Résumé des deux dernières semaines.

Samedi 15 janvier 2011

Tournée des médias toute la journée ! Super intéressant, il y a moyen de sensibiliser la population, j’en reste persuadée. Avec Sénoussi nous sommes passés à la radio NGATO FM hier soir de 21h30 à 22h. C’était du direct. Nous avons bien rigolé car il ne s’attendait pas à ce qu’on lui mette un casque sur les oreilles et qu’on lui tende le micro. Et oui ! Toi aussi tu fais partie d’Actions Projets maintenant ! Il a dit « Je suis aussi là pour recentrer (ou canaliser je ne sais plus), la bonne énergie de Nathalie » Et heureusement parce qu’il vrai que je pourrais quelque fois me laisser emporter… Preston, le directeur de NGATO FM Radio et ses équipiers ont été les premiers tchadiens du Tchad à faire un don pour notre action. C’est encourageant. 11000 FCFA ont été récoltés. Quand on sait que beaucoup n’ont pas la chance d’avoir 150 Fcfa par jour pour manger, vous pouvez vous rendre compte que cette somme est importante.

Nous avons eu quelques statistiques sur la pauvreté qui règne sur le pays. Selon le rapport concernant le développement humain du pays (2009), les indicateurs sont dans le rouge…

Le pays occupe le 175ème rang sur 193. Pour l’espérance de vie à la naissance, il est 164ème sur 193. Généralement, les tchadiens naissent et meurent à environ 48 ans et demi. 52% de la population n’ont pas accès à l’eau potable et 68,2% des adultes de 15 ans et plus ne savent ni lire ni écrire…

Le seuil de pauvreté est à 396 FCFA (0,61€) par jour. 55% des tchadiens vivent en dessous de ce seuil. Ce qui est hallucinant, c’est l’écart entre les riches et les pauvres. La moyenne des 20% les plus pauvres est de 153 FCFA par jour (0,24€) alors que 20% des plus riches dépensent en moyenne 1105 FCFA par jour (1,70€).

Comme partout dans le monde, la pauvreté est plus profonde et plus alarmante dans les zones rurales.

Les jeunes méritent de se former, de se développer, de s’instruire et de s’épanouir. C’est un fondement essentiel du développement socioéconomique et de la paix dans leur pays.

Un grand projet est en train de se mettre en place ici. Il est appelé Projet Best Business-plan (BBP). Il est initié par la jeune Chambre Economique (JCI Tchad) qui se préoccupe de l’avenir de la jeunesse tchadienne. Faisant sienne la célèbre phrase du Discours inaugural de 1961 de l’ancien Président Américain John F. Kennedy (« Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous plutôt ce que vous, vous pouvez faire pour votre pays. »), la JCI Tchad se propose d’apporter sa contribution à une meilleure prise en charge des besoins de la jeunesse du Tchad. Leur projet est ambitieux et se propose de former 2500 jeunes aux techniques de création et développement des entreprises. A l’issu de cette formation, un concours désignera 3 lauréats qui seront primés et auront une reconnaissance nationale.

 Ils bénéficieront de prix, de financements remboursables, de séminaires de formations etc. Le prix Ecobank a une valeur de 9000000 Fcfa (environ 14000€).

Ce big projet est soutenu par le président IDRISS DEBY ITNO et parrainé par le Ministère en charge de la micro-finance et de la lutte contre la pauvreté. Il y a d’autres partenariats à ce projets mais si je dois commencer à tous les citer, ça va me prendre une page… Alors à tous les jeunes tchadiens qui le peuvent : foncez ! Voilà peut-être une chance de valoriser votre projet !

Dimanche 16/01/2011 : Interview avec radio Arc-En-Ciel (107.7) diffusé ce soir à 19h45 et avec FM Liberté (105.3), diffusé ce soir à 19h et demain matin à 7h. Un article va également paraître demain dans La Voix du Tchad.

A part ça, je suis contrariée car quelqu’un a peur de moi. Je suis obligée de taire le nom de la personne, je ne peux pas vous donner d’indice car je ne veux pas porter préjudice à cette personne mais ça me fait mal au coeur cette peur que je ne trouve pas assez justifiée. J’ai l’impression de passer pour l’antéchrist (j’ai pensé à Véritas qui me l’avait dit un jour). Mon but est d’aider pas de faire peur. Mais peut-on aider quelqu’un qui n’a pas envie d’être aidé ? D’un côté non, mais d’un autre côté, si on voit quelqu’un qui est en train de se noyer, on plonge et on va le sauver non ?

