Escarmouche, et encore à fleurets mouchetés, entre Nigel Farage (Ukip, souverainiste), et J.-C. Juncker, président de la Commission européenne, ex-Premier ministre luxembourgeois (droite), au Parlement européen. En fait, presque tout le monde est là, à Bruxelles ou Strasbourg pour la soupe, et n’a pas vraiment l’intention d’y renoncer…
On le constate jour après jour : les partisans anglais du Brexit n’ont nullement l’intention de se plier au résultat du référendum britannique, et encore moins de tenir leurs promesses. Ce à l’exception de Nigel Farage (Ukip, parti partenaire de Debout la France), souverainiste, qui a tout à gagner en faisant preuve de détermination verbale (l’Ukip n’a qu’un seul député à la chambre des Communes, Farage siège à Strasbourg et Bruxelles).
Réunis à Bruxelles ce mardi matin, les parlementaires européens ont émis le vœu que le Royaume-Uni demande l’application de l’article 50 actant la rupture du Royaume-Uni avec l’Union européenne. Un vote sans conséquence ni effet ayant recueilli 395 voix pour, 200 contre (sans doute des parlementaires allemands, polonais, hongrois), et 71 abstentions (peut-être, allez savoir, d’eurosceptiques britanniques).
Ce fut cocasse lorsque Nigel Farage s’est gaussé de ses collègues. « Alors, on ne rit plus, hein ! », s’est-il exclamé. Auparavant, il avait croisé Jean-Claude Juncker qui s’étonnait de sa présence : « Mais pourquoi être venu ? ». La confrontation n’a pas du tout tourné à l’altercation, mais aux embrassades, à une franche accolade dans une primesautière bonne humeur confinant à l’hilarité.
Aucun des partis souverainistes européens ne renonce à siéger au parlement. C’est trop juteux.
Alors que Nigel Farage a reproché à ses collègues de n’avoir pas, pour la plupart, un « réel boulot » (alors que lui reste trader et cumule ses revenus de parlementaire avec ses rétributions et commissions), il s’est bien gardé d’inciter les souverainistes à renoncer à leur siège. L’ancien Premier ministre belge, Guy Verhofstadt a rétorqué que le chef de l’Ukip s’occupait surtout de montages dans les paradis fiscaux (ce qui explique peut-être sa cordialité avec l’ex-Premier ministre luxembourgeois). Comme Farage ricanait en retour, Verhofstadt a conclu : « bon, restons positifs, nous allons purger le plus grand gâchis du budget européen : vos indemnités… ». Rien n’est moins sûr…
La séance a notamment été marquée par des interventions de députés écossais, gallois, et de l’Ulster, fort applaudis, demandant l’instauration de relations privilégiées. Par ailleurs, le Plaid Cymru (Galles) a exprimé le désir de voir s’ouvrir un bureau diplomatique européen à Cardiff. Nicola Sturgeon, Première ministre de l’Écosse (SNP), sera sans doute chaleureusement accueillie, demain, mercredi, à Bruxelles.
Marine Le Pen, réjouie, pour une fois présente, a osé lancer que les Britanniques s’étaient assis souverainement sur « vos cours de bourse ». Elle ne doit pas lire la presse d’outre-Manche… Par exemple, le Virgin Group de Richard Branson a déjà perdu le tiers de sa valeur boursière. Elle s’est bien préservée de lancer un ultimatum pour que le Royaume-Uni puisse s’affranchir de la tutelle européenne au plus vite.
Elle s’était, précédemment, engagée à organiser un référendum en France après son élection à la présidence « dans les six mois ». Mais pourquoi donc six mois ? Pour que Philippot et d’autres continuent de percevoir des indemnités européennes ? Puis jusqu’au terme de longues, très longues négociations ?
L’Europe, on l’aime, ou la quitte ! Et au plus vite.
Farage, et la plupart des Brexiters, avaient invoqué de meilleurs droits de pêche en cas de Brexit effectif. La fédération des patrons pêcheurs britanniques se souvient à présent que la Grande-Bretagne n’est pas tout à fait l’Islande. Renégocier des quotas sera incertain et coûteux. « Qui paiera ? C’est une question critique. », soulève leur communiqué. Ben voyons, la réponse est simple : le contribuable britannique, ou le consommateur, s’il consent à payer plus cher des poissons ou fruits de mer pêchés par ses compatriotes. Et il faudra substituer des subventions britanniques aux européennes en faveur de la modernisation de la flotte et de filets préservant mieux le jeune frai. L’UE consent aussi des prêts à taux privilégiés aux pêcheurs britanniques : c’est Farage qui les remboursera ? On l’avait vu embarqué sur la Tamise, promettant monts de poissons et merveilles de revenus.
Sur cette question, WWF-UK remémore que ce ne fut pas l’UE, mais le gouvernement britannique, qui avait attribué les trois-quarts des quotas pour l’Angleterre et le Pays de Galles à seulement trois grands armateurs… Sans qu’alors l’Ukip s’en alarme.
Quand les souverainistes, presque tous issus de l’establishment qu’ils dénoncent, tous dotés de solides revenus, se font les hérauts des « petites gens », ils encensent, sauf sans doute les polonais, Poutine et ses oligarques. Croit-on vraiment que c’est pour épargner les russes miséreux qu’ils plaident pour la levée des sanctions qui frappent la Russie ?
Tout comme la finance allemande, ils ne veulent surtout pas que le Royaume-Uni soit éjecté au plus vite de l’UE. Il faudrait lui accorder les meilleures conditions possibles, ne rien hâter. Par solidarité avec celles et ceux qui auront le plus à souffrir des conséquences ou pour ne pas laisser empirer un contre-exemple défavorable à leurs hypothèses ?
Pour rappel, l’Ukip compte 22 PE britanniques sur les 26 de son groupe. Ils partent, plus de groupe et leurs quatre petits camarades pleureraient (comme par exemple une dissidente du FN). Le seul député Ukip aux Communes (Douglas Carswell) a vertement critiqué son chef de file, disant que la situation était sérieuse, qu’il fallait négocier en toute bonne foi et sincérité, et arrêter de jouer les matamores.
En plus, on connait déjà mieux les intentions anglaises (et même britanniques) : s’il convenait d’invoquer l’art. 50, ce ne serait pas avant mars ou mai 2017. Un an de répit, plus deux de négociations. D’ici là, des élections générales pourraient être anticipées, et le nouveau gouvernement arguerait qu’il lui faut du temps pour se mettre d’accord. Mais dès à présent, ils éprouvent les plus peines à s’accorder, ne serait-ce que sur le nom de celle ou celui qui mènerait les négociations techniques (et plus vraiment sur le nom du futur Premier ministre).