Monseigneur Nunzio Scarano, 61 ans, surnommé au Vatican « Monsignore 500 euros », ou don 500, selon le Corriere della sera, ne se rendra plus en Suisse en jet d’affaires avant fort longtemps. En compagnie d’un intermédiaire financier, Giovanni Carenzio, et d’un agent remercié par les services secrets, Giovanni Maria Zito, il se confessera auprès de la procureur romaine Barbara Callari. En cause, le rapatriement par l’évêque de Salerne de 20 millions d’euros en numéraire tirés sur un compte suisse… et un passé qui remonte à la surface. 

Sa propension à tout régler avec des billets de cinq cents euros lui avait valu le surnom de don 500 au Vatican. Mgr Nunzio Scarano, évêque nominal et fort peu présent dans son diocèse de Salerno-Campagna-Acerno, mais résident habituel de la Domus internationalis Paulus VI à Rome, s’est fait d’abord pincer par le parquet de Salerne pour son rôle de responsable du service de comptabilité analytique de l’administration du patrimoine du Siège apostolique (soit de l’église catholique romaine), l’Apsa.

L’enquête, plus vaste, du parquet romain, porte sur l’Institut des œuvres de religion (IOR), surnommé « la banque du Vatican ». Parmi les récentes affaires de l’IOR, diverses transactions suspectes, révélées l’an passé, laissant soupçonner un blanchiment d’argent mafieux.

Mgr Scarano avait été déchargé de ses fonctions à l’Apsa le mois dernier, et mercredi dernier, il s’est retrouvé escorté par des policiers en compagnie de deux comparses. Il avait contribué à rapatrier en jet environ 20 millions d’euros de Suisse. C’est l’agent Giovanni Maria Zito qui avait été chargé du transfert, à bord d’un avion du gouvernement italien. Mais l’intermédiaire financier Giovanni Carenzio refusa de répartir la somme. Zito n’en réclama pas moins sa commission de porteur de mallettes, soit 400 000 euros, mais ne reçut qu’un chèque de 200 000 de Scarano. Lequel ne parvint pas à dissimuler longtemps cette sortie de fonds.

Mais déjà, en 2009, Scarano avait soustrait 560 000 euros de son compte à l’Apsa, en liquidités, pour solder l’hypothèque de sa résidence locale à Salerne. Pour ce faire, il a sollicité 56 proches, leur versant à chacun 10 000 euros en billets en échange d’autant de chèques du moment, à verser sur un compte bancaire italien. L’argent provenait de donateurs pensant financer de bonnes œuvres dans le diocèse, notamment un établissement de soins ultimes accueillant des agonisants ou mourants (qui auraient pu, à leur tour, se montrer reconnaissants et consentir dons ou héritages en remerciement des soins palliatifs).

L’établissement ne fut jamais érigé mais l’évêque n’aurait, selon ses dires, utilisé que temporairement les fonds à d’autres fins, plus personnelles. L’argent nécessaire pour rembourser les porteurs avait filé en Suisse, et il s’agissait de le rapatrier discrètement.

Dès la mi-juin dernière, le site italien Antimafia avait fourni des détails sur le prélat. Le disant par exemple très proche de la populaire Michelle Hunziker. Il résidait à la Domus de la place Navona la plupart du temps et menait grand train. De même dans son appartement du centre historique de Salerne doté d’une extension de 400 m² qui provenait du patrimoine de l’Instituto delle Suore piccole operaie dei Sacri Cuori (des petites œuvres du Sacré-Cœur), fondé en Calabre mais dont le siège avait été transféré à Rome. L’ensemble avait été cédé à l’évêque en 2001. Lequel en avait fait une résidence de grand luxe. Puis avait monté une société immobilière, la Nuen Srl, détenue par lui à 90 %, avec pour actionnaire majoritaire un entrepreneur d’Alba Adriatica, Enrico Vallese.

L’évêque détient aussi des participations dans deux autres sociétés immobilières, Prima Luce et Effegi, en compagnie de Domenico Scarano, 46 ans, un familier.

La comparution devant le parquet de Rome, ce vendredi, deux jours après les arrestations, a permis au Vatican de peaufiner sa communication et de mettre en avant les volontés de réforme du  pape François. L’évêque se retrouve dans la prison romaine dite la « Reine du Ciel » (Regina Coeli). 

Les deux avocats de l’évêque, Silverio Sica et Franco Coppi, assurent que leur client peut tout expliquer et collabore avec le parquet de Rome. Dès le 15 juin dernier, dans un entretien accordé au quotidien local La Citta di Salerno, le prélat avait protesté de ses bonnes intentions, mais admis d’avoir commis de nombreuses erreurs (tanti errori). « Le Tribunal de Dieu sera plus clément », avait invoqué le prêtre qui fut ordonné sur le tard, en 1987. Auparavant, il était employé par la Deutsche Bank.  Son titre de monseigneur est surtout honorifique.

Ses comparses sont un sous-officier des carabiniers et un intermédiaire financier qui opérait en Suisse et aux Canaries. Il a été auparavant entendu par la police et la justice espagnoles.

La Croix a considéré que le pape François avait suivi personnellement le dossier et que l’Autorité d’information financière du Vatican avait agi promptement. Une commission d’enquête sur l’IOR (dont ne dépendait pas Scarano) a été mise en place voici deux jours, formée de cinq membres, dont le cardinal Jean-Louis Tauran.