Et bien franchement je ne sais plus… Quelques fois, les peurs peuvent créer des barrages. Moi je dis que la peur est créatrice alors on me demande si je prends ceux qui ont peur pour des beubeux ? Non bien sûr que non.Certaines peurs sont légitimes, peut-être même que toutes les peurs sont légitimes. Mais ne faut-il pas penser à les dépasser à un moment donné ?

Lundi 17/01/2011 : Et bien voilà, c’est encore pire que ce que je pensais. Maintenant, je suis accusée de me prendre pour un messie au féminin ! Tout ça parce que j’ai émis des doutes concernant les peurs de la personne d’hier dont je vous ai parlé. Disons que j’ai trouvé un peu suspect qu’il y est autant de doutes et je me suis demandée s’il n’y avait rien d’autre derrière… Du coup, il paraît que je me sens supérieure aux autres, que je pense détenir la vérité, moi plus que les autres… Ouah ! Je veux bien admettre que je suis ambitieuse, surtout spirituellement. C’est vrai que j’aimerai bien être une superwoman et amener la paix sur la planète. Pourquoi ? Parce que comme beaucoup j’ai envie d’un monde meilleur, c’est tout…

Je fais des constatations, des suppositions car j’envisage toutes les probabilités. Dans ma tête, la machine à statistiques psychologiques se met en place, c’est presque de l’automatisme. J’en parle et paf je suis accusée de juger. Là, c’est un coup à faire un débat philosophique : la constatation, la supposition ou la probabilité sont-elles des jugements ? Bon, j’arrête de me prendre la tête.

… Je ne me suis peut-être pas exprimée comme il le fallait, sinon j’aurai été comprise de suite. Si ça bloque comme ça, c’est que je n’ai pas eu les mots qu’il fallait. Disons que j’ai eu quelques interprétations de situations certainement trop hâtives. Désolée. La prochaine fois, j’attendrais d’avoir plus de preuves avant de dire ce que je pense, j’attendrais d’être sûre de moi… Il y a un proverbe qui dit qu’il faut tourner 7 fois sa langue dans sa bouche avant de parler. Quelques fois je parle trop… snif…

J’ai enfilé ma blouse blanche ce soir ! Ca faisait un petit bout de temps ! La famille de Sénoussi a fait connaissance avec mes talents et ils en sont tous content apparemment ! D’ailleurs, la nouvelle se répand vite puisque ce soir je vais m’occuper de leur électricien qui s’est fait mal aux côtes.

Mardi 18/01/2011 : Rendez-vous avec Manara, nous avons mis au point tous ensemble les statuts de l’association tchadienne qui est en train de se créer. Nous hésitons encore sur le titre. « Agir Hasa ? Demain sur le coeur ? 2 mains sur le coeur ? » Dès que tout est bon, je vous en parlerais plus en détail.

Le soir, nous avons fumé la chicha dehors sous les étoiles, avec des amis de Sénoussi. J’ai joué de l’harmonica. Mais 2 vis se sont barrées pendant le voyage, il faudrait que je le répare.

Mercredi 19/01/2011 : Aujourd’hui, j’ai passé du temps sur mon ordinateur. Je commence à préparer le règlement intérieur de l’association. Pfff, qu’est-ce que c’est compliqué la paperasse…

J’ai vu quelques amis facebookiens qui suivent mon histoire depuis le début. Ca m’a vraiment fait plaisir de les rencontrer. Un ami a réuni d’autres amis chez lui. Ils se sont cotisés et vont ramener 3 sacs de ciments et 10000FCFA. Si tout le monde fait comme eux, alors on va vite avancer.

Ce soir, je suis allée chez Namadé afin d’être prête à 5h demain matin pour prendre le bus afin d’aller enfin découvrir Moundou. Je me suis nourrie de mangue et de banane, huuum, qu’est-ce que les fruits sont bien sucrés au Tchad !

