L’ancien guérilléro José Mujica, dit Pepe, a remporté les élections présidentielles qui se sont déroulées dimanche passé en Uruguay.

Le nouveau président, âgé de 74 ans, qui rentrera en fonction le 1er mars prochain, a promis de poursuivre la politique du précédent gouvernement qui avait permis à l’Uruguay d’échapper à la récession provoquée par la crise mondiale et avait attiré vers le pays de nouveaux investisseurs.

En promettant de poursuivre la lignée socialiste promulguée par son prédécesseur Tabaré Vázquez, le nouveau mandataire a rassuré les investisseurs qui craignaient que l’ancien guérilléro n’impose à l’Uruguay une politique d’extrême gauche.

José Mujica est en effet un ancien membre du Tupamaro, un Mouvement de libération nationale fondé en 1963 qui devait son nom à l’Indien Túpac Amaru écartelé par les Espagnols le 18 mai 1781 à Cuzco au Pérou après avoir lutté contre la colonisation durant près de quatre longues années.

Si au début, les guérilléros pillaient les entreprises et les banques pour redistribuer nourriture et biens de première nécessité aux plus pauvres, à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix, cette guérilla qui s’était particulièrement renforcée tenta de faire vaciller l’ordre établi en s’attaquant aux arsenaux, aux forces de l’ordre, aux fonctionnaires, en pratiquant le kidnapping et en s’en prenant aux intérêts étrangers, plus particulièrement ceux du Brésil et ceux des États-Unis.

En 1971, les Tupamaros parvinrent à enlever l’ambassadeur de Grande-Bretagne qu’ils ont gardé en captivité pendant huit mois, se faisant ainsi connaître du monde entier.

Mais le coup d’État militaire de juin 1973 mettra fin à leurs aspirations, car l’armée parviendra à tuer 300 guérilléros et en fera prisonnier dix fois plus.

Ces trois mille guérilléros resteront sous les verrous jusqu’au retour du pays à la démocratie et bénéficieront d’une amnistie générale en 1985. À partir de cette date, Tupamaro se reformera, mais comme un parti politique légal qui rejoindra la coalition de gauche du Frente Amplio pour former le Movimiento de Participación Popular.

José Mujica a lui aussi longtemps séjourné sous les verrous (13 ans de 1972 à 1985) avant de finalement être libéré et de rentrer en politique.

En affirmant vouloir poursuivre la politique du gouvernement précédent, le nouveau président élu confirme le pragmatisme et l’éclectisme dont avaient fait preuve les Tupamaros, et prouve bien qu’il place l’intérêt de la Nation au-dessus de tout sentiment politique.

« Chers camarades vous avez livré une bataille et vous l’avez gagnée, mais il n’y a ni vainqueur, ni vaincu, nous avons seulement choisi un gouvernement qui n’est pas détenteur de la Vérité, mais qui aura besoin de vous tous ! », a lancé José Pepe Mujica dès l’annonce de sa victoire à une foule de partisans.

« Nous allons poursuivre la politique actuelle, à moins que de nouvelles circonstances nous forcent à appliquer des mesures distinctes. Historiquement, nous avons toujours été le pays d’Amérique latine qui a le mieux redistribué les richesses, mais du continent qui redistribue le moins » a souligné le nouveau président.

Il a aussi manifesté son désir de renforcer le Mercosur, et a reconnu qu’il admirait beaucoup son homologue brésilien, le président Luiz Inácio Lula da Silva « qui a fait de la négociation permanente le centre de sa politique » plutôt que le Vénézuélien Hugo Chavez qu’il a d’ailleurs critiqué en ces mots : « Je ne m’inspirerai pas du modèle du président Hugo Chavez qui n’est pas vraiment un modèle socialiste, car les résultats de l’expérience dans ce pays sont très différents de ceux qui étaient prévus sur le papier. Je ne cherche pas comme lui à polariser l’attention sur mon pays. J’ai dit à Chavez que ce qu’il développait chez lui ce n’était pas le socialisme, mais beaucoup de bureaucratie. »

Tout en assurant Hugo Chavez de sa "sympathie", José Mujica avait d’ailleurs précisé avant l’élection qu’il n’y aurait en Uruguay ni expropriation ni aucune des sottises commises au Venezuela.

Ainsi, José Pepe Mujica semble se dessiner comme le président des compromis, celui qui choisira ce qui est le mieux pour son peuple sans se soucier de la couleur politique des bonnes idées, prenant garde à ce que tous les historiens ont noté : « Si l’on regarde l’ensemble de l’histoire humaine, force est de constater que tous les extrémismes ont échoué, qu’ils soient de droite ou de gauche. » C’est d’ailleurs le même principe qui régit toutes les lois de la physique et de la chimie, les extrémismes ne tiennent pas, tout système évolue spontanément vers un état d’équilibre.

Sources :

C. Filgueira, « Uruguay : de la transition politique à la consolidation de la démocratie », in Problèmes d’Amérique latine, no 4850, Document. franç., Paris

Mujica se muestra cauto ante los sondeos y Lacalle esperanzado en ganar los comicios, EFE, Madrid, 2009

LATINOAMERICA – Duras criticas contra Chávez, Poder 360, Mexico, 2009

Mujica llegó al gobierno y no al poder, United Press International, 2009

Presidente electo de Uruguay quiere "socialismo moderado", abc digital, 2009

Uruguay : l’ex-guérillero Pepe Mujica favori de la présidentielle, LatinReporter, 2009