Un monde de brutes…

J’ai ressenti un drôle de truc à la vue de cette photo. Ou plutôt un cocktail de sentiments oscillant de la gêne, à la révolte, en passant par un sentiment d’impuissance, et, aussi un peu, de culpabilité.

Culpabilité d’être un homme, de l’espèce même de l’animal capable de créer de telle situation, de faire le malheur de son prochain. Cette photo pourrait représenter une scène du passé, d’il y a quelques siècles, voire même de l’antiquité. Elle n’est qu’un instantané de notre époque.

Que voyez-vous dans cette image ? La misère, la violence, le désespoir, l’oppression. La misère qui pousse ces enfants, parfois vendus par leurs parents même, dès leur plus jeune âge, à travailler dans des conditions pénibles, privés de la perspective de recevoir une éducation pour échapper à ce destin. Privés de la chance de pouvoir se construire de manière équilibrée. De la vie, ils ne vont connaître que l’esclavage, ils seront tour à tour, souffre-douleur, jouet, outil d’un monde adulte sans pitié. Et, à leur tour, parvenu à l’âge adulte, bourreaux.

La violence, le désespoir,  car que peut  apprendre un enfant dans ces conditions, si ce n’est que la seule loi est celle du plus fort, de celui qui possède, qui a le pouvoir.

Face à des adultes, souvent d’ailleurs encouragés par la tradition à utiliser l’enfant comme un objet et qui n’ont eux-mêmes  connus que la dureté de la misère, comment un enfant peut-il espérer se construire dans un tel contexte ? Si ce n’est, pour les plus chanceux, les plus coriaces, la perspective de devenir  eux-mêmes aussi brutaux que les adultes qui les utilisent, faisant perdurer ainsi un cercle infernal et sordide où l’exploitation de l’autre semble être la seule issue. Quant aux plus faibles, brisés à force d’être enchaînés plus de dix heures par jour à l’ouvrage, abrutis de fatigue, que peuvent-ils espérer ?

Dans les yeux de cette petite fille sale, tenant ses outils à la main, nous voyons une vérité toute nue, difficile à supporter, qui est que derrière l’orgueil qui nous habite d’être l’Homme, capable d’envoyer des fusées dans l’espace, se vantant dans ses saintes écritures d’être la créature de Dieu, qui communique à la vitesse de l’éclair par internet, derrière les beaux discours qu’on nous envoie sans cesse, se cache un être qui ne construit son bonheur que sur le malheur des autres. Comme les autres animaux, me direz-vous. Sauf que, nous sommes censés être intelligents et conscients.