Ils vont tirer la tronche, à Riposte laïque : voici que leur emblématique meilleur adversaire, l’universitaire Tariq Ramadan, passe aux yeux de plus islamistes que lui pour un impie, voire pire. Selon au moins un commentateur, Tariq Ramadan viserait l’édulcoration « christianisée » de l’islam.

J’éprouve une « sympathie » fort mitigée envers (plutôt qu’à l’égard de…) Tariq Ramadan. Le duettiste de Caroline Fourest (autre bête noire de Riposte laïque car islamophobe vaguement modérée mais non xénophobe) me semble surtout recourir à son érudition pour asseoir la domination masculine et limiter la clientèle des éleveurs de sangliers. Son dernier truc, ce sont les fraudes au halal (aux saucissons de poulet ou de mouton décrétés « certifiés halal » sans « aucune référence islamique »). Son combat de l’heure est donc l’élaboration d’un « rituel de certification halal respectueux de la tradition musulmane et des règles émises par les savants contemporains. ». En France comme ailleurs, les hormones et les farines d’os de bovins doivent être halal ou ne pas être, et pour ce faire, il convient que seuls les bons habilités encaissent : le tapis roulant pour les additifs kacher mènent à n’importe quel rabbin, mais seuls les sacrificateurs musulmans estampillés par le Conseil français du culte musulman (CFCM) peuvent prendre place au bout de l’autre chaîne. On ne sait jamais, des fois que l’eau de la saumure aurait été bénie par des cathos, mieux vaudrait des contrôles largement en amont. Et donc plus rémunérateurs.

D’accord, je caricature : tout évolue, et donc, les « savants contemporains » peuvent, en concertation avec des religieux musulmans, voir si telle ou telle méthode d’élevage en batterie est passable ou non. Il n’y a évidemment pas que du nocif dans la plupart des religions et l’islam est censé condamner l’élevage intensif (sauf, sans doute, si l’industriel ne rechigne pas trop à financer la future mosquée ou l’école coranique).

Tariq Ramadan n’en est pas à une contradiction près : il apprécie des poèmes de Paul Verlaine (fameux fornicateur bisexuel adultérin), dont certaines pratiques l’exposaient à la peine de mort, selon les préceptes prescrits par Tariq Ramadan et consorts.

Imaginez des imams gays (comme Moulana Mushin Hendricks ou Daayiee Abdullah) en bout de chaîne de certification halal !

Aurait-on, par hasard, vu Tariq Ramadan, à Oxford, par exemple, où il enseigne, refiler une carte de la Saint-Valentin (fête païenne condamnée par certains imams) à une sémillante étudiante ? On ne sait. Toujours est-il que Tariq Ramadan n’est plus tout à fait en odeur de sainteté aux yeux de certains islamistes (voire d’ultra-pieux musulmans).

Je l’ignorais jusqu’à voici peu.

Il se trouve que la BBC a confié le soin à un certain Rageh Omaar de présenter une émission consacrée à la vie de Mahomet. Cela devrait réjouir tous les mahométans. Mais il s’en est trouvé au moins un, ou plutôt une, la dénommé Sarah Kalam, pour considérer que les invités aux débats sentaient le soufre. « Bonne idée, mais horrible choix de consultants, tels Ziauddin Sardar, Sajjad Rizvi, Tariq Ramadan et John Esposito (…) Ces types sont des déconstructionnistes radicaux qui veulent réécrire l’histoire, démanteler l’Islam et en faire une religion ”christianesque” » (dans le texte anglais Christianesk).

Ah, tiens donc. Tariq Ramadan, suppôt du Vatican, ou de Salt Lake City (la « mecque » mormonne), ou du patriarcat de Constantinople (s’il existe toujours) ? Si fait. Lu ailleurs : « au-delà des mots hérétiques que Monsieur Tariq Ramadan propage, ce dernier agit concrètement contre la Oumma de notre Mohamed (sur lui la prière et la paix), par conséquent, il est tout à fait raisonnable de penser que Monsieur Tariq Ramadan, non seulement a sur les mains le sang des frères et des sœurs, mais plus grave, de femmes et d’enfants innocents. » Le contexte : Tariq Ramadan se serait fait rétribuer en tant que consultant par Tony Blair. Il aurait sur sa tête une sorte de fatwa qui ne dit pas son nom et un certain Memtmati Mâamar offre une forte récompense (15 000 euros) à qui pourrait le discréditer et dénoncer son impiété. Bingo pour qui rapporterait la sex vidéo de Tariq Ramadans in bed with Marine Le Pen (si possible dans la suite 2086 du Sofitel de New York, mais un hôtel de Genève ferait aussi l’affaire). Mâamar, qui émarge aux éditions Les Douze, et aurait dénoncé l’imposture du dit Ramadan dans une somme intitulée Tariq Ramadan et l’homosexualité, notamment, n’est pas tout à fait isolé. Son patronyme est d’ailleurs « piraté » pour servir d’intitulé à des sites Internet en disant pis que pendre.

Lu dans un commentaire du Mauricien Rafic Soormally : « Tariq Ramadan veut corrompre l’Islam ». Aussi blasphémateur que Salman Rushdie, selon cet autre penseur, il serait aussi un peu, voire beaucoup, sioniste sur les bords.

Bref, il y a du rififi entre concurrents, prêcheurs et conférenciers rétribués.

Tous ces gens qui invoquent leur dieu et se réclament de lui pour reconnaître les siens (ou plutôt les leurs) ici-bas et les priver de pognon ou de postes, sièges, chaires et autres rétributions (de sacrificateurs halal par exemple) sont bien compliqués. Bah, tant que les gogos en redemandent…

Il existe, paraît-il, un élevage de bénédictins en Bourgogne. C’est bio, paraît-il. Halal, allez savoir. Bah, s’ils payent, ils trouveront bien…