D’abord inexistante, puis enfin incohérente et lâche la réaction du gouvernement français face aux évènements tunisiens n’en finit pas de susciter réserves, dénonciations et indignation. A tel point qu’on peut s’interroger sur les risques qui à terme menace la majorité sur cette question. Car si le PS fut embarrassé et cacophonique sur la question ivoirienne il semble bien que le cas tunisien embarrasse de plus en plus la majorité.

« Réactions timides », « service réduit au strict minimum » : les réponses de la classe politique française devant l’embarras manifeste du gouvernement français à propos de ce qui se passe en Tunisie illustrent à la perfection la façon dont les évènements tunisiens commencent à très sérieusement déranger nombres d’hommes politiques français.

Et de fait parler de réactions timides au sujet du communiqué émis par les instances dirigeantes françaises est un bel euphémisme. Surajoutant à cette ambivalence, Michelle Alliot Marie, ministre des affaires étrangères, n’a pas hésité à parler de réactions faites « d’anathèmes » de la part de ceux qui condamnent la frilosité du gouvernement français sur la question. En réponse à ces réactions prétendument exagérées et infondées, la ministre dit vouloir privilégier « une analyse sereine et objective de la situation", selon ses propres termes. A tel point que Michelle Alliot-Marie va jusqu’à proposer le savoir-faire français à la police tunisienne pour "régler les situations sécuritaires". Mais prenant acte du désespoir social de la jeunesse de Tunisie l’ancienne présidente du RPR propose quelques pistes pour sortir de l’impasse. La solution, selon elle, pourrait être trouvable au G20 où, promet-elle, Nicolas Sarkozy devrait  plaider les causes algériennes et tunisiennes sur la question du marché du travail très déficitaire dans ces pays. Belle façon de sauver par la diplomatie deux régimes tout autant utiles et soutenus par la France qu’ils sont détestés par leur jeunesse. Mais les propos de Michelle Alliot-Marie ne constituent qu’une partie de la longue cohorte de propos émanant de l’UMP ou du gouvernement, tous plus ambigües et inadmissibles les uns que les autres. Ce matin encore Jean-François Coppé, prenant la défense de la ministre des Affaires Etrangères, déclarait soutenir la position du Quai d’Orsay. Poursuivant le président de l’UMP affirme ne pas « avoir beaucoup d’informations », sur un sujet où il faut respecter « la souveraineté de ce pays. »

Ces propos ne venant que faire échos à ceux de Frédéric Mitterrand, qui ce dimanche sur Canal plus, affirmait que la Tunisie n’était pas, selon lui, une dictature. Bruno Le Maire, en pousse prometteuse de l’UMP, y est allé lui aussi de sa défense de l’indéfendable. Ne déclarait-il pas mardi matin que Ben Ali avait été « mal jugé et qu’il avait fait beaucoup de choses ».

Heureusement que certains membres de l’UMP ou que certains haut responsables de l’Etat tachent de se montrer moins ambivalents. Gérard Larcher, par exemple, président du Sénat, déclarait hier matin, sur RMC et BFMTV, que ce qui se passait en Tunisie était bel et bien une « répression ».

Didier Julia, aussi, s’est exprimé sur la question. Le député UMP disait, dans une interview accordée à lexpress.fr, s’étonné « du silence assourdissant du gouvernement. » Et de relever, très justement l’incohérence fondamentale de la position officielle de la France. Elle dit vouloir soutenir Ouattara en Cote d’Ivoire, avec au passage un respect limité de la souveraineté ivoirienne, et pourtant elle ne s’indigne pas de la question des droits de l’homme en Tunisie.

L’opposition a donc raison, par la voix de Benoit Hamon ou de celle de François Loncle, de réclamer plus de courage et de cohérence au gouvernement français. Les Etats-Unis s’étant montrés, eux un peu plus cohérent. Avec il est vrai beaucoup moins d’intérêt économiques en place dans le pays. L’argument de liens sentimentaux est d’ailleurs aussi souvent évoqué pour expliquer les raisons de ce mutisme et de cette hypocrisie française.

Mais est-ce que les sentiments peuvent servir de base à une politique étrangère ? D’autant que Michelle Alliot-Marie se vante de construire sa politique de façon « objective », c’est-à-dire à distance de tout sentiment.