Tunisie : le processus démocratique menacé (Partie 3)

Aujourd’hui ce vendredi 6 mai 2011, on se croirait au moment de la révolution du 14 janvier dernier si l’on se risque à arpenter l’allée de l’avenue Habib Bourguiba. Tous les ingrédients sont réunis : les manifestants, les forces de l’ordre et un message à faire entendre, la chute de l’actuel gouvernement de transition. Le vendredi est un jour important dans tous les pays arabes et ce sont deux vendredis qui ont permis la chute de Ben Ali et Moubarak. Ce jour saint (du calendrier musulman) permet un rassemblement des fidèles et l’on redoutait effectif celui d’aujourd’hui lié aux révélations de Farhat Rajhi.

Des excuses tardives.

Si Monsieur Rajhi s’est rétracté en revenant sur ses propos et a présenté des excuses, le mal était déjà fait. Donc dès Jeudi soir, les manifestants étaient dans la rue à Tunis, Sfax, Kairouan et même Sousse. Et ce vendredi la mobilisation est encore plus grande et surtout sur l’avenue Bourguiba où la fin de la prière de vendredi a mobilisé des centaines de personnes. C’est donc un gouvernement débordé  qui tente de maitriser la colère populaire en envoyant dans les rues les forces anti-émeute. Les manifestants sont brutalisés et les journalistes et photographes y passent aussi.

L’avenir de la Tunisie n’a jamais été si menacé. Les manifestants n’y vont par quatre chemins, ils demandent purement et simplement la dissolution du gouvernement sans penser au vide politique qui va naitre. Le premier Ministre Essebsi, considéré il y’a quelques temps comme un sauveur, est traité de tous les noms. Au point même que certains lui donnent des qualificatifs autrefois attribué à Ben Ali. 

C’est avec des slogans dignes des moments de la révolution que les manifestants ont dévalé la désormais célèbre place Habib Bourguiba. Outre les « Dégage » on note maintenant l’apparition d’autres slogans tels que : «  le gouvernement de transition travaille toujours pour (le président déchu) Ben Ali ». Les forces de polices qui avaient fait un cordon de sécurité pour les empêcher de progresser vers le Ministère de l’Intérieur se sont retrouvées très vite dépassées.

{youtue}GxM-nFKQ7RE{/youtube}

 Safx le 6 mai 2011

Puis, soudain, la police a chargé et lancé de grandes quantités de gaz lacrymogènes, provoquant la panique parmi les manifestants, essentiellement des jeunes, et les piétons qui se trouvaient dans le quartier et tentaient de fuir pour se mettre à l’abriter. Certains policiers étaient sur des motos, d’autres accompagnés des chiens, c’était un chaos complet. A noter qu’il y’avait aussi des voitures blindées. C’est avec une brutalité sans égale que se font les arrestations et les dispersions. Le pays avance tout droit vers une nouvelle phase de violence.

Selon les propos transmis par un bloggeur connu sous le pseudo de Bullet Skan : «Lacrymo à gogo au centre ville. La police matraque tout le monde. Ils ont repris leurs sauvageries !». «C’est hallucinant. Je n’ai pas vu autant de violence même le jour du 14 janvier», a déclaré Ibrahim Letaief à Tekiano.

Les manifestations les plus redoutées sont celles des étudiants qui sont pour l’instant divisés sur l’attitude à adopter face à cette situation. Mais ces répressions violentes ne feront qu’aiguiser et renforcer le sentiment anti-gouvernemental.

{youtube}nxLdKRLQ2m4{/youtube}

Un autre complot ?

Après la bombe révélée par Rajhi, c’est une autre bombe que vient de lâcher sur Shems FM, Abdelwahab El Hani, membre du parti Al Majd. Les informations troublantes qu’il a révélées font état d’un complot dont une fondation américaine serait à l’origine. Selon lui, une tentative de manipulation de l’opinion publique serait orchestrée avec le concours de la haute commission de la réforme politiqué de Yadh Ben Achour. Lui aussi demande donc des comptes au premier ministre et à son gouvernement.

La situation aux frontières avec la Libye

Et pendant ce temps, comme si cela ne suffisait pas, les roquettes en provenance de la Libye continue de pleuvoir sur les villes frontalières. C’est plus de 16 obus de mortier du type « Hawn » qui sont tombés à l’intérieur du territoire tunisien sans causer de victimes ou de dégâts. Selon la police tunisienne, l’un des tirs de roquettes, dans la nuit du jeudi 5 mai ,par les forces fidèles à Mouammar Kadhafi, a explosé à 20 mètres seulement d’un point de contrôle. Hier, 1.618 Libyens ont franchi la frontière, le plus grand nombre de réfugiés au cours des trois derniers jours.