Tayeb Salih : un minimalisme de génie !

Tayeb Salih, était un écrivain soudanais, certains trouveront ses histoires vides de tout talent littéraire, d’autres trouveront en ses écrits un simple squelette, une ébauche qui ne mérite pas d’être lu, mais personnellement, je trouve que sa façon d’écrire est très originale. Bien sur il a fait de grands chefs d’oeuvres reconnus par tous, il est même considéré parmi les meilleurs écrivains arabes, mais moi je ne parle pas de ses chefs d’oeuvres, je parle d’un certain texte qui m’a vraiment troublé, car avec seulement quelques mots, son minimalisme totalement rudimentaire nous laisse imaginer notre propre histoire et ça c’est magique ! Je pense notamment à son livre Douma wid Hamid

et surtout au passage parlant de Suzanne et Ali (En réalité ce passage raconte le vécu de Tayeb Salih).

 

Pour vous montrez le minimalisme totale dont je parle, je vais vous traduire un passage, sans enrober, en traduisant simplement mot à mot. Bien sûr la langue arabe est déjà minimaliste mais Tayeb Salih a su le pousser à l’extrême, pour lui pas besoin de milliers de mots, avec peu, il estime que le lecteur peut comprendre et s’imaginer, lui même, l’histoire.

 

"Son nom était Ali. Son nom à elle :  Suzanne. Khartoum. Londres."

 

J’entrecoupe la traduction ici juste pour signaler qu’avec une dizaine de mot il a su exprimer ce qu’un écrivain bannal écrirait en un paragraphe : L’histoire parle d’un jeune homme appelé Ali et d’une femme prénommée Suzanne. Ce dernier était originaire de Khartoum, quand à la jeune femme, elle vivait à Londres.

 

"Elle a étudié l’art dans l’école Slide, il a étudié les sciences politique à l’institut d’économie de l’université de Londres.

Elle dit : Epouse moi.

Il dit : Non, c’est difficile…

– Mais je t’aime !

– Et moi aussi je t’aime mais…

Il retourna ensuite dans son pays, ils se mirent à s’écrire.

Elle dit : " Mais je t’aime Ali"

-Mais moi aussi je t’aime, mais…

Six mois [sous entendu passèrent]

Elle écrit :  J’ai rencontré un homme, je vais l’épouser.

Il écrit : Mais je t’aime Suzanne !

Les lettres s’arrêtèrent.

Il pensait à elle la plupart du temps.

Elle pensait à lui de temps à autre. "

 

Voilà certains trouveront ce récit vide, personnellement, je le trouve grandiose, simple, sans artifice, les points de suspension remplace tant de "blabla" que l’on retrouve partout, on s’imagine très bien ce que remplace cette ponctuation, et toutes les proses artificielles ne manquent pas du tout. J’ai pu alors m’imaginer toute l’histoire comme bon me semblait, sans être contraint par le moindre mot, enfin le lecteur peu être actif, c’est une nouvelle façon de lire et personnellement, je trouve cela bien de toucher à tout et de voir d’un oeil différent.

 

 

 

 

4 réflexions sur « Tayeb Salih : un minimalisme de génie ! »

  1. [quote]Juifs, chrétiens, musulmans ils imaginaient tous que tout était écrit dans les livres et pourtant….et pourtant……

    Libertinus [/quote]

  2. Bonjour,
    Personnellement, je doute de ce minimalisme en littérature mettant en valeur la phrase nominale et la syntaxe. Point. La langue a cette particularité narrative de sous-tendre toute une culture dans l’appropriation de ses mots, de ses phrases par construction, par accumulation…
    On arrive ici à trouver une écriture robotique, épuré, à l’opposé de toute poésie, celle où le lecteur se laisse emporté… Comme ici : « Le musicien peut chanter pour vous la mélodie qui est en tout espace. Mais il ne pourrait vous donner l’oreille qui saisit le rythme, ni la voix qui lui fait écho. »
    Khalil Gibran Le Prophète
    L’art minimal finit par passer à côté de l’essentiel, la recherche du beau ou de l’émotion. Un grand tableau noir au mur d’une pièce vide. Oui, tu peux apprécier cela, souligner cette tendance design qui a beaucoup d’adeptes et qui a ses motivations. Et dans ce tableau, libre à toi de laisser ton imagination peindre la Joconde, le Déjeuner sur L’herbe ou encore la Réminiscence archéologique de l’Angelus de Millet.

    «L’art naît de contrainte, vit de lutte et meurt de liberté. » André Gide

  3. Oui il est vrai qu’en français, cela donne un aspect robotique mais en arabe, cela ne donne pas du tout cette effet là, enfin je trouve car dans cette langue, il y a déjà beaucoup de sous entendu comme par exemple le verbe être qui n’est pratiquement jamais employé, un peu comme l’espanol qui ne met pas les pronoms personnels, du cout on s’habitue un peu a deviner les choses et c’est après cette adaptation qu’on peut l’apprécie, mais c’est tellement différent de ce qu’on a l’habitude de lire que la premiere fois ça choque !

  4. Bonjour..
    Saleh a fini son récit par « mais » qui a un sens (peut-être: elle pense à lui mais elle se maria)..

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