Le parisien, ou jambon-beurre (avec du vrai beurre et une vraie tranche de jambon, pas de la margarine et de l’épaule reconstituée, et avec du pain « artisanal »), coûte à présent en France plus de trois euros contre 2,68 euros en moyenne (et 3,26 à Paris) pour un coût matière de moins de 70 centimes pour ceux « tous pains confondus ». Soit 1,51 % de plus en un an. Faible augmentation puisque cela faisait des années que les prix flambaient, permettant de dégager des marges colossales.

L’index Big Mac de The Economist, international, à 4,40 USD dans l’eurozone (et 6,81 en Suisse contre 2,11 en Ukraine), a son équivalent en France avec « l’indice jambon-beurre » du cabinet Gira Conseil. L’étude « Focus Traiteur » pour appréhender les tendances du marché revient à 240 euros, mais l’essentiel a filtré dans la presse… sans bien sûr vraiment s’intéresser au coût matière.

Selon nos propres informations, un vrai jambon-beurre de boulanger (attention aux imitations, même chez des boulangers) se situe aux environs de 70 cents.

Certes, il n’y a pas que le coût matière puisque bail, électricité, personnel, &c., influent. Mais serions-nous déjà plus proche de la « culbute de trois » (minimum) que la plupart des restaurateurs réalisent sur les vins ?

Prix « officiels »

Les prix de vente s’échelonneraient en France de 2,2 euros à Saint-Brieuc à plus de 3,20 à Paris pour l’ensemble des « parisiens » écoulés. Ce n’est bien sûr qu’une moyenne et dans les banlieues parisiennes les plus cossues, comptez plutôt 3,80 euros chez un boulanger. On attend bien sûr de connaître le coût matière du meilleur sandwich français Délifrance qui sera primé au prochain European Sndwich & Snack Show à Paris.

En 2006, le Sardin, de Class’Croute (une chaîne bénéficiant de prix légèrement inférieurs à ceux du boulanger du coin) s’établissait à 1,53 € (pour un panecillo à la sardine, féta, avocat, tapenade de poivrons, roquette, &c.).

Le sandwich jambon-beurre de Vac (vente au comptoir) ou VAE (à emporter) est souvent le moins cher de la gamme (prix moyen 2011 toutes catégories : 3,27 €, France entière) et le plus consommé (les deux-tiers du total, « tous pains confondus »). Du fait qu’on en trouve confectionné avec du pain industriel et du jambon reconstitué, voire aussi des « beurres » qui n’en sont pas tout à fait, celui des boulangers indépendants revient à environ de quatre à dix cents de plus qu’un autre. Les prix les plus bas pour ce produit se rencontrent en hypermarchés, les plus hauts dans les gares et stations services (du fait de la redevance à verser, des horaires du personnel, &c.).

Plus de baguette, plus de vrai sandwich  

De toute façon, il n’est plus possible de déguster un « vrai jambon-beurre à l’ancienne » puisque la baguette réellement traditionnelle a totalement disparu des boulangeries. Pour mémoire, une baguette était profondément entaillée pour lever une croûte vraiment dorée ou fort cuite et la mie, d’une consistance presque pâteuse, très blanche, se « déchirait » en délicieux lambeaux. Je suis preneur de toute adresse permettant de retrouver une telle baguette, qui était encore la norme dans les années 1960, hors restauroutes Borel…

Quant au jambon, il s’agissait d’une vraie tranche, plutôt épaisse, avec du gras et de la couenne. Il arrivait même que la baguette soit beurrée des deux côtés, que l’on trouve de copieux morceaux de cornichons. Pour trouver autre chose, il fallait aller dans des villages perdus du Massif central où la baguette était remplacée par du pain de miches : vrai régal, vrai repas quasi-complet quant à la quantité. Là, j’imagine qu’un tel sandwich se vendrait à présent dans les huit ou neuf euros…

Prix pour la profession

Je ne vais pas tenter de creuser la raison de la disparité des prix communiqués à la presse par rapport à ceux figurant sur le graphique du dossier de presse du salon parisien.

