Une médecine à deux vitesses ? Cet article, mal choisi pour ce long week end de farniente,  va probablement paraitre provocateur ou choquer certains membres du milieu médical.

Ce n’est pas mon but ; je souhaite simplement faire part d’opinions de malades, tenter le regard extérieur et faire part  de questions que je me suis posée au fur et à mesure de mes rencontres sans pouvoir apporter de solutions, n’étant pas du métier. 

J’ai appris par hasard la semaine dernière au cours d’une conversation banale, le suicide en mars, d’un passionné d’informatique  qui venait aider bénévolement de jeunes adultes à suivre des cours dans le cadre d’un projet de réinsertion. C’était un homme discret, presque banal. Je ne sais rien des « raisons » qui pourraient justifier son geste, ne le connaissant pas.  Je sais seulement qu’il était suivi pour dépression mélancolique.

 Au cours des 6 derniers mois, dans un chef lieu de département de 30 000 habitants du Sud Ouest de la France où parait ‘il, il fait bon vivre, 7 adultes plus ou moins jeunes se sont suicidés qui n’étaient pas incarcérés; l’un d’eux était en HP, et avait fugué pour mourir, les autres étaient simplement suivis pour dépression, abus de drogues ou alcool. Les tentatives de suicide (TS) sont plus nombreuses et moins connues.

Ces chiffres, peut etre anodins, dépassent la moyenne nationale de 13000 suicides et 160.000 TS . La France est en Europe un des pays au taux de suicide le plus élevé (et 2 fois plus important qu’aux Etats Unis , en Angleterre en Italie ou en Allemagne d’après l’Oraganisation Mondiale de la Santé, OMS) ;  c’est pourtant un des pays où on consomme le plus de psychotropes, deux fois plus que dans les autres pays occidentaux. 

J’ai l’occasion de partager  des activités associatives avec d’anciens « toxicos », alcooliques, ou dépressifs chroniques, une population dite à risque.  Ils m’ont tous raconté l’abus de médicaments prescrits aux effets secondaires difficiles à supporter, le manque d’écoute, la perte de confiance dans les soins, le manque de thérapies non médicamenteuses appropriées, les rechutes quasi évidentes à la sortie . 

Leur constat était : on ne les soigne pas, on les maintient en survie. Sans parler de l’isolement dû à la maladie : proches ou anciens amis n’ont pas le temps à consacrer à un dépressif ; ils sapent le moral.  Coté psychiatres,  pas question ou pas le temps de changer une thérapie qui ne marche pas pour une autre plus légère chimiquement à base de psychologie lors d’une consultation mensuelle d’une ½ heure; on remplace une molécule par une autre molécule plus tolérable mais innefficace sur le long terme ; pas les moyens de travailler sur les habitudes, le « comment éviter la rechute ». Cela coute cher; il faut s’adresser à un psychologue  (40 à 80€ les 45 mn non remboursés par la sécurité sociale). Une des seules maladies où les soins non médicamenteux sont totalement à la charge du patient même s’ils sont reconnus ayant une « maladie de longue durée » mais où les médicaments même non efficaces ou néfastes sont pris en charge.

 On anesthésie , on rend le patient amorphe sans enrayer le mal, la souffrance réelle malgré les médicaments, on isole parfois le patient de sa famille, son environnement ; on l’empeche parfois de travailler en lui découvrant un handicap, on supprime ses ressources, ses défenses naturelles mais sans lui fournir d’armes plus appropriées. 

Au bout d’un certain temps, privé d’espoir, certains patients se décident à avaler des cachets en espérant ne pas se retrouver en HP et réussissent leur dernière volonté ! Aurait il vécu à Paris ou dans une autre grande ville, aurait il pu financer des stages de developpement personnel ou une psychothérapie, peut être aurait il pu s’en sortir ?  

Pourtant, les  rémissions existent quand le patient est entouré et l’impact de la famille sur le taux de réussite est très important. Alors, plutôt que de pleurer trop tard pour des morts évitables, pensons aussi que ceux qui souffrent psychiquement, ont le droit de vivre et d’être soignés.