Jeudi 20 au dimanche 23/01/2011 : Le trajet a été long jeudi, bien que dans l’ensemble il est passé vite… Presque 7h de route avec mon sac sur les genoux. Le bus était rempli de monde. Il paraît que c’était un beau bus de voyage… Toutes les valises étaient sur le toit. J’espérais qu’elles n’allaient pas s’envoler, surtout pendant les secousses. La route est goudronnée de N’Djaména jusqu’à Moundou, c’est la seule. Mais il y a pas mal de trous quand même. A un moment, deux gars armés nous ont arrêtés et ont commencé à faire sortir les gens pour les fouiller. J’ai demandé ce qu’il se passait, je n’avait pas envie de subir cette fouille. J’étais déjà prête à jouer à ninja woman, mais c’était juste les hommes, pas les femmes. Pourtant, une femme pourrait aussi cacher des armes… Ils n’ont pas fouillé tout le monde car quelqu’un apparemment à payer le backchich (je ne sais pas si ça s’écrit comme ça).

On a fait une pause au bout de 2h30 pour acheter un peu à manger. Les gens du bus m’ont offert des légumes et du pain et n’ont pas voulu que je paye. Ils m’ont dit que je devais m’habituer à la culture africaine. Ici quand il y a un étranger, on s’en occupe. On a rigolé lors des arrêts pendant le trajet, car à chaque fois que quelqu’un toquait à ma fenêtre, je me demandais ce qu’il y avait. Et on m’a dit : « c’est parce que tu es toute blanche. » J’ai dis : « oui c’est vrai que je fais un peu tâche là. » J’étais la seule blanche dans le bus…

Mais quelle chaleur, je n’en pouvais plus. Et eux se plaignent du froid ! Il y en a qui ont les gants aux mains et le bonnet sur la tête, et même l’anorak ! Carrément ! Il faut dire qu’habituellement, il y a des températures entre 45 et 50°, alors quand il en fait 25-30, c’est le gros hiver pour eux.

Arrivée à Moundou, ouf. Tonton Alio m’attend. Il est rigolo et son rire est communicatif. Il m’a emmené chez lui où j’ai fait connaissance avec sa femme et leurs 6 enfants. Il m’a dit qu’il en avait 20 en tout car il a 4 femmes. Je ne sais pas si c’est vrai car c’est un chrétien et il ne me semble pas avoir entendu dire que les chrétiens pouvaient être polygames. Mais comme c’est un africain, c’est possible. Il faudra que je demande à sa nièce française qui m’a recommandé à lui, elle me le dira.

Ils avaient préparé le poulet. Comme je suis végétarienne, j’ai mangé les pâtes et la salade et je vous assure que je me suis remplie le ventre au point qu’il soit tout gonflé. Malgré cela, eux me disaient que je n’avais rien mangé. J’ai eu un instant l’impression que leur but était de me gaver comme une oie. Et effectivement, tonton Alio m’a dit que je devais prendre 14 kg avant de rentrer en France ! Pitié non ! Ohlala vous vous rendez compte ?! Il y en a qui dise pitié parce qu’ils ont faim et moi je dis pitié parce que j’en ai trop. C’est grave, je me sens coupable d’avoir ce que d’autres n’ont pas…

Ensuite nous sommes allées chez les soeurs à la cathédrale Sam où j’ai logé 2 nuits. Le repas est à 19h et à 20h il n’y a plus d’électricité. Heureusement que tonton Alio m’a ramené une petite lampe chinoise, pour que je puisse au moins me déplacer aux toilettes la nuit. Ne le dîtes pas aux soeurs, ni à personne, mais je vais vous avouer que je suis sortie 2 fois dans la nuit et pas une de plus car ensuite, j’ai fait dans un seau que j’ai nettoyé après… Je dois avoir une petite infection urinaire car quelque chose me brûle… J’espère que ce n’est pas gynécologique. Bon, j’ai mon super savon que j’avais pris en prévention. On verra bien. C’est léger, je ne vais pas commencer à me faire une psychose. Ca c’est parce que j’ai vu un moustique sous mes fesses au moment où je suis allée faire mes besoins et d’un coup, j’ai réalisé que je ne mettais pas d’anti-moustique sur cette partie ! Ben oui, on fait le visage, les mains, les bras et les pieds, toutes les parties découvertes, mais en deux semaines de temps, je n’avais jamais pensé à mettre de l’anti-moustique sur mes fesses ! Lol ! Vous pensez que j’exagère ? Peut-être un peu… mais c’est quand même une partie découverte dans ces moments non ?

