Tunisie : le processus démocratique menacé (Partie 2)

Sans vouloir trop dramatiser les choses et abreuver C4N de nouvelles qui ne sont peut être d’aucune importance pour certains, cet article s’inscrit dans une série d’articles que je compte poster dans les prochains jours pour vous faire part de la situation grave que s’apprête encore à vivre la Tunisie. Et pour cause une vidéo facebook de l’interview de Farhat Rajhi l’ancien ministre de l’intérieur (cf http://www.come4news.com/tunisie-le-gouvernement-de-transition-dans-l-embarras-981813).

 

 Mr. Farhat Rajhi, ancien premier ministre de l’intérieur

Le grand perdant de cette sordide affaire est et sera bien évidemment la Tunisie. Au moment où le pays s’apprête à refermer les plaies et panser les blessures post révolutionnaires, ces révélations viennent fragiliser le processus démocratique entrepris au point où l’on commence à se poser la question de savoir si les élections de l’assemblée constituante du 24 juillet prochain pourront se tenir. Avait-on besoin de cela à deux mois de ces élections ?  Connu pour son franc parlé et ses discours sans langue de bois, Mr propre comme on aime l’appeler a perdu une bonne occasion de se taire. Car la Tunisie aurait bien pu se passer de ces  révélations. En même temps on ne peut pas le fustiger pour ce qu’il dit de ses propres mots être un devoir envers la population qui doit savoir ce qui se passe actuellement et ce que manigancent ceux qui dirigent les affaires de la nation. Celui qui avait été mis à la porte en Mars dernier, qui aurait démissionné officiellement, revient donc pour régler ses comptes

Un coup d’Etat en cas de victoire des islamistes.

Le parti islamiste est à la fois le mieux organisé et le plus connu de la population tunisienne. Bénéficiant de la sympathie des habitants du sud, pauvres et plus conservateurs et même d’une frange d’exclus de la population du Nord, on ne serait donc pas surpris de le voir remporter les élections avec même une victoire éclatante.

C’est à quoi s’opposeront donc, si c’est le cas, les caciques de l’ancien selon les dires de Farhat Rajhi. Il a en effet déclaré que : « Si Ennahda prend le pouvoir, il y aura un coup d’Etat. Les Sahéliens (à comprendre les gens proches des régions de Sousse fief de l’ex dictateur Ben Ali) ne sont pas disposés à céder le pouvoir et si les élections ne vont pas dans leur sens, il y aura un coup d’Etat. C’est donc de la légalité de ce processus démocratique même qu’il s’agit. Donc soit on avance selon les volontés de certains soit on doit subir les foudres de l’armée. C’est à croire que Ben Ali n’était qu’un enfant de Cœur.

A l’école nationale d’ingénieur de Tunis, lié au campus El Mannar, les élèves ingénieurs sont divisés. Certains préfèrent se concentrer sur ce mois de mai afin de finir au plus vite et au plus mieux les examens de fin d’année. D’autres par contre commencent déjà à appeler à des grèves et incitent même déjà les élèves à cesser les cours, car disent-ils, l’heure est grave. La célèbre citation de Benjamin Franklin : « Ceux qui peuvent renoncer à  la liberté essentielle pour obtenir une peu de sûreté provisoire ne méritent ni la liberté ni la sûreté » qui avait fait le beau jour de la révolution du 14 janvier commence à encore à être placarder.

Des manifestations à Tunis, Sfax et à Kairouan

Comme je l’avais prédis dans  mon  précédent article, les manifestations se font ressentir dans les principales villes de Tunis. Les démentis  et les condamnations de ces propos par le  gouvernement n’auront donc servi à rien Le centre de Tunis a connu une importante manifestation vers 17h. Des centaines de manifestants réclamaient entre autres le départ du premier ministre Béji Caid Essebsi et dénonçaient notamment le général Rachid Ammar. Les mêmes scènes sont observées à Sfax et à Kairouan la ville la plus islamique de la Tunisie. C’est sans surprise donc que les gens sont sortis dans la rue dans ces villes pour à la fois soutenir Rajhi mais aussi exiger le départ de l’actuel gouvernement.

 Je n’ai pas été personnellement présent lors de cette manifestation à l’avenue Habib Bourguiba. Mais selon une dépêche de l’AFP, "Tout le peuple est avec Rajhi, c’est quelqu’un de courageux et d’honnête", avait déclaré un jeune en brandissant le drapeau tunisien tandis que d’autres manifestants appelaient "le peuple à se révolter contre la dictature".

Des ambitions présidentielles ?

La réponse à la question de savoir pourquoi ces révélations, a  partiellement été donnée par Mr Rajhi en personne. Il a répondu, qu’il se présenterait bien à l’élection présidentielle si le peuple le plébiscitait, aux journalistes qui ont voulu savoir s’il avait des ambitions présidentielles. Donc ces déclarations n’étaient pas vraiment anodines. Et si elles s’inscrivaient dans la recherche  de ce soutien populaire ? L’ancien ministre de l’intérieur est toutefois revenu sur ces déclarations lors d’un entretien  accordé à Hanibaal TV. Il a déclaré avoir été piégé par les journalistes et qu’il s’agissait plus d’un  papotage qu’une réelle interview. Quoi qu’il en soit, le Mal est fait et rien n’est sur que ceci puisse calme la population qui est plus que jamais en colère.