Demain mercredi, à Diyarbakir, les dépouilles des trois militantes du PKK exécutées à Paris la semaine dernière devraient arriver à Diyarbakir et une importante cérémonie organisée avant que les inhumations se déroulent dans les localités de résidence des familles (Diyarbakir, Elbistan, Mersin). Pour la première fois, un élu du parti au pouvoir, l’AKP, a vu la main de l’Iran et de la Russie dans ces assassinats. Le BDP, parti pro-Kurde, n’exclut toujours pas que des « éléments » liés ou non au pouvoir (mais non pas forcément au gouvernement lui-même) aient pu être les commanditaires, mais ne remet pas en cause le processus de paix. Pourtant, les opérations militaires contre le PKK se poursuivent et, le 13, un militant en vue du PKK a été tué à Nusaybin, dans la province de Mardin.
La police française exclue de plus en plus une motivation crapuleuse pour les assassinats des trois militantes du PKK, à Paris, le 9 dernier. Il n’y aurait eu qu’une seule arme employée, celle bizarrement laissée sur place, mais deux types de munitions de calibre identique.
Le gouvernement turc dénonce toute supputation laissant entendre qu’il pourrait être lié de près ou de loin à ces exécutions, accuse la France de collaborer davantage avec l’opposition (le parti CHP) qu’avec ses enquêteurs, mais annonce la poursuite des négociations avec le PKK via son dirigeant emprisonné, Öcalan. Le CHP est favorable à des avancées en faveur des populations kurdes et l’un de ses représentants a participé aux funérailles de Seraffetin Elçi, un politicien kurde de premier plan, qui ont donné brièvement l’occasion au PKK de déployer son drapeau.
De petites avancées sont constatées (et critiquées par les nationalistes) : Öcalan a été autorisé à passer cinq heures par semaine en compagnie d’autres personnes puis a obtenu un téléviseur dans sa cellule.
De son côté, le BDP, alors que les supputations sur des dissensions au sein du PKK (en Turquie ou en Europe) semblent mise de côté par le gouvernement, mise sur la poursuite du processus de paix. Le BDP serait d’ailleurs consulté pour la rédaction de la prochaine constitution turque, notamment pour ce qui se rapporte à la citoyenneté et l’usage d’une « langue maternelle » (l’une des revendications primordiales des Kurdes est l’éducation en leur langue, bannie par l’actuelle constitution).
D’un autre côté, le dirigeant du MHP, parti résolument opposé aux négociations avec le PKK, a été autorisé à visiter deux généraux emprisonnés, lesquels se seraient aussi déclarés hostiles au processus de paix. Le MHP a condamné la visite de condoléances d’un chef de file de l’opposition membre du MP à la famille de Sakine Cansiz
Flou sur les commanditaires
Pour la première fois, un député de l’AKP, celui, justement, de Diyarbakir, Galip Ensarioğlu, a mis en cause l’Iran ou la Russie (ce « ou » étant inclusif) : non pas en raison du conflit syrien, mais de la concurrence que représenterait une Turquie pacifiée pour ses voisins. La diplomatie turque se renforce dans les régions turcophones ou musulmanes (Balkans, Russie… autres), et l’Iran est aussi confronté à des revendications kurdes. Cette hypothèse pourrait bien sûr arranger tout le monde, mais serait difficilement vérifiable ou confirmée ou réfutée officiellement. Officieusement, au moins un ancien diplomate autrefois en poste à Paris, a aussi pointé l’Iran, anonymement, du doigt. Des assassinats de leaders kurdes iraniens en exil avaient eu lieu par le passé,
L’Iran serait dédouané par un proche du PKK, Ilhami Isik, dit Balikci, qui – par la bande et discrètement – laisse entendre que le coup viendrait des services secrets syriens disposant d’anciennes accointances dans les services français.
La vice-présidente du BDP, Gülten Kışanak, n’en a pas moins accusé la France comme la Turquie de n’avoir pas su protéger, en quelque sorte, les trois exécutées : « ce massacre aurait pu être stoppé, il ne l’a pas été… ». Mais cela ne vise pas vraiment le gouvernement en soi, mais son incapacité à contrôler des éléments ultranationalistes.
L’hypothèse d’assassinats ciblés sur des femmes n’a pas été soulevée. Le PKK est considéré progressiste quant aux droits des femmes (même si, par exemple, officiellement ou officieusement, les jeunes combattantes ou militantes se voient plus ou moins contraintes à l’abstinence sexuelle : pas question que des jeunes filles combattantes célibataires puissent inquiéter leurs familles par un comportement trop libéré du poids des traditions). Les femmes du PKK (ou du BDP) jouissent d’une quasi parfaite parité de représentation dans les instances. Au Kurdistan, le PKK est aussi perçu comme un symbole de l’émancipation des femmes.
