Pour ma première intervention sur ce site, j’ai choisi d’évoquer un monde que le grand public connaît peu, voire pas du tout, alors que tout un chacun est pourtant susceptible d’y être confronté un jour, pour une raison ou une autre.

Il s’agit de la Justice, un vaste univers auquel mènent nombre de chemins variés que chacun de nous est potentiellement appelé à emprunter. D’un côté ou l’autre de la barre, c’est-à-dire en qualité d’accusé ou de plaignant. Oui, chaque citoyen est aussi un justiciable que les aléas de la vie peuvent amener entre les murs d’un tribunal. Vous voilà…prévenus !

Si cette rubrique est appréciée, j’ai le projet de donner une vision réaliste de ce qu’est une audience de chambre correctionnelle en illustrant mon propos d’exemples concrets. Je m’appuierai en effet sur des affaires véritablement traitées dans un tribunal de grande instance de province afin le désir d’en restituer la dimension humaine et l’ambiance. D’un dossier à l’autre, nous passerons ainsi du tragique au cocasse en passant par le sordide, l’incongru, le mesquin, la malveillance, la cupidité, etc. Le reflet de la vie, en somme.

Pour cet article destiné à ouvrir une série à caractère judiciaire, j’ai choisi de planter le décor et donc faire la présentation globale de ce qu’est une chambre correctionnelle.


 S’ il est un endroit où les éléments qui constituent la nature humaine sont mis en lumière, c’est bien un tribunal. Là, les caractères se révèlent ; là, apparaissent au grand jour des attitudes parfois insoupçonnées. En ces lieux, les personnalités sont mises à nu, les étapes d’un parcours sont exploitées par l’une ou l’autre des parties qui les emploient afin d’expliquer, d’enfoncer, de justifier, d’incriminer, de minimiser, de souligner, d‘édulcorer… Ici, les existences sont souvent dévoilées dans leur crudité extrême, y compris parfois pour les victimes qui voient leur vie privée étalée par pour les besoins d’une plaidoirie destinée à attribuer une partie des torts à celui qui les a subis (après tout, si cette automobiliste qui tenait parfaitement sa droite et roulait à une allure modérée n’avait pas pris des antidépresseurs au moment des faits, peut-être aurait-elle pu entreprendre une manœuvre de dernière seconde quand un conducteur présentant un taux de 3,25 g d’alcool dans le sang est venu la percuter après avoir traversé la chaussée.) Hé oui : noircir l’innocent afin de faire paraître un peu moins sombre le coupable est une pratique courante. Qu’on se le dise, donc : être dans son bon droit n’exclut pas d’ être accusé à la face du monde…

Il faut aussi savoir qu’un tribunal est un endroit où tout un chacun peut se retrouver avec parfois une soudaineté déconcertante. Bien sûr, il existe les délinquants « conscients » qui prennent le risque de défier la Loi en toute connaissance de cause, comme le voleur à l’étalage, l’arracheur de sac à main ou le monte-en-l’air qui, en s’emparant du bien d’autrui, savent que leurs actes sont punissables. On rencontre aussi le conducteur qui, entre boire ou conduire, ne fait pas le bon choix, l’usager qui fraude une administration ou une assurance avec l’espoir d’un « ni vu ni connu », le commerçant qui prend des libertés avec la gestion de ses affaires, l’aide-ménagère qui règle avec un même chèque ses propres emplettes et les denrées destinées à la personne dont elle s’occupe, etc.

Mais en regard, il existe un grand nombre de justiciables qui subissent un croc-en-jambe du Destin, sous forme d’une conjonction de circonstances défavorables (au mauvais endroit au mauvais moment), de la méconnaissance ou la parfaite ignorance d’un texte (nul n‘est censé ignorer la Loi même si personne n‘en connaît l‘intégralité), d’un coup de sang, d’une déprime chronique, d’un geste malencontreux, d’une parole trop vive, d’une occasion trop tentante.

Oui, vraiment, il suffit de peu de chose, parfois, pour voir ses actes et sa personnalité déposés sur les plateaux de la balance que tient cette figure aux yeux bandés qu’on appelle la Justice dont le glaive est suspendu au-dessus de la tête de Monsieur et Madame Tout-le-Monde.

 

Le tribunal correctionnel constitue l’étage judiciaire situé entre le tribunal de police, lequel se penche sur les infractions bénignes appelées « contraventions » (de l’injure aux violences volontaires ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à 8 jours) et la cour d’assises qui s’occupe des cas les plus graves, à savoir les crimes : vol à main armée, viol, meurtre, assassinat (ainsi que tentative ou complicité.)

Devant le tribunal de police, le contrevenant risque au maximum de s’acquitter d’une amende de 1.500 € (voire 3.000 € en cas d’une récidive expressément précisée par le règlement). Le juge, qui siège seul, peut aussi lui signifier des peines subsidiaires telles que retrait de permis de conduire ou de chasse, l’interdiction d’émettre des chèques, la confiscation de véhicules ou d’objets (d’armes, notamment), l’obligation d’effectuer des stages de sensibilisation, etc.

Face à la cour d’assises, l’accusé encourt l’emprisonnement à perpétuité assorti d’une période de sûreté de 30 ans. Il comparaît devant trois juges, le président et ses assesseurs, ainsi qu’un jury populaires composé de neuf citoyens tirés au sort. Il aura à affronter l’accusateur public qu’est l’avocat général, charger de représenter la société.

En correctionnelle, qui est une chambre du tribunal de grande instance, on juge les délits.

La palette des punitions encourues est vaste et diversifiée. On risque en effet d’y écoper d’une amende dont la gamme des « tarifs » est large, d’une peine de prison (avec ou sans sursis, si inférieure ou égale à cinq ans) pouvant aller jusqu’à dix ans et même vingt en cas de récidive ou encore une peine de substitution telle qu’un travail d’intérêt général ou un stage de citoyenneté. Il existe également des peines complémentaires qui, comme leur qualificatif l’indique, s’ajoutent aux sanctions principales : suspension ou annulation de permis de conduire, de permis de chasse, confiscation d’armes, de véhicules et autres objets du délit…

Dans le meilleur des cas, on peut enfin se voir prononcer à son encontre une relaxe qui sanctifie votre situation d’innocent.

En certaines circonstances, on peut être condamné tout en étant exempté de peine.

 

Au TGI, le délinquant présumé peut, selon les cas, avoir affaire à un juge unique ou à un président assisté de deux autres magistrats, le procureur ou son substitut se chargeant de représenter le Ministère Public. Les audiences requièrent également la présence d’un huissier, chargé de consigner le déroulement des échanges et d’authentifier au final les actes par sa signature. Dans l’enceinte où se déroulent les débats, on rencontre également les avocats, qu’il s’agisse de ceux chargés de la défense des prévenus ou de ceux plaidant pour les victimes érigées en parties civiles et réclamant des comptes (souvent sous la forme sonnante et trébuchante de dommages et intérêts.) On y trouve enfin les spectateurs puisque dans cette juridiction comme dans les deux autres précitées, les audiences sont ouvertes au public sauf si le président décide qu’elles se déroulent à huis clos, ce qui est principalement le cas lorsque des enfants sont concernés, que la dignité d’une personne peut être mise en cause ou encore lorsque le magistrat craint que la sérénité des débats soit troublée par la présence ou les interventions d’une partie de l’assistance.