Concernant le genre littéraire, il s’agira très probablement d’une histoire fantastique et de science fiction, qui se déroulera dans quelques décennies, à une époque très difficile sur le plan environnemental. La durée d’écriture de ce roman n’est pas définie, mais il n’est pas impossible que cela se fasse sur plusieurs années. Au jour d’aujourd’hui, le chapitre introductif est d’ors et déjà écrit dans ses grandes lignes. Il ne reste que quelques modifications à lui apporter pour qu’il ne soit totalement terminé dans une version certainement très proche de celle qui sera dévoilée au lancement du projet.  

Quels sont les prochains livres qui seront édités par votre maison ?            

Pour tout vous dire, pour le moment je n’en ai moi-même pas la moindre idée. Plusieurs manuscrits sont en cours de lecture et rien n’est pour le moment décidé.   

Nous arrivons au terme de cet entretien. Pour conclure, pourriez-vous nous donner votre sentiment sur l’avenir des éditeurs indépendants en France ?           

J’estime que les éditeurs indépendants ont un véritable rôle à jouer dans le monde de l’édition d’aujourd’hui. Il y aura toujours des auteurs de qualité à publier, même si ceux-ci se font « rejeter » par les grandes maisons d’édition.

            Aujourd’hui, le véritable défi des éditeurs indépendants est de parvenir à se faire connaître auprès du public. Comme je vous l’ai déjà dit précédemment, cela passera par des innovations constantes qui permettront aux éditeurs indépendants de se démarquer des grands groupes, plus réticents aux changements.

 

Site Internet : http://www.veevre.fr/