Yalçın Akdoğan (AKP), dans un entretien avec Hürriyet, a d’ailleurs relevé que, par le passé, les groupes féminins du PKK s’étaient affrontés, et que celui représenté par les victimes, proche d’Öcalan, avait une « particulière importance ». Il a par ailleurs indiqué que le processus d’Oslo (de négociations avec le PKK) pourrait encore prendre « un ou deux ans ». Par le passé, il avait été allégué que le gouvernement turc avait négocié avec une députée indépendante kurde, Leyla Zana. Laquelle est en rapport avec Osman Öcalan, frère du chef emprisonné du PKK.
Des avancées sont constatées dans des régions kurdes : à Nysaybin, la municipalité BDP,dirigée par une femme, a signé avec un syndicat un accord stipulant que tout travailleur municipal mariant sa fille avant 18 ans ou prenant une seconde épouse (ou entretenant une maîtresse) perdrait son emploi. Des sanctions sont aussi prévues en cas de violence domestique. D’autres pourraient s’appliquer en cas de simple adultère (ce qui laisse cependant entendre que les femmes adultères seraient aussi condamnables). Dans la région kurde d’Ebril (Irak), les crimes d’honneur dont sont victimes les femmes ont toujours cours.
Pour Remzi Kartal (ex-PKK, encore proche), interrogé par Rudaw, les exécutions ont trois dimensions : « gendrée, sociale et nationale : ces trois femmes luttaient pour la cause des femmes ». Il a par ailleurs démenti que Sakine Cansiz, l’une des victimes, ait participé directement au processus d’Oslo, et n’a pas écarté l’hypothèse que le Gulen (mouvement islamiste turc) puisse être impliqué d’une manière ou d’une autre, sans toutefois écarter toute autre hypothèse.
Les arrestations continuent
Cependant, en dépit du processus d’Oslo, le pouvoir traque et tue des membres du PKK, combattants ou non. Dans cette même municipalité de Nysaybin, un assaut d’une trentaine de minutes s’est soldé par la mort d’un dirigeant local du PKK. Le surlendemain, soit ce jour, le maire BDP a critiqué les opérations, indiquant que Mehmet Şirin Cebe aurait pu être pris vivant. « Si vous ne pouvez arrêter quelqu’un au centre-ville mais au contraire l’exécutez, comment pouvez-vous prétendre vouloir faire la paix avec les combattants des montagnes ? » a-t-il déclaré en substance. Le Quandil (ou Kandil) désigne l’ensemble de ces refuges montagneux des combattantes et combattants du PKK.
Le processus de paix pourrait évoluer en raison de conflits voisins, par exemple en Irak où un député sunnite vient d’être victime d’un attentat-suicide. Les Kurdes de l’Ebril redoutent un conflit armé avec l’Irak si jamais une faction irakienne était tentée par une redéfinition par la force des limites du Kurdistan irakien. Nouri (« Jawad ») al-Maliki, du parti chiite irakien Dawa, en prise avec les formations sunnites, pourrait être tenté par une manœuvre de diversion. Les relations entre Bagdad et Ebril sont endommagées par la dispute au sujet des « territoires mixtes » (disputés), de fait sous contrôle kurde.
Nouri al-Maliki a réuni des forces de police sous direction unique et menace de déployer l’armée aux abords du Kurdistan irakien. La Turquie soutient les sunnites irakiens et sa neutralité à l’égard du Kurdistan irakien est devenue bienveillante. Rien n’est à exclure.
Si cette perspective se précisait, comme l’a laissé entendre à demi-mots un éditorialiste de Radikal, l’hypothèse d’une opération irakienne à Paris pourrait être considérée. Dans ce cas, ou celui d’une autre hypothèse d’intervention étrangère (Iran, Syrie…), Öcalan, qui vient de faire cesser une grève de la faim de détenus kurdes, pourrait faire laisser entendre que les obsèques des trois militantes ne devraient pas donner lieu à des débordements (comme des slogans anti-Turquie).
Les trois cercueils des militantes ont été transférés au centre communautaire kurde de Villiers-le-Bel depuis l’institut médico-légal de Paris. Des hommages leur ont été rendus. À Strasbourg, le président du parlement européen a fait état de la sympathie des parlementaires pour les victimes. Le Conseil national de la résistance iranienne, par la voix de sa commission des femmes, a aussi salué leur mémoire en concluant que « le régime [iranien] redoute plus que jamais le processus de paix entre le gouvernement turc et les Kurdes [de Turquie] ».
