A chaque début d’année, il y a la traditionnelle cérémonie des voeux, mais il y a également celle de la promotion de la Chancellerie de la Légion d’Honneur. Une dernière fournée qui clôt les distinctions de l’année finie. Ce dernier lot de 681 personnes porte le nombre de personnes honorables à 3180 pour l’année 2012, qui eut cru qu’il y avait autant d’individus aux actions émérites tout au long de ces 366 jours écoulés ? Des héros de la Nation dignes de porter les insignes d’une si prestigieuse récompense. A force d’en augmenter le nombre, elle en perd de sa splendeur et de sa spécificité.
A l’origine créée le 19 février 1802 par Napoléon Ier pour distinguer la "bravoure militaire et le mérite civil", nous nous sommes bien éloignés de ces idéaux de base. Nous nous rapprochons plus de la volonté officieuse, celle de fabriquer de nouveaux sujets soumis à un gouvernement. La légion agit comme une carotte au bout d’un bâton et c’est ainsi que l’on mène son monde. Seulement voilà, il n’y a qu’une infime partie des lauréats qui s’en aperçoivent et osent la refuser d’un "non" public franc et massif. Le dernier en date est Jacques Tardi, le papa d’Adèle Blanc-sec. Son motif : il ne veut pas être aliéné et ne souhaite pas ranger au placard sa liberté créatrice, celle qui lui permet de critiquer le refus de la France à vouloir s’excuser d’avoir fait des fusillés pour l’exemple lors de la Grande Guerre.
Il rejoint ainsi la liste des Berlioz, Camus, Brassens, Sartre, Seguin, Ferré, Maupassant, Curie, Bourvil ou encore George Sand, qui s’en est excusée en écrivant une lettre. Rien n’oblige à l’accepter, elle n’est qu’un privilège octroyé par un contingent de récipiendaires nommé pour 3 ans par décret par le Président de la République. Des noms lui sont soumis par les ministres, les élus locaux, des associations ou encore par au moins 50 citoyens réunis dans un même département. Bien sur, en principe, il n’y a pas de place à la surprise car les intéressés sont sondés pour savoir s’ils seraient favorables à la recevoir. Le refus d’être épinglé est souvent le fruit du hasard. Le contingent décident alors qui faire entrer dans la Chancellerie ou bien, qui promouvoir. Actuellement, les derniers membres du contingent ont été sélectionnés par le président Sarkozy. Un distinctions honorifique , mais qui coûte de l’argent à celui à qui on la décerne. Un coût augmentant proportionnellement avec le titre, de ce fait, le simple chevalier devra débourser 174€, l’officier 200€, le commandeur 408€ et la Grande Croix 927€, à cela s’ajoute un droit à verser à la Chancellerie, de 20.28€.
Jetons un oeil aux 680 autres personnes de cette promotion du 1er janvier, qu’y voit-on ? Des personnes respectables méritant leur titre à l’image de la féministe Gisèle Halimi, dont la cause pour laquelle elle se bat nécessite d’être primée. Ensuite,i l y a trois hommes qui ont donné leur vie pour la France, des victimes d’un malade mental dont le cerveau était gangrené par le fanatisme religieux, Mohammed Merah. Continuons avec les sportifs médaillés aux Jeux Olympiques, ceux qui ont fait honneur à la France dans cette compétition internationale ardue, Tony Estanguet ou encore Teddy Rinner. Jusque là, ça va, la remise de la légion est assez justifiée, mais le reste du tableau frise l’absurde. Yvan Gattaz, ancien président du CNPF, ex MEDEF, promu au titre suprême, récompenser l’ancien patron des patrons, n’est-ce pas une conduite paradoxale pour un gouvernement soit disant socialiste ?
Idem avec André Istel, homme d’affaire ayant dirigé Lehman Brothers, Rotchild Bank, l’Investisment Banking Committee, puis Pascal Lamy, Directeur Général de l’OMC, logiquement quand on se dit "ennemi" de la finance, quand on la dresse comme une bête monstrueuse à abattre, on ne la récompense pas. Sur la liste, il y a des noms qui font tache, par exemple Jacques Servier, le grand manitou des laboratoires éponymes, embarqués dans une affaire ayant causée mort d’hommes. Jean Todd ? l’ancien patron de l’écurie de Formule 1, Ferrari, à quoi bon ? Ou bien encore le très démocratique président à vie de l’Azerbaïdjan, Iham Aliev.
Il serait parfois nécessaire que ce soit plutôt le gouvernement qui refuse de décerner une légion d’honneur et non pas que ce soit l’inverse. Cela éviterait des coups d’éclats et des actes de désaveu. Un geste qui redorait le blason de cette médaille, dont l’image est ternie par un sentiment de retour d’ascenseur entre personnes intéressées.