Taisez-vous, Bernard Tapie !

"Nicolas Sarkozy a été évidemment totalement étranger au choix de la procédure, au choix des arbitres, à la décision", a déclaré Bernard Tapie dans Le Parisien, à propos du scandaleux arbitrage privé qui lui a octroyé 285 millions d’euros (publics, eux) en dessaisissant la jutice de la République dont la dernière décision, celle de la plus haute juridiction, la Cour de cassation, réunie en séance plénière qui plus est, l’avait fermement débouté (lire Bienvenue en monarchie bananière). Sur cette affaire, notons que Jean Peyrelevade, président du Crédit Lyonnais de 1993 à 2003, qui ne s’était pas encore exprimé, a réagi dans les colonnes de Médiapart : "Je suis gravement mis en cause par les arbitres. Ces derniers ont entendu Bernard Tapie. Je ne l’ai pas été, ni mon témoignage sollicité. Dès lors, le débat n’a pas été contradictoire ce qui me paraît contraire aux principes les plus élémentaires du droit français." Quelle est en effet cette "justice" qui reçoit et entend l’une des parties sans permettre à l’autre de se défendre ? Mais revenons à la déclaration de Tapie, selon laquelle le chef de l’État est "évidemment totalement étranger" à toute l’affaire. Or l’on sait que le ministère de l’Économie a donné l’odre écrit à l’Établissement public de financement et de restructuration, l’organe de tutelle du Consortium de réalisation (CDR), la structure publique qui gère le passif du Crédit Lyonnais, d’abandonner la procédure judiciaire normale pour confier l’affaire au "tribunal arbitral" privé. L’information en a été donnée par Médiapart et Le canard enchaîné et le directeur de cabinet de Christine Lagarde, Stéphane Richard, l’a confirmé. Le canard enchaîné s’est procuré le procès-verbal de la réunion du CDR du 10 octobre et le reproduit : "Jean-Yves Leclerq, l’un des représentants de l’État, "indique que les administrateurs représentant l’Etat ont reçu pour instruction de Christine Lagarde de se prononcer en faveur de la proposition" des liquidateurs du groupe Bernard Tapie de soumettre le dossier à un tribunal arbitral plutôt que de poursuivre la voie judiciaire normale." On voit que c’est Bernard Tapie qui a réclamé un arbitrage et que la ministre de l’Économie a ordonné qu’on le lui accorde. On parle de centaines de millions d’euros mis en jeu : imagine-t-on une fraction de seconde que Christine Lagarde prenne seule la décision de l’arbitrage ? Sans que l’ordre ne lui vienne de plus haut, de l’Élysée précisément ? Elle aurait tranché sans demander son avis à Nicolas Sarkozy ? Allons, un peu de sérieux ! En prétendant que le président est "évidemment totalement étranger" à cette décision – on adore le "évidemment" ! -, le bonimenteur passe les bornes du foutage de gueule. Question subsidiaire à Dominique de Montvallon, qui a enregistré pour Le Parisien cette invraisemblable affirmation : pourquoi l'avoir avalée sans tressaillir ? Une simple question, élémentaire sur le plan journalistique, aurait suffi à éclairer l’énormité du mensonge : "Monsieur Tapie, le directeur de cabinet de Christine Lagarde a confirmé que l’ordre de confier l’affaire à un arbitrage, plutôt que de laisser se poursuivre la procédure judiciaire normale, venait bien du ministère de l’Économie. N’est-il pas invraisemblable que Nicolas Sarkozy n’ait pas donné son aval ? Pourquoi alors prétendre qu’il n’y est pour rien ?" Cette question, Dominique de Montvallon, qui n’est pas un jeune journaliste inexpérimenté mais le Directeur Adjoint de la Rédaction du quotidien, ne l’a pas posée.

richardPS : Énième illustration de cette République bananière des copains et des coquins, le directeur de cabinet de Christine Lagarde, Stéphane Richard, s’est rendu coupable de fraude fiscale et dut s’acquitter d’un redressement de 660 000 euros, comprenant "un arriéré d’impôt au titre de l’année 2002, les majorations usuelles ainsi qu’une pénalité de ’mauvaise foi’ d’un montant de 5%". L’hebdomadaire Marianne, qui révèle l’information dans son édition du 27 octobre 2007, évoque des "négociations" entre Stéphane Richard et le fisc, grâce auxquelles un "compromis" est trouvé le 15 mai 2007, une semaine exactement avant la nomination de ce dernier à Bercy ! On ne s’embarrase décidément pas d’honnêteté dans ce gouvernement. Lire à ce sujet Les délinquants au pouvoir. Au fait, qui a prétendu, durant la campagne pour la présidentielle : "L’autorité et le respect, c’est de notre côté. La fraude et le soutien à la délinquance, c’est de l’autre côté" ?