Même si la coupe du monde de football semble bien lointaine et plombe le moral de tout un pays, l’esprit cocardier se ravive à l’annonce surprise de la vente de 36 avions, pas un, pas deux, trente-six mon bon monsieur. Et pas n’importe lequel, le Rafale, le seul, l’unique aéroplane de Monsieur Dassault qui n’avait jamais trouvé preneur au-delà de nos frontières.
La faute à pas de chance disaient les uns, à sa complexité et aux doutes sur sa fiabilité disaient les autres, à la concurrence aussi ou à son coût. Enfin bref pour cet ambitieux projet franco-français né dans les années 90, c’est en 2009 que le premier débouché survient du côté du Brésil.
Avec 5 milliards récoltés l’opération est juteuse tant il est vrai que le programme de développement a coûté à la France pas moins de 39 milliards d’euros. Sans compter le soutien estimé au départ jusqu’à 35 000 euros… de l’heure de vol !
Cet appareil semi-furtif commençait à faire jaser par son caractère extrêmement furtif sur le plan commercial. Singapour, Pays-Bas, Corée, Australie, Arabie Saoudite, Maroc… ils n’ont pas manqué d’air ces affreux jojos en préférant du matériel américain. Mais c’est finalement pour les mêmes raisons annoncées que le Brésil aujourd’hui penche en notre faveur. Par souci d’indépendance, par volonté de ne pas dépendre d’un fournisseur plutôt regardant et influent. Joli coup d’opportunisme et belle agressivité de nos couleurs pour emporter la mise. Mais là où le doute s’installe c’est quand le Président Lula lui-même s’est félicité moins de la qualité de l’avion que de "<span style="font-style:italic;">l’étendue des transferts de technologie</span>" obtenue. 6 avions seront construits en France, les trente autres au Brésil. Enfonçant bientôt le clou "<span style="font-style:italic;">pour nous ce qui est important, c’est d’avoir accès à la technologie pour produire cet avion au Brésil. C’est ce que nous négocions maintenant</span>". Ainsi donc le choix français résulte de la possibilité non pas d’acheter du matériel mais d’acheter un savoir-faire, notre savoir-faire. Jusqu’à perdre des marchés futurs de renouvellement mais aussi s’exposer à la concurrence prochaine d’un avion similaire mais drôlement compétitif notamment sur son prix. Alors bien sûr côté français on se veut rassurant, Serge Dassault expliquant volontiers qu’il ne craint pas les transferts de technologie, normal me direz-vous le bon Serge étant de toute façon actionnaire sur place. Pour lui c’est gagnant-gagnant et il peut chaleureusement remercier son vrp de luxe des efforts accomplis. Pour la France c’est déjà plus discutable même si l’Elysée s’empresse de préciser que 6000 emplois seront créés en France durant… 4 ans. Tiens 4 ans, une indication de durée, celle durant laquelle l’opération est bénéfique quelque part. Mais pour le reste ? Cette attitude n’est pas sans rappeler les accords conclus en Chine pour Airbus et <a href="http://yttymaison.blogspot.com/2007/12/economie-soldes-monstres-sur-pkin.html">Areva </a>.
La realpolitik a donc un prix, celui de notre avenir qui ne pourra se prévaloir de quelconques avantages dans des secteurs jadis qualifiés de… stratégiques : le nucléaire, l’aéronautique, l’armement. D’ailleurs quatre sous-marins d’attaque Scorpène, 50 hélicoptères de transport militaire et la coque d’un sous-marin nucléaire sont en préparation sur le même modèle.
Et ce n’est pas fini puisqu’un autre fleuron pourrait être soumis au même traitement : le TGV en personne, version Rio-Sao Polo pourrait connaître une nouvelle jeunesse et un nouveau lieu de production.
De quoi s’interroger sur la pertinence de ces engagements de courte vue. Peut-on espérer qu’ils n’ont pas pour seule ambition d’attirer micros et caméras ici et maintenant mais qu’ils témoignent quelque part d’une "certaine idée de la France", mais alors laquelle ?. Petite touche verte du voyage éclair, une initiative en faveur de la forêt amazonienne parait un rien désuète et déplacée. Une touche verte après les éloges sur un Rafale capable de frappes nucléaires et susceptibles d’emmener 5 réservoirs externes de 1 250 litres chacun de kerosène… la culture des paradoxes ets au pouvoir. Vouloir c’est susciter les paradoxes disait Camus, dont acte du volontarisme même s’il écrivait cela dans le mythe de Sisyphe, peut être le vrai danger de notre future industrie, tenter d’atteindre le sommet et toujours redescendre… foutu transfert de technologies !!!
Eric,
c’est vrai, la vente de cet avion ruineux au Bresil me laisse perplexe; sans compter que rien n’est encore sur et que nous risquons d’y laisser des plumes; mais l’armement est la seule industrie où l’Etat ait un poids; et il faut bien justifier le travail de certains colonels pas encore à la retraite. 😉
un article tres interessant