Une note discordante

Pour tous les amateurs de musique classique, l’évocation du simple mot Stradivarius les met en pâmoison. Un monstre sacré, une légende musicale, un dieu fait de bois laqué. Les Stradivarius, violons construits par le luthier italien Antonio Stradivari durant la fin de la Renaissance, sont considérés comme le nec plus ultra dans le monde des instruments de musique. Par analogie, on pourrait les comparer à des Ferrari ou des Lamborghini, des bolides quasi inaccessibles pour le commun des mortels. 

 

Cependant, après cette étude, c’est tout son prestige qui s’en retrouve écorné. La chute du mythe se déroule à Indianapolis, Etats-Unis, une chercheuse française, Claudia Fritz, a soumis le célèbre violon à un test. L’expérience réunissait 21 violonistes professionnels, lesquels ont revêtu des lunettes de cécité, afin de rester dans l’ignorance et ne pas savoir sur quel instrument ils allaient jouer. Tous les appareils ont été aspergés d’un masqueur d’odeur. La neutralité totale. Ainsi la vue et l’odeur n’ont pas pu fausser les résultats. 

 

Lors de la première épreuve, les 21 personnes ont dû jouer sur 3 luxueux violons différents construits à notre époque, d’une valeur estimée à 25000 euros, sur un Garneri et sur deux Stradivarius dont le prix tourne autour de 8 millions d’euros. Des violons âgés de plusieurs siècles.  Après avoir pincé les cordes et agité l’archer, on leur a demandé lequel il avait préféré. 

 

La deuxième épreuve était plus simple, deux essais, l’un avec une œuvre d’époque et l’autre avec une création moderne, le but trouver la plus ancienne et la plus illustre. 

 

Après avoir pu analyser, à l’aveugle et sans odorat, la profondeur du son, la subtilité, la projection et encore plusieurs autres aspects techniques, ce fut la gifle pour ces violons pluricentenaires. Seulement 8 joueurs sur les 21 ont réussi à trouver les objets si renommés. A la première question concernant le bolide préféré, roulement de tambour, ce fut…un Stradivarius de 1700. Ouf, l’honneur est sauf. 

 

Ce n’est pas le premier test qui remet en question la réputation des Stradivarius et autres icônes faites de bois, habitées d’une âme. Toutefois, les précédents ont été faits sur des auditeurs et non pas des joueurs les tenant entre les mains. 

 

Séisme, tornade, ouragan, fin du monde dans l’univers des "do","ré","mi", etc. C’est un peu comme si dans le monde de l’œnologie, un grand cru multi millésimé était relégué au rang de vulgaire piquette. 

 

La fin d’un mythe, peut-être, mais c’est également un grand espoir pour les luthiers contemporains. Cela prouve qu’ils peuvent faire des pièces aussi dignes d’estime que ces déités musicales tant convoitées pour leur pureté sonore aux sommes astronomiques. 

 

Un petit bémol vient gâcher l’issue de l’expérience, le temps. Effectivement, la durée des tests n’aurait pas été assez conséquente pour pouvoir goûter toute la subtilité des violons mis sur le banc d’essai. Pour les possesseurs de Stradivarius, ne soyez pas inquiets, vos bijoux ont encore de beaux jours devant eux.

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