UK : Le gouvernement de Theresa May – c’est la fête à Bojo

Seule certitude, Philip Hammond, nouveau ministre des Finances de Theresa May, a confirmé l’intention de la Première ministre de ne pas précipiter la sortie de l’Union européenne. Le nouveau gouvernement tentera de trouver sa cohésion cet été, et de la renforcer pour étudier les conditions du Brexit cet automne. BoJo (Boris Johnson) le farceur jouera sans doute la même partition.

Ce mercredi après-midi à 14 heures locales (de Londres), tous les postes ministériels n’étaient pas encore attribués. Mais les principaux rôles avaient été distribués la veille au soir, et l’esquisse de leur signification, que j’avais, à chaud, tracée sur BlastinNews (« Theresa