Un éléphant roi, ça existe dans les dessins animés, vêtu de vert, régnant sur sa cour et son royaume de Célesteville en toute sérénité, il a fait le bonheur de millions d’enfants.  En général, ce noble animal traîne sa carrure impressionnante à travers la savane d’un pas nonchalant, balançant sa trompe de droite à gauche, menant une vie calme et paisible quand les prédateurs, lions, guépards, léopards, gros chats en tout genre, ne viennent pas l’embêter pour remplir leur panse affamée.

Toutefois, les éléphants devraient se méfier d’un autre chasseur beaucoup plus redoutable, l’Homme.

Juan Carlos, roi d’Espagne, monarque d’un pays pris en étau par une dette abyssale et progressivement de plus en plus profonde, possède une bonne image de marque. Il a permis à l’Etat ibérique de sortir d’une période sombre marquée par le franquisme, des années de dictature où l’arbitraire prenait le pas sur la loi, des décennies de crispations sociales. Le caudillo voyait en lui son successeur parfait, il le nomma prince d’Espagne et chef des forces armées de son vivant. Il espérait qu’il continuerait de mener sa politique tyrannique. Quand Franco passa l’arme à gauche, Juan Carlos surprit tous les franquistes en entérinant des réformes démocratiques.

Cependant le monarque a beaucoup déçu ces derniers jours.  Rapatrié de force pour une fracture de la hanche, opéré de suite, il est hors de danger, les maniaques du gotha ne doivent pas s’alarmer, les médecins et les journalistes ont voulu en savoir plus sur l’origine de cette blessure.

L’accident s’est passé le 12 avril, au Botswana, un pays d’Afrique où les personnes fortunées peuvent, en échange d’une coquette somme, chasser le pachyderme. Chasser est un bien grand mot dans ce contexte, loin de traquer l’animal, suer en angoissant une quelconque charge pouvant dépasser le 60km/h, les organisateurs préparent "l’amusement" mettant,  l’animal abasourdi par des médicaments, à genoux devant ces trappeurs du dimanche pour qu’ils puissent lui coller une balle dans la tête à bout portant.

Le coût de ces petites vacances, 45.000 euros, le tout, aux frais de l’Etat dont les caisses se tarissent de jour en jour. Un séjour privé pour s’adonner à un loisir exécrable tandis que de millions d’ibères souffrent en silence à cause de plans d’austérité adoptés par un nouveau gouvernement à l’efficacité discutable. D’autant plus que ce n’est pas la première fois que le roi se défoule sur ces géants à la peau dure. Des photos, datant de 2006, du monarque posant aux côtés de dépouilles, ont fait grand bruit. Au contraire, la famille royale reste mutique et n’a manifesté qu’une timide excuse et du regret. Une nouvelle histoire enfonçant le clou pour la famille Bourbon des Deux-Siciles, après les soupçons de corruption du gendre  et l’accident d’arme à feu de son petit fils aîné. Les médias s’en donnent à cœur joie pour fustiger l’attitude du roi, tout en évitant de commettre le crime de lèse-majesté, et remettent sur le devant de la scène la question de la succession. Serait-il l’heure pour Juan Carlos alors âgé de 74 ans de passer le relai à son fils Felipe ? L’accident africain aurait pu passer inaperçu si sa hanche ne s’était pas fracturée, un mal pour un bien en quelque sorte. On aura ainsi pu faire la lumière sur ses amusements coupables et hautement plus incriminable quand on est président d’honneur de la WWF. L’association de protection de la nature et des animaux dont l’un des sujets sensibles est la lutte contre la commercialisation illégale de l’ivoire des éléphants. Un marché en pleine expansion au Moyen-Orient et en Chine où le kilo se vend à plus de 10.000 euros. Sachant qu’une défense peut peser entre 1 à 10 kg, le calcul est vite fait.

 

 

La population des éléphants s’écroule, avant la colonisation, soit un peu plus d’un siècle, il y avait 6 millions d’éléphants répartis entre l’Asie et l’Afrique, de nos jours, on en dénombre plus que 300.000 en Afrique et 30.000 en Asie.



On dit que les éléphants ont une bonne mémoire, les humains aussi. On se souviendra de Juan Carlos comme étant celui qui a apporté à l’Espagne un vent de démocratie et de libertés sociales, mais on n’oubliera pas qu’il a rapporté au pays des trophées de chasse issus d’une pratique interdite et meurtrière.