Le volcanisme énigmatique des Îles Canaries : Informations géologiques existant dans le domaine II

Chapitre 2 : L’interconnexion Seine Abyssal Plain-Horseshoe Abyssal Plain-Ferradura Abyssal Plain.


Les Montagnes de l’Atlas et le plateau continental, au large de l’Afrique du Nord-Ouest, – Maroc et Sahara Occidental -, se connectent, par un canyon, l’Agadir Canyon, de 450 kilomètres de long courant à flanc de talus du promontoire sous-marin de plus de 600 kilomètres de long, l’Essaouira Promontory Rise, – une marge passive malgré qu’aucune limite de plaque tectonique ne soit existante en ces lieux -, et son chenal, le Lars Canyon, 75 kilomètres de longueur, avec le bassin d’Agadir, – 4.275 mètres de profondeur -, et la Seine Abyssal Plain, – 4.400 mètres de profondeur moyenne, 4.932 mètres de profondeur maximum -, un système de drainage turbiditique daté de l’Oligocène, – 33,9 à 23,03 Millions d’années -. Ce système se terminant, dans sa partie Sud, au large des Archipels de Madère et des Canaries, par le Madeira Abyssal Plain, est en relation directe, sur son Nord, par l’intermédiaire de la Seine Abyssal Plain, avec la frontière, – une succession de limites de plaques transformantes et convergentes -, des plaques Eurasie et Afrique, le Golfe de Cadix et son Système sédimentaire Cadix Contourite, – Cadiz Contourite Depositional System -, le Horseshoe Abyssal Plain, le Ferradura Abyssal Plain et le Détroit de Gibraltar et le Lower core of MOW.


La connexion du système de drainage turbiditique Agadir Canyon-Seine Abyssal Plain-Agadir Basin-Madeira Abyssal Plain avec le système sédimentaire Cadix Contourite par la conjonction Seine Abyssal Plain-Horseshoe Abyssal Plain-Ferradura Abyssal Plain, prêtent à penser que les hypothèses de glissements de terrain, d’effondrements colossaux, de séismes de grande ampleur et d’inondations cataclysmiques qui se seraient produits dans la zone Sud Portugal, dans ou en périphérie de l’Azores-Gibraltar Ridge et dans ou en périphérie du Goringe Ridge, voire du Carvalho-Araùjo Trough, pourraient être reconsidérées.


En contact direct avec la frontière des plaques Eurasie et Afrique, deux régions, de part et d’autre du détroit de Gibraltar, y sont fortement sismogènes, à l’Ouest, le triangle Azores-Gibraltar Ridge-Goringe Ridge-Carvalho-Araùjo Trough, dans l’Océan Atlantique et, à l’Est, la microplaque tectonique de la Mer d’Alboran, en Mer Méditerranée. Le séisme de Lisbonne, du 01 Novembre 1755, trois secousses sismiques en quelques minutes ressenties jusqu’à Hambourg et aux Açores, d’une magnitude estimée entre 8.5 et 9.0 sur l’échelle de Richter, – évaluée à 8.7, en 1960, par le sismologue américain Charles Richter -, en est la manifestation historique de référence. Le raz de marée qui avait suivi, avec des vagues de 5 à 15 mètres de hauteur, avait détruit les ports du Golfe de Cadix. Son épicentre avait été, initialement, situé au Coral Patch seamount, aux abords même de la Seine Abyssal Plain, à 200 kilomètres au Sud-Ouest du Portugal, le long d’une grande faille transformante Açores-Gibraltar, une région où les plaques Afrique et Eurasie s’affrontent. Dans une telle conjoncture sous marine, la lame de fond du tsunami se déplaçant à la vitesse de 19 mètres seconde délavant les strates de sédiments atlasiens de la Seine Abyssal Plain, de l’Agadir Basin et ceux piégés par l’écheveau de canaux, pouvait déposer les dits sédiments dans la Plaine Abyssale de Madère, l’hypothèse des glissements de terrains sous-marins géants, provoqués par des tremblements de terre de forte magnitude, y trouve ses tenants.



Mais des études bathymétriques ont permis de localiser l’hypocentre du tremblement de terre à 100 kilomètres à l’Ouest, au large du Golfe de Cadix, au Goringe Ridge, aux abords du Horseshoe Abyssal Plain dont le lent comblement progressif n’est constitué que de strates, – argiles pélagiques, sables, coulées de débris et dépôts turbitides -, émanant de la zone Sud Portugal, du Golfe de Cadix et du complexe bétique, des éléments qui devraient se retrouver dans la Seine Abyssal Plain et l’Agadir Basin. Aucun carottage, à ce jour, n’a apporté la moindre preuve de leur présence dans les strates de la plaine abyssale de la Seine, d’une part, et du bassin d’Agadir, d’autre part. En outre, les datations de dépôts sédimentaires produits lors de grands séismes dans le Golfe de Cadix, – tsunamites dans la lagune de Cadix et turbidités dans les plaines abyssales de Ferradura et de Horseshoe -, permettent de constater que des séismes d’une magnitude supérieure à 8.5 sur l’échelle de Richter se produisent et se répètent avec une récurrence sismique de 1.500 à 2.000 ans.



