Un avortement sans fin

Mon corps se transforme, mes seins gonflés et douloureux présagent d’un changement dans mon corps, et puis ces nausées en latence prêtes à se déclarer dès que je mange trop, dès que je bois de l’alcool …je suis fatiguée, éloignée de ma famille en cette période de Noël, accueillie par la famille d’une amie …et puis toute cette " bouffe ", ces rires, ces bruits exacerbés insupportables…

J’ai envie de pleurer, de respirer, de dormir sans me réveiller, de m’isoler …

Je me sens mal, j’étouffe, je n’ai pas le coeur en fête… ça me fait peur !

Quelques semaines se passent , le mal être est toujours là, les règles ont disparues.

Je ne veux rien en penser, en entendre, en comprendre !

je ne veux rien sentir, ressentir, pressentir !

Juste pleurer et dormir …

Ma tante de qui je suis le plus proche … elle est là, comme toujours, elle sait, comme toujours, là où je ne suis pas , là où je ne sais pas, là où je ne veux pas savoir … le test vient confirmer ce que je sais que je ne veux pas savoir … je m’écroule.

Ne rien dire à personne d’autres qu’à des personnes aimantes, bienveillantes et sans jugement … j’en ai assez de mon propre jugement, de ma culpabilité …

Le père ? Qui ? Ah, le père ! Il entend, il dit l’avoir déjà vécu avec une autre de ses maitresses qui a elle aussi avorté… Car je vais avorter bien sûr, impensable d’accueillir un enfant non désiré et avec ce père là …

Je ne suis que honte et désespérance … C’est décidé, irrévocablement, j’avorte.

Je parle, je lâche la honte, la culpabilité, je me réconcilie avec moi, avec la vie, avec ce qui a décidé que je soit enceinte, au delà de moi et de ma conscience … Qu’il en soit ainsi.

Je me sens calme, les nausées passées, apaisée, épanouie, confiante, sereine, lumineuse …

Je projette de laisser grandir en moi cette vie inconnue, de la laisser être, de l’apprivoiser , d’être juste un réceptacle … d’amour.

C’est décidé, irrévocablement, j’accueille ce qui va devenir un enfant et je l’aiderais à grandir …

Je suis là pour lui, je suis là pour toi.

Je parle avec un ami, mon ami de longtemps, je suis indécise, au prise avec une petite chose déjà vivante de quelques millimètres et avec un homme dont je ne veux pas, dont je ne veux plus, dont je ne voulais déjà plus, avant de savoir …

Je me sens enfermée, je lâche mon égoisme dans un cri, le cri de la vie, le cri de ma vie :

" Et moi dans tout ça, moi qu’est-ce que je veux vivre, me faire vivre, qu’est-ce que je choisis de me faire vivre ? Je n’ai pas ce désir là, je suis moi même si fragile, je ne peux pas faire ça à un petit être qui n’a rien demandé ! "

Je me heurte à moi-même jusqu’à cette parole de mon ami, de celle qui touche, qui réveille, qui tranche :

" La mort, ça fait partie de la vie ! "

 

C’est décidé, irrévocablement, je me choisis, je choisis de respecter ce que je suis aujourd’hui, de ne pas repousser mes limites …

Avec humilité et respect pour la vie, je choisis de donner la mort.

J’ai pleuré cette décision, j’ai prié pour cette petite âme, et je ressens toujours aujourd’hui, au plus profond de ma grande âme la justesse de ce choix …

 

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