Vendredi, j’ai enfin vu la maternité… Elle est construite ! Bon, il y a encore plein de gravier partout, il faut du ciment pour la terminer. Il faut mettre l’électricité, l’arrivée d’eau et puis surtout du matériel médical et du personnel compétent… Il y a une sage-femme diplômée d’Etat mais il n’y a plus de laborantin.

Le centre Emmanuel franchement est super. Il est propre et accueillant, mais il faut regarder les difficultés pour l’améliorer. Il y a un problème de participation financière. Le centre n’arrive toujours pas à s’auto-financer car non seulement les médicaments sont hors de prix, mais en plus il est difficile de garder du personnel quand il est sous payé ou pas payé du tout, et il serait normal que chacun est un salaire.

Ce qui s’ajoute à cela de façon négative, c’est l’inaccessibilité au centre en saison pluvieuse. Le centre est coupé du reste des quartiers trois mois sur douze par les eaux de pluie.

Mais j’ai entendu dire qu’avant un an des canalisations seraient effectives pour permettre l’accès aux routes par les villageois.

En fin d’après-midi, j’ai découvert le cinéma de quartier qu’Eric a mis au point. Eric, c’est le fils de tonton Alio. Sur un petit bout de place, il a peint en blanc un mur. Avec un rétroprojecteur apporté de France ainsi qu’un lecteur DVD et 2 bons hauts-parleurs, il a créé 2 emplois et permet à pleins d’enfants d’être heureux pour seulement 50FCFA, c’est à dire 0,08€, donc accessible à tous. Ils ont fait des bancs de pierre pour que tout le monde puisse s’asseoir. Il y a 2 séances par jour. Quel bonheur pour les petits, j’ai dansé avec eux avant la première projection. Eric, c’est le fils de tonton Alio. Il est super sympa et travaille dans le médico-psycho en France. Il a de bonnes idées pour son pays. Si je le peux, je l’aiderai aussi.

Au soir, je suis retournée chez les soeurs. Nous avons tous dîner ensemble, ces dernières, les prêtres, tonton Alio et Eric. Ce fut très convivial, nous avons bien ri. J’ai raconté quelques miracles de mon chemin. Le prêtre Edmond rêve de faire le chemin de Compostelle. Il était heureux de m’entendre en parler. « Dieu » nous a donné du rab en électricité, presque 1/2h : alleluya criai-je. Tout le monde applaudit en répétant ce mot, et la lumière s’éteignit… Mais nous avons continué un peu à la lampe à pétrole. J’ai massé une soeur qui a le paludisme et qui se tape des migraines affreuses depuis un an et demi. Elle vomit régulièrement et n’est jamais tranquille plus de 2 semaines. Quand j’ai touché son cou, juste sous l’occipital, j’ai pris peur. « Mais qu’est-ce que c’est que ça ? » Un truc tout dur qui m’a fait pensé à un bout d’os égaré ou pire à une tumeur. Et elle avait mal au toucher la pauvre. Je me suis dis : « Là, il n’y a pas photo, c’est la radio ». « Mais il n’y a pas de radiologie ici m’a-t’-on répondu… ». Ok. Plusieurs personnes comptent sur moi, je dois faire quelque chose. J’ai changé un peu ma technique, abracadabra et je m’arrête. Je lui pose quelques questions sur ses antécédents médicaux, je lui réexplique la chose, retouche l’endroit pour lui montrer et… mais où est le truc bizarre ? Je cherche. « Dîtes-moi quand vous avez mal ma soeur. » Je cherche, cherche, cherche encore mais plus rien, et plus de douleur. La soeur se mit à rire et à tourner la tête dans tous les sens. Elle riait et disait qu’elle n’avait plus rien. Oh que je fus contente ! Je partis me laver les mains et j’entendis : « Où est la sorcière aux mains magiques ? J’ai un problème d’ashme -il tousse de façon exagérée- vous pouvez me guérir ? Vous avez fait le prètre à la polio ce matin et maintenant la soeur au paludisme. Et moi vous pouvez me guérir ? » Euh… « Venez me voir au centre Emmanuel, vous serez mieux installé. Pour vous, c’est la tête et le dos, ça vous fera du bien. »

Tout le monde partit vers 21h30. C’est une grande exception pour un endroit religion. Ca change du 20h ! Les soeurs d’habitude mangent seules dans leur coin. Là pour une fois, on s’est tous retrouvés à table.