Mais on est loin d’une amnistie générale (il est préconisé aux combattants kurdes du Kandil de déposer les armes et de se réfugier hors de Turquie) ou d’une mise en résidence surveillée simple d’Öcalan. D’une part, « l’État profond » (des éléments nationalistes) est présumé encore très présent dans la magistrature et diverses formations. La remise d’un téléviseur à Öcalan a été critiquée : elle aurait dû être la conséquence d’une décision judiciaire et non d’une libéralité gouvernementale. D’autre part, comme l’exprimait encore l’été dernier le site turco-français Zaman, « c’est difficile à dire mais actuellement, ni le gouvernement, ni les Turcs en général ne sont assez mûres pour reconnaître les droits des Kurdes. Quatre-vingt dix ans plus tôt, ces droits avaient été reconnus par la Constitution de 1921, mais suspendus par un Etat craignant la désintégration. ». Soit la sécession.
Mais les choses et les mentalités ont évolué dans la presse et l’opinion. Le passé combattant des dirigeants du parti légal kurde, le BDP, est certes rappelé (Turquie News, organe nationaliste, vient ce jour de republier une photo de Selahabattin Demirtas « en uniforme de combat dans les camps du PKK en Irak 1999 »), la question arménienne n’est pas en voie de résolution, mais les combattants kurdes et les services secrets turcs, le Mit, semblent conscients qu’une solution militaire n’est plus envisageable.
Il y a peut-être aussi, en Turquie, une plus forte aspiration à la modernité qu’au respect de traditions patriarcales. Le fait que les victimes soient des femmes a sans doute marqué les esprits dans un pays où les organisations féministes ou émancipatrices se font entendre. Les femmes, les Kurdes en particulier, sont victimes aussi de la guerre interne. L’AKP n’a pas réussi à vraiment promouvoir les droits des femmes et en particulier endiguer les violences (domestiques, viols…) contre les femmes. Les femmes kurdes et turques se sont cependant mieux fait entendre. Ensuite, la jeunesse turque compte aussi ses « Indignés ».
Parmi ceux-ci, les hackers de RedHack (marxistes) qui viennent d’infiltrer (cyber-attacks, siphonnage de documents) divers sites gouvernementaux et ont révélé des cas de corruption. Ces Indignés ne considèrent pas que les Kurdes seraient inférieurs et devraient jouir de moins de droits. Ils luttent en bloc contre un État répressif.
Ces morts ont peut-être eu un effet contraire à ce pourquoi elles sont présumées avoir été ordonnées, soit de favoriser la recherche de solutions pacifiques : soit des exécutions contre-productives. Mais il est encore trop tôt pour l’affirmer sereinement et sans risque de démenti par les faits.
Quelques mots à propos de Gülcihan Şimşek, maire de Bostaniçi entre 2004 et 2009 (arrondissement de Van, région kurde).
Il lui fut reproché d’avoir utilisé un corbillard municipal pour ramener le corps d’un combattant kurde mais aussi de s’être prononcée pour l’autorisation d’émettre d’une télévision kurde à l’étranger et surtout d’avoir parlé kurde lors d’un discours à l’occasion de la Journée internationale de la femme.
Elle était elle aussi récemment en grève de la faim.
Selon son avocate « [i]il n’y a pas la moindre preuve juridique d’une quelconque illégalité.[/i] ».
Il lui a été aussi reproché d’avoir rendu visite à des manifestants blessés par des policiers lors de manifestations. Elle risque cinq à dix ans pour, finalement, accointances avec le PKK.
Je vais essayer de prendre de ses nouvelles.
Qu’est ce que le PKK?
– des terroristes qui n’hésitent pas à poser des bombes pour tuer sans faire de distinctions entre turcs et kurdes.
– des terroristes qui maintiennent les kurdes du sud-est de la Turquie dans une bulle éloignée de la société afin de mieux les contrôler et d’avoir leur soutien.
– des terroristes qui menacent et kidnappent des instituteurs afin d’empêcher les enfants kurdes d’avoir accès à l’enseignement ainsi qu’à l’apprentissage de la langue turque pour en faire facilement des recrues à l’avenir.
– des terroristes qui refusent tout développement du sud-est et qui menacent systématiquement les constructeurs qui viennent installer des infrastructures nouvelles.
– des trafiquant de drogue qui étendent leur trafic jusqu’en Europe afin de financer le terrorisme en Turquie.
– des proxénètes
– des racketteurs qui n’hésitent pas à menacer de mort ceux qui ne se plient pas au prélèvement de l’impot révolutionnaire en Turquie et dans les différents pays européens, et tout ça avec des barèmes selon le nombres d’enfants par foyer.
– des violeurs qui profitent des femmes engagées dans leurs rangs pour assouvir à leurs envies.
– des terroristes qui vont dans les collèges en Turquie jusqu’à Istanbul afin d’y recruter des enfants pour les embrigader dans les montagnes contre le gré des parents.
– des pourritures qui poussent les enfants kurdes à aller faire des émeutes dans les villes afin de les opposer aux forces de l’ordre.
Les kurdes qui soutiennent de telles pourritures ne défendent pas la cause kurde. Il ne peuvent pas défendre une quelconque cause kurde.