Le 01er novembre est une date entrée presque définitivement dans les mœurs des français, il s’agit de la trêve hivernale qui débute pour se terminer le 1er avril.

Durant ces dates, les expulsions sont rendues impossibles et les locataires peuvent souffler à l’abri d’une procédure lourde de conséquences.

Mais au fait, qui paie pour cette mesure emprunte de bonne volonté et sur laquelle personne ne semble ni vouloir ni pouvoir revenir ? Les 2% de propriétaires malheureux, en proie à des locataires souvent de bonne foi, parfois malveillants, car une fois encore les législateurs font preuve de générosité avec les deniers des autres.

Visitez le Tribunal d’Instance de Bobigny, cet après midi du 06 octobre 2009, la salle comprend entre autres 25 propriétaires en conflit avec leur locataire. Les propriétaires sont divisés en moitié entre organismes HLM et petits propriétaires. Deux locataires seulement sont présents, laissant les propriétaires se débattre avec la justice. Il s’agit en général d’impayés de plus de 6 mois, le jugement de fin de bail tombera le 1er décembre, et les mesures d’expulsion interviendront au mieux cinq mois plus tard. Les indemnisations d’assurance sont compliquées, les charges collectives et les emprunts continuent de courir, la CAF amortit peu le choc.

 

La solidarité forcée et exclusive des bailleurs joue à plein, tant la générosité est agréable pour une société ayant décidé d’œuvrer socialement sur le compte de quelques uns. Aucune nation sur aucun continent n’exerce avec autant de bon sentiment une pression aussi forte sur des propriétaires fonciers, parfois gros, souvent petits qui écument leurs rentes à devoir attendre qu’hiver se passe. La trêve n’est pas pour eux. Comme beaucoup de victimes, ils se fondent dans l’oubli d’une société bien pensante et repue de sa bonne conscience sociale. Dans d’autres pays des Lois aident à raison les locataires en difficulté, mais la communauté se charge de compenser la perte des propriétaires, pas en France… Dans cette salle de Tribunal les bailleurs savent que le plus souvent ils ne récupéreront leur bien qu’en mauvais état, ils espèrent pouvoir expulser sinon récupérer une indemnisation au titre de la loi du 16 juillet 1991 qui leur permet d’engager la responsabilité de l’Etat qui ne respecte pas ses obligations. Avant, il faudra que l’huissier demande le concours de la Force Publique et attendre 2 mois qu’elle n’arrive pas, puis écrire au Préfet qui devra répondre dans les 4 mois pour prétendre à réparation auprès du Juge Administratif, requête qui nécessite le concours d’un avocat, donc payante.

 

Face à cette formidable injustice dont se moquent ceux qui n’en sont pas victimes, les propriétaires se taisent. Ce n’est pas bien vu d’expulser la veuve et l’orphelin, cela renvoie à Zola ou Victor Hugo. Même si les locataires ne sont pas présents au Tribunal et que des drames se dessinent derrière chaque dossier, combien sont le drame du propriétaire avant d’être celui du locataire ? Le résultat est que la construction n’est soutenue qu’au prix d’énormes abattements fiscaux, 130.000 logements restent vacants malgré des mesures d’encouragement pour les louer. Les Français ne se lancent que rarement dans l’aventure de la promotion immobilière sauf s’ils sont destinataires des logements bâtis.

La trêve hivernale pose aussi un souci moral dont il n’est pas du meilleur effet de se soucier. Un père de famille en détresse qui agresse ou vole sera facilement condamné, ce même père de famille ne paie pas son loyer et porte atteinte à son logeur et bénéficie d’une impunité toute particulière. L’Etat et les citoyens Français se rendent complices d’un acte malveillant à l’égard d’un bailleur innocent.

Le droit pourrait il s’arranger autrement pour que les victimes puissent être identifiées comme telles dans ce petit Tribunal d’Instance de Bobigny ?