Ohlala, ça me pique encore vous savez où… J’espère que je ne me suis pas chopée un truc qu’il ne faut pas.

Samedi. Je me lève et vais à la salle au petit déjeuner que je prends avec le prètre Gilbert, un camerounais. Nous discutons. J’en profite pour lui raconter un peu ma vie, puis je lui parle de l’accusation de me prendre pour un messie au féminin. Et bien je vais vous dire, sa réponse m’a soufflé car il m’a dit que je pouvais dire que je l’étais. Il m’a tout d’abord dit que c’était le thème de la prière du matin à l’église (quel hasard…), puis que nul n’était prophète dans son pays. Il m’a ensuite expliqué que Dieu était aussi féminin que masculin. Il m’a dit que les entrailles de Dieu étaient féminines car Il a créé la vie comme la femme l’a créée… Ma vie n’est pas un hasard et je suis là pour en témoigner, et tant pis pour ceux que cela dérangent. Point. Non encore un truc. Je ne suis pas parfaite et je n’ai pas la prétention de l’être. Mais j’aimerai bien le devenir. Le chemin est long et ce n’est pas facile, mais OUI, j’ai cette ambition. Est-ce un mal ? Je ne pense pas. C’est sûr, j’en suis encore loin et peut-être que je n’y arriverai jamais. Mais au moins j’essaye et ça on ne pourra pas me reprocher le contraire. Est-ce que les prophètes cités dans les livres sacrés étaient parfait ? Ca m’étonnerait. Même Jésus s’énervait parfois. Si, si, quand il a chassé les pharisiens du temple parce qu’ils faisaient leur commerce dans la maison de Dieu . Il les a battu. Et qu’il ait eu raison ou tort selon les opinions de tout un chacun, en attendant, ce n’est pas avec les mots et la douceur qu’il a pu faire comprendre les choses à ce moment, donc il n’était pas parfait. Mohammed non plus, lui aussi a eu quelques pensées violentes. Mais qu’est-ce que la perfection ?

Soupirs… C’est dur de devenir sage…

je découvre la maison de soeur Agnès où ils y vivent à 15 ! On peut dire une chose, c’est que la solidarité africaine est unique au monde. Je n’ai jamais vu cela en France. Certaines familles laisseraient crever les leurs dehors. On peut demander aux nôtres le secours pour un repas ou l’hébergement d’une nuit, et le nôtre peut nous envoyer paître parce que cela fait 10 ans qu’il ne nous a pas vu. Ici en Afrique, si la famille ne vous a pas vu depuis plusieurs mois, ils vont tuer le mouton. Mais si ça fait 10 ans qu’elle ne vous a pas vu, c’est le boeuf qu’ils vont aller chercher ! Ils vont faire la fête pour ce qu’ils considèreront comme un événement ! Ah non, dans notre culture blanche, nous n’avons pas le même sens de l’hospitalité…

Bon, avant de me laisser trop vite emporter par la négativité, je me rattrape un peu en précisant qu’il ne faut pas mettre tous les blancs dans le même sac. J’ai failli oublier tous les humains rencontrés sur mon chemin. Combien ont eu le coeur de me nourrir et de m’héberger ? Au moins 1 par jour et ce, chaque jour de mon pèlerinage !

…Vous savez quoi ? J’ai pu me laver avec de l’eau chaude ! Oh le pied ! Agnès a fait chauffer toute une bassine. Ah si j’avais pu me plier en 10 pour me mettre dedans ! C’est quand même agréable l’eau chaude…

Mes picotements/brûlures sont toujours là. J’avoue que je n’aimerai pas avoir une infection ici. Sans traitement adéquat, avec la chaleur, je… J’en ai parlé à soeur Agnès, elle est infirmière. Elle va faire une petite analyse d’urine lundi pour vérifier juste au cas où. J’ai peut-être fait l’erreur de m’asseoir là où il ne fallait pas. Même en passant un coup de papier dessus, ce n’est pas suffisant. La poussière retombe trop vite. Je comprends pourquoi de nombreuses personnes continuent avec le système à la toilette turc (le trou dans le sol et pas le wc comme nous avons en Europe), c’est plus hygiénique vue la situation épidémique de l’Afrique. Pourtant, j’aurai dû le savoir, mais comme d’habitude, je me prends toujours pour plus forte que ce que je ne suis…

Soeur Agnès m’a offert un beau tissu brun et or, elle veut me faire une belle robe, ou un ensemble jupe. Je vais bientôt ressembler à une africaine ! Le soir, après le repas et avant d’aller se coucher, tout le monde fait une prière en chantant. J’ai trouvé cela très mélodieux et même apaisant. 15 voix en choeur, ce n’est pas rien. J’ai quand même de la chance de vivre tous ces moments.

