Les neuf du Bagad de la 9e brigade légère blindée de marine ont inauguré le salon du livre de Paris. Formée, en 1999, de marsouins (fantassins des RIMa) et de bigors (artilleurs des RAMa), mais aussi de sapeurs du Génie (Sixième RG d’Angers) cette BLBMa est dite « du Grand Ouest » puisque ses unités se répartissent entre Limoges et Vannes. Son bagad, qui sonne traditionnellement les commémorations de Bazeilles (le « Camerone » des troupes de l’ex-Coloniale, pour résumer), maîtrise l’un des plus vastes répertoires traditionnels bretons et celtiques.

Si le salon du livre de Vannes est habituellement inauguré par le bagad vannetais, on n’attendait pas un keveren ou un bagad pour l’inauguration, en nocturne jeudi soir, du salon de Paris. Mais, pour cette « année des littératures d’outre-mer », réunissant des participants venus de Saint-Pierre et Miquelon, de La Réunion, de Polynésie et bien sûr d’Afrique, quoi de plus logique ?

Je ne sais si je bouderai cette année le salon (une première pour moi depuis l’époque du Grand Palais), me contentant ou non de cette nocturne inaugurale, mais si j’apprends que le bagad de la neuvième se produisait tous les soirs, c’est dit, j’y retourne.

Je n’ai ramené que L’Art de vivre au maximum avec le minimum (de l’énigmatique G.R. Geyer, aux éds Indigène) et le tout frais De l’égarement à travers les livres, de l’ami Éric Poindron (au Castor astral). Ce n’est pas « maigre » en soi, mais comparativement aux années précédents, très léger. Si j’ai pu trouver le temps de saluer Charles Duchêne (stand C13), dont je ne vous reparlerai plus de son Selon que vous soyez puissant ou misérable, surpris la main au Pannier (excellent champagne), d’arriver enfin à trouver Ariane Fasquelle sur le stand Grasset (c’est, pour moi, l’Arlésienne de ces salons), et bien sûr de m’attarder au stand régional de la Bourgogne (et, de fait, de la Champagne Ardennes, avec l’ami Lecomte, pas Jean-François Lecompte, autre ami et auteur désormais bourguignon, mais Jean-Marie, des éds Noires Terres), j’ai « raté » ma nocturne. Pour cause : je suis resté littéralement « scotché » devant le podium après avoir perçu, d’assez loin, sonner.

La bombarde s’entend, de nuit, sur nos landes, à des kilomètres à la ronde. Six sonneurs (deux binious, quatre bombardes), trois tambours pour ce bagad. Même avec le brouhaha du salon, difficile de ne pas percevoir, d’où qu’on se trouve, les airs bretons. J’avais d’abord pensé qu’un éditeur musical, du coin du stand de la Bretagne, avait passé un CD. Mais dès le podium aperçu, j’étais pris, captif, jusqu’à l’annonce de la fermeture du salon. Merci encore à cette splendide formation.

Pour qui ne connait pas ce que représente un tel concert, disons simplement que sonner si longtemps en enchaînant si peu est véritablement épuisant. Pour qui considère que la musique militaire est ce qu’on en dit, signalons que la musique de la Garde, par exemple, attire encore sous l’uniforme d’excellents instrumentistes (du temps du service national, tout conscrit primé d’un conservatoire aurait tout tenté pour la rejoindre). Quant à la musique celtique que l’on sonne, hormis peut-être l’irlandaise (assagie de force par l’occupant anglais), elle est toute, celle à danser incluse, un peu militaire (et réciproquement, allais-je écrire). Cock O’ the North, la marche des Gordon et des Cape Town Higlanders, est aussi parfois intitulée Auntie Mary Had a Canary, c’est dire… Je ne sais ce que sonnait l’Écossais de Cassino (1944, Italie), mais ce n’était certainement pas que de la musique régimentaire. On dit – on exagère à peine –, qu’un sonneur vaut bien, en appui d’infanterie, un régiment de chars. En tout cas, lord Lovat, un Écossais, au mépris des ordres (l’armée britannique, depuis la Grande Guerre, n’autorisait plus les sonneurs à mener les charges, ce qui fut aussi enfreint à Cassino par d’autres officiers), chargeait avec son sonneur à ses côtés : ses troupes ont beaucoup dû à Billy Millin, leur piper, sur les plages de Normandie et par la suite.

56 officiers et militaires de la neuvième sont actuellement en Kapisa (Afghanistan). Souhaitons-leur à tous, quoi qu’on pense de ce conflit, un retour en musique.