Réalisateur : Nicolas Winding Refn
Date de sortie : 8 juin 2016
Pays : USA, Danemark, France
Genre : Thriller, horreur
Durée : 117 minutes
Budget : 6 millions de dollars
Casting : Elle Fanning (Jesse), Karl Glusman (Dean), Jena Malone (Ruby), Belle Heathcote (Gigi), Abbey Lee (Sarah)
Jesse, 16 ans, débarque à Los Angeles dans le but de devenir mannequin. Ne possédant aucun autre talent hormis sa beauté, elle ne peut compter que sur cet atout naturel pour gagner sa vie. Mal lui en prend, le monde du mannequinat n’est pas un paradis, mais plutôt un monde sans pitié ou règne jalousie, mépris, hypocrisie et méfiance. Nicolas Winding Refn est devenue une marque. A l’instar d’un Yves Saint Laurent devenu YSL, il est devenu NWR et c’est ainsi qu’il signe son film. Un brin prétentieux car sa dernière réalisation, Only god forgives a été jugée très moyenne, louée par certains, détestée par d’autres. Ce Neon Demon est vu comme une nouvelle chance de séduire le public après le merveilleux Drive.
La séduction opère mais le film reste toujours aussi peu conventionnel. NWR appose une empreinte artie, contemporaine voire expérimentale sur sa réalisation, à se demander si Neon Demon n’aurait pas eu une meilleure place dans une biennale que dans un cinéma. De nombreux détails laissent place à des interprétations complexes et symboliques, une petite explication sur un écriteau aurait été la bienvenue. Il doit y avoir des sens cachés dans de nombreuses scènes mais ils ne sont pas faciles à saisir, par exemple ce puma qui entre par effraction dans la chambre de motel de Jesse, qui au lieu d’être choquée, est fascinée par la bête. Idem avec la scène de menstruation abondante au clair de lune, il y a quelque chose d’érotico-gore lorgnant du côté du giallo. Il y a aussi une influence lynchienne, période Mulholland Drive, dans le fait de transformer la personnalité de Jesse suite à une scène incompréhensible, point de cube bleu, mais une longue introspection dans son esprit où des triangles bleus deviennent rouges et où des visages sur les différentes surfaces s’embrassent. A cela s’ajoute des dialogues posés et calmes apportant une certaine lenteur envoûtante et où les silences ont une importance.
Malgré ce côté alambiqué, le scénario du film est d’une grande simplicité mais ce n’est clairement pas ce que le réalisateur a voulu mettre en avant. Non clairement pas, ici ce qui se démarque c’est un esthétisme léché, une ambiance horrifique et déroutante. Parfois, on a l’impression d’une succession de saynètes où les personnages sont placés dans des salles, des lieux comme hors du temps et de l’espace, perdus dans une autre dimension. Il y a peu d’interactions avec le monde extérieur, tout est centré sur un seul endroit et entre les protagonistes en question. Les photos, les prises de vue et la façon de cadrer ses plans, tout est superbe, il n’y a pas à dire, c’est soigné et travaillé aussi bien sur le fond que sur la forme. Le réalisateur sublime et donne un sens aux images. Ses personnages sont bien plus que ça, ce sont des allégories. Elle Faning est l’innocence, la pureté, la naïveté, la jeunesse, un « diamant dans un tas de verre », projetée dans un monde cruel et barbare où vivent des filles filiformes vêtues de belles robes, recouvertes de maquillage, aspergées de parfums raffinés et nourries aux coupe-faim. Progressivement, elle devient l’objet de tous les désirs exaspérant les deux autres mannequins qui la côtoient, Sarah et Gigi, plus vieilles et dénaturées par de la chirurgie plastique. Désir professionnel pour le créateur de mode mais aussi désir sexuel pour les hommes et les femmes. Niveau musique, Cliff Martinez collabore une nouvelle fois avec le réalisateur danois, offrant des compositions collant parfaitement avec l’ambiance , quand le son et l’image sont en parfaite symbiose.
Nicolas Winding Refn avec Neon Demon revisite à sa façon le mythe de Narcisse. Le film est complexe et critique, il produit le même effet qu’une oeuvre d’art contemporain, on adore, on déteste ou on reste perplexe mais cela ne laisse pas indifférent.