Dimanche, malgré les nombreuses fois où je me suis levée la nuit, j’ai dormi jusqu’à 9h passé… Ca m’a fait du bien, ça faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé.

Blablabla, blablabla.

Je remarque que j’ai n’ai quasiment plus de brûlure là où vous savez. Est-ce Agnès qui a prié pour moi ? Il faudra que je lui pose la question, lol. Mais je pense que c’est peut-être une histoire de sècheresse et d’humidité. Nous les occidentaux avons l’habitude de nous essuyer avec du papier. Depuis que je suis au Tchad, j’ai souvent utilisé de l’eau pour me nettoyer après mes besoins. Mais je me rhabille toujours humide alors peut-être que ça ne m’a pas été propice… Là ça fait 2 jours que je n’utilise que du papier et ça va mieux. Bon ce sont des détails qui ne regardent personne mais je suis sûre que je ne suis pas la seule à qui ça doit arriver alors en en parlant, on peut comprendre le pourquoi du comment. Enfin bref… passons à autre chose…

J’ai pilé du mil cet après-midi, je me suis fait les biceps, j’ai fait rire les filles. A deux au dessus du pot, chacune un grand bout de bois dans les mains et on y va ! Yeah ! Allez les filles !

Vers 16h, c’était réunion dans le jardin avec les femmes de l’Afsoudes, l’association féminine de soutien au développement social. J’ai raconté mon histoire, parlé de mes projets, de mes ambitions et de ce qu’elles pouvaient faire pour m’aider à les aider. J’ai proposé un « deal ». Si je leur donne un coup de main pour avoir la machine à extraire l’huile des cacahuètes et le truc pour tout transporter, elles vont faire une économie de 500fcfa par jour m’ont-elles dit. Aussi elles peuvent prendre 100fcfa chaque jour et les reverser à leur association afin d’aider d’autres femmes à créer leur petit commerce. Idem pour celle qui a besoin d’une machine à coudre. Ok, si on te la trouve, alors tu reverseras un pourcentage à l’association qui pourra offrir par la suite une autre machine à une autre personne et ainsi de suite… Elles ont une semaine pour me mettre leur projet par écrit.

J’ai des idées, j’ai des idées j’ai des idées ! Pleins ! Tout est possible j’en suis sûre, tout est possible !

Nous étions une petite vingtaine assise dans le jardin ou plutôt dans le sable… Avec sœur Agnès, nous les avons raccompagner en dansant et chantant, je ne vous dis pas le grabuge, tout Moundou a du nous entendre !

Lundi 24/01/2011 : Je ne suis pas sûre d’avoir grand chose à vous dire… J’ai le palu… Franchement, avoir été vacciné de tous les côtés pour attraper ça c’est grave ! Le docteur de l’hôpital militaire n’a pas assuré, mais alors pas du tout. Il m’a viré le médoc (Savarine) que m’avait donné mon docteur en me disant que tout le monde savait qu’il n’était plus efficace dans 75% des cas. Et il m’a mis le sien (Doxyciline) qui lui ne m’a même pas immunisé 1 seule journée… Comme il faut 2 semaines au paludisme pour se déclencher, j’ai dû me faire piquer dès mon arrivée à N’Djaména.

Tout a commencé au petit matin. D’emblée, dès le réveil : diarrhée. Bon, je ne m’inquiète pas, le changement de climat, de température, de nourriture, ça peut arriver. 1/2h après ça recommence…

Par précaution, sœur Agnès me prend un échantillon d’urine et me fait une analyse de sang. Quand je dis qu’elle me prend, je veux dire que je lui en ai donné un peu dans un récipient, lol, vous m’avez bien comprise je pense…

Puis nous partons en voiture pour aller visiter les écoles de Kana. Tonton Alio a la gentillesse suprême d’avoir mis à ma disposition un chauffeur et sa voiture pour toute les fois où j’en ai besoin. Je ne veux pas abuser mais là, quand sœur Agnès m’a dit qu’on allait y aller en mobylette, vu comment je me sentais, j’en ai profité.