Chapitre 3 : L’énigme de l’Agadir Canyon.


Avec ses 400 kilomètres de longueur à laquelle il faut rajouter les 75 kilomètres de son chenal, le Lars, le prolongeant, le canyon d’Agadir est le deuxième plus long canyon sous-marin au Monde après celui de Béring(5) et ses 1.100 kilomètres d’étendue. Se référant à la définition d’un canyon sous-marin, celui-ci est une vallée encaissée développée sur le plancher océanique du talus continental plus ou moins sinueuse et ramifiée. Creusés dans l’axe de pente et en direction du glacis, ils servent de conduits majeurs pour le transport des sédiments, provenant des terres et du plateau continental, vers les fonds marins abyssaux. Exceptés ceux du Sud de la Mer de Béring, et quelques rares autres, qui se sont développés avec des tendances structurelles, ils se sont formés hors de la bouche des fleuves. Leur longueur moyenne est estimée à environ 55 kilomètres et leur pente moyenne à 58 mètres au kilomètre, – pour les canyons les plus courts, ceux du groupe d’Hawaï, longueur 6 à 10 kilomètres, leur pente est estimée à 144 mètres au kilomètre -, et celle du Canyon de Béring à 7,9 mètres au kilomètre. Les processus physiques et biologiques qui sont communs, dans les canyons, sont les mouvements de masse, – délogement et mouvement des sédiments vers l’aval sous l’influence de la pesanteur -, les courants de turbidité, – un des plus importants processus d’érosion et de sédimentation avec des écoulements de turbidité des courants à des vitesse de 28 à 280 centimètres seconde -, les courants de fond et la bioérosion.



Bien que nombreuses celles qui traitent de la sédimentation, rares à inexistantes sont les études bathymétriques publiées concernant l’Agadir Canyon. En effet, ce canyon et une énigme géologique. Logiquement, un canyon sous-marin démarre en marge du plateau continental et plonge, vers les profondeurs marines, – bassin et/ou plaine abyssale -, dans l’axe de pente du talus. Pour l’Agadir canyon, – 12 à 16 kilomètres de largeur moyenne, 24 à 26 kilomètres dans sa partie la plus large -, il en est tout autrement et sa vallée encaissée, profonde, son bord dextre abrupt et le senestre plus ouvert à cause d’éboulements provoqués par la bioérosion, est creusée dans la longueur du plateau, actuellement proche du talus, de l’Essaouira Rise. Seul son chenal terminal, le Lars Canyon, qui lui est perpendiculaire, correspond aux normes des canyons sous-marins : axe dans la pente du talus et émissaire de l’Agadir Basin.



Il n’est pas question de contester l’existence des courants de turbidité, mais il est impensable que des courants de faible impact, – à une vitesse inférieure à 15 centimètres par seconde pour l’écoulement de turbidité dans l’Agadir Canyon -, puissent creuser des canyons à travers un plateau continental, et tout particulièrement un canyon de 400 kilomètres de longueur et de 12 à 16 kilomètres de largeur moyenne, – 24 à 26 kilomètres dans sa partie la plus large –, avec une pente assez négligeable. Ne faudrait-il pas rechercher une explication qui pourrait être plus plausible ou plus rationnelle ? En effet, en regard de la conjoncture géologique, au large de la côte Nord-Ouest africaine, l’Agadir Canyon démarre avec deux branches qui se rejoignent, la plus au Nord, dans l’axe de l’embouchure de l’Assif Aït Ameur, la plus au Sud, quasi comblée par les sédiments, dans celui de l’Oued Arrhen. Aussi se pose la question : « l’Agadir Canyon, avec ses deux branches originelles, n’aurait-il pas été formé par ces deux rivières, d’apparence ayant conflué au large d’Agadir, lorsque cette zone océanique, au moment de La Pangée voire des millions d’années après la dislocation du supercontinent, se situait au-dessus du niveau de la mer, coincée entre les actuelles Amérique du Sud et Afrique ? »

 

S’il en était ainsi, l’eau aurait pu, lors, transporter aisément les sédiments atlasiens vers la plaine abyssale de Madère. Mais ce n’est qu’une hypothèse

 

Notes.


(5) Développement des grands canyons sous-marins dans la mer de Bering, expliqué par les caractéristiques morphologiques, sismiques et sédimentologiques, Geological Society of America, Paul R. Carson et Herman A. Karl.

 

 

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A suivre, chapitre 4 : L’hypothèse de la submersion de l’Essaouira Promontory Rise.