Toujours est-il que le prix moyen constaté en boulangeries, sur le graphique, passe de 2,79 (2009) à 2,86 puis 2,89 (2011). Par conséquent, les trois euros devraient être dépassés cette année. En fait, pour 2012, en boulangerie indépendante, le prix serait monté de près de 11 % pour se fixer à 2,98 euros.

Mais donc la moyenne globale se situerait encore à 2,68 du fait de prix plus bas en petites et moyennes agglomérations (moins de 2,40 à Caen, Poitiers, Saumur ; moins de 2,30 à Douai ou Saint-Brieuc). Inversement, à Paris, Bordeaux, Lyon ou Reims, on frôle ou dépasse largement les trois euros, mais cela « tous lieux de vente » (et toutes qualités) confondues.

Cela donne vraiment envie de faire son propre pain, d’aller chercher son jambon ailleurs, voire de se remettre à la besace et à la gamelle (ou cantine) de l’ouvrier se rendant au travail à vélo. Sauf que ce n’est plus vraiment possible dans les grandes agglomérations.

Là où, notamment, plus la concentration de bureaux est forte, plus les prix grimpent (ayant travaillé près de la gare Saint-Lazare, j’avais fini par sauter tout repas du midi, sauf conviviales exceptions).

Il paraîtrait que les plus chers devraient s’ajuster à la crise : c’est peut-être globalement vrai pour le jambon-beurre, et totalement faux pour, justement, les plus chers, qui veulent rivaliser d’inventivité pour faire avaler des combinaisons à dix euros à leur clientèle dédaignant le parisien.

Préférer le döner ?

À force de tenter de faire « préférer le train », la Sncf est parvenue à favoriser l’essor du covoiturage.

De même pour la boulangerie-pâtisserie. Le döner à base de viande de cheval, porc, vache et brebis de réforme, voire dinde et poulet, est devenu l’en-cas de prédilection de l’étudiant ou du stagiaire (à vie ?) impécunieux. Avant, si fringale survenait, je cherchais le boulanger du coin, c’est à présent la supérette. Payer, en grandes agglomérations, jusqu’à trois euros pour un riquiqui pain plus ou moins rassis avec quelques « pépites » de vaguement chocolaté en guise de raisins secs, cela, plus jamais.

C’est certainement la faute aux minotiers qui, à leur tour, incriminent les traders et spéculateurs détenant les silos. Ou aux présidents des grandes coopératives qui, tels des médecins, se remboursent leurs études supérieures financées surtout par les contribuables.

Quant à la restauration rapide, c’est simple : le prix n’est plus fonction du coût matière, mais de la gueule du client. J’en veux pour preuve les Prêt à manger britanniques qui, à Londres ou Paris, ne proposent que des sandwichs chichiteux, des salades étiques, alors que, dans les pays de l’Est, il s’agit de self-services de type Flunch, aux copieux plats chauds et préparations roboratives, aux prix fixés en fonction de ceux des kebabs qui les entourent.

Ah, il est sûr qu’au Flunch, le plat du jour (de ce jour), c’est des boulettes de viande (avec légumes au choix à volonté), pour moins de six euros. Au moins n’est-il pas spécifié, sur la publicité en ligne, « pur bœuf ».

En 2000, le coût matière d’un jambon-beurre (à dix grammes de beurre et 40 de jambon) était de moins de trois francs et on vous le vendait déjà, en restauration (café, bar…), cinq fois plus cher, jusqu’à environ 2,5 euros (16 FF). Le prix prenait en compte une perte pour invendus (pain rassis) de dix pour cent.

Chez le boulanger, dont le coût du pain était moindre, c’était environ cinq francs (76 cents) en 2000.

Bref, vous payez le jambon-beurre près de quatre fois davantage qu’il y a 13 ans chez le boulanger mais les cafés-restaurants populaires ont baissé leurs tarifs.

Notez que des tarifs en baisse, cela existe. Ainsi des coiffeurs pakistanais parisiens. Certains étaient montés à huit euros la coupe pour homme, au moins l’un d’entre eux est redescendu à cinq. Peut-être jettera-t-il l’éponge pour ouvrir une sandwicherie…

Une chose est sûre : avec de tels tarifs pour de tels médiocres sandwichs, il est grand temps de songer à modifier ses habitudes.