Et ça a été dur… D’abord de voir l’état de délabrement des bâtiments… Une des toitures menace de s’effondrer. C’est clair, à tout moment le toit peut tomber sur la tête des enfants. Et ça arrivera c’est sûr ! Il est impératif de faire une nouvelle toiture, c’est une urgence sans quoi il risque d’y avoir des morts ! Pour les salles de classe en paille, ce n’est pas un soucis, si ça tombe, ça ne fera pas grand mal, mais bon, ce n’est quand même pas l’idéal, il faut l’avouer…

On continue la visite, il y a pas loin de 1000 élèves à voir, et ils attendent tous d’être visités… D’ailleurs, c’est rigolo car ils quittent leur classe pour nous suivre « en cachette » et nous regarder et le directeur qui leur crie : « retourner en classe ! », et les enfants qui partent dans tous les sens en courant pour que 5 mn après on les revoie à nouveau nous suivre pour voir « l’étrangère ». Il y en a qui n’ont jamais vu de blanc…

Oh que c’est mignon, ils me chantent une chanson ! Et qu’est-ce qu’ils sont polis !

… Ohlala ! Ohlalalala ! Je regarde sœur Agnès du coin de l’œil et je lui souffle : « Là je ne vais pas tenir, il faut que j’y aille… » Vite ! Des toilettes ! Oh punaise ! Je dois trouver un coin de brousse pour me cacher, ça uuuurge ! Il n’y a même pas un arbre suffisamment gros pour que je me cache ! Ah non je ne peux pas faire devant tout le monde et si j’essaye de me planquer les enfants vont me suivre… Le directeur a pitié et me dit que je peux utiliser ses toilettes. Il m’emmène à sa case où je peux me cacher entre deux murs. Il y a un trou exprès pour ça. Merci… Ah mais… ! Aaaargh ! Quelle odeur ! L’horreur ! Ca va me faire vomiiir ! Il y a pleins de mouches ! Je n’ai pas le choix, ça va sortir…

J’en ai mis partout. Désolée, pas eu le temps de viser droit… J’ai mal au ventre. Je cherche de l’eau. Un puit pour 1000 personnes. On me ramène un peu d’eau. Je me lave les mains avec un peu de lessive qu’on me donne et je balance le peu d’eau que j’ai comme je peux pour effacer mes traces… Rigolez pas, c’est pas rigolo, lol !

Soeur Agnès voulait que l’on pousse jusqu’à Deli mais propose que l’on rentre plus tôt à la maison. Ce n’est qu’à 3 km de Kana, mais si on doit visiter et parler et tout et tout je ne vais pas tenir. J’ai déjà envie de retourner aux toilettes mais là non, l’odeur du trou est insoutenanble, c’est un coup à me rendre deux fois plus malade…

Nous rentrons. 27 km à tenir. Concentration. Bon, je ne vais pas vous faire un dessin, ça n’a pas arrêté. A midi, résultats de la prise de sang, noté au stylo sur un bout de papier. Bonne nouvelle, je n’ai pas la tiphoïde. Par contre le paludisme est là et bien présent. Comme il se déclenche 10 à 15 jours après avoir été piqué, c’est sûr, je l’ai eu dès mon arrivée au Tchad. Je n’étais pas immunisée en fait.

J’ai passé toute mon après-midi au lit… et sur les toilettes, enfin plutôt : et au dessus du trou…

Alors que je dormais, j’ai entendu des cris qui m’ont fait me lever. Les élèves du lycée étaient dans les rues et cassaient tous sur leur passage car le gouvernement avaient oublié beaucoup d’étudiants dans la liste du passage au bac. Quelques jeunes filles paniquées sont entrées dans la maison pour se protéger de ce mouvement qui les emportait malgré elles. Ceux là ont décidé de ne pas accepter et d’aller jusqu’à l’université faire le « bordel ». Ca a fonctionné car l’état a lancé l’appel que tous les élèves « oubliés » devaient se présenter là où ils pourraient être réintégrés à la liste.

Mardi 25/01/2011 : Je vais mieux. Fatiguée mais je vais mieux : Alleluya ! Je suis vraiment une chanceuse. Ici, les gens n’en reviennent pas que je sois debout. Moi pas vraiment car je sais que je me remets vite, mais ce n’est pas le cas pour de nombreuses personnes. J’en ai vu des malades alités, sous perfusion à cause de cette maladie. C’est le premier taux de mortalité ici au Tchad.

« Il est dû à des parasites transmis à l’homme par des piqûres de moustiques infectés. En 2008, on a enregistré 247 millions de cas de paludisme qui ont causé près d’un million de décès – principalement chez des enfants vivant en Afrique. En Afrique, un enfant meurt toutes les 45 secondes du paludisme et cette maladie est à l’origine de près de 20% de l’ensemble des décès d’enfants.

Le paludisme est dû à des parasites du genre Plasmodium transmis d’une personne à l’autre par des piqûres de moustiques Anopheles infectés, appelés «vecteurs du paludisme», qui piquent principalement entre le crépuscule et le petit matin.

Le paludisme est une maladie caractérisée par des épisodes fébriles aigus. Les symptômes apparaissent au bout de sept jours ou plus (généralement 10 à 15 jours) après la piqûre de moustique infectante. Les premiers symptômes – fièvre, maux de tête, frissons et vomissements – peuvent être modérés et difficiles à attribuer au paludisme. S’il n’est pas traité dans les 24 heures, le paludisme à P. falciparum peut évoluer vers une affection sévère souvent mortelle. » (wikipédia)

J’ai été mise sous « quinine » immédiatement et cela a fait son effet.

Comme hier, alors que je faisais la sieste, j’ai été réveillé par des cris. J’ai fini par me lever et par regarder. Des gens couraient dans tous les sens. Je sentais la colère. Quand je vis un homme les mains croisées derrière la tête, à genoux, se faire taper de tous les côtés. Je sortis de ma chambre en courant, prête à aller aider le pauvre bougre, seul face à au moins cinquante personnes. J’expliquais la chose à sœur Agnès qui vint avec moi. Le temps que l’on face le tour du bâtiment et les gens avaient embarqué l’homme. Celui-ci était entré un peu plutôt dans la maison d’une famille pour y fendre la tête d’un homme à coup de machette… Puis il s’est sauvé en courant mais a vite été rattrapé par la population qui en a fait une affaire personnelle. Pour le malheureux agressé, les siens lui ont « refermé » le cerveau en deux en le fixant avec un foulard et l’ont mis sur une mobylette entre le chauffeur et un autre derrière, pour l’emmener à l’hôpital… Je pense qu’il est mort. Je me suis demandée si le coup avait été donné juste au milieu des hémisphères, là où le liquide céphalo-rachidien circule, s’il avait une chance de survie, mais non…

Ouaah, et bien en tout cas, je ne sais pas ce qu’avait fait le décédé pour entrainé la folie de l’agresseur, mais ici, ils n’attendent pas la police pour régler leur problème. Ça m’a fait penser à une amie d’enfance qui m’avait envoyé il y a quelque temps, une vidéo d’un homme en train de se faire décapiter avec lenteur et agonie… Brrr, je n’aimerai pas être leur cible.

Ici, ou on m’aime, ou on m’évite. Il y en a qui ont peur de moi car pour eux, je suis un fantôme… Beaucoup n’ont jamais vu de blanc de leur vie.

Mercredi 26 et jeudi 27/01/2011: Je suis allée travailler au centre. J’y ai fait quelques massages de tête, ce qui est ma spécialité. J’ai aidé un homme a diminuer sa fièvre, il avait 40,5°. On ne savait pas s’il avait la tuberculose ou pas, il crache du sang. J’ai vu un bébé malnutri, dont la peau du visage et des fesses avait blanchi et était si asséchée qu’il en faisait de l’œdème. J’ai vu une femme au sein œdémateux, qui avait peur de l’incision qui allait permettre d’évacuer l’infection. J’ai réussi à lui obtenir un rab de 24h en proposant de faire quelque chose… Le lendemain, elle revenait et on lui faisait juste une compresse d’alcool, car il y avait du mieux… J’ai fait rire le personnel et le malade car j’ai joué un peu à ninja woman en montrant quelques techniques en art martial. Aucun homme n’a accepté de m’attaquer…

Allez, la suite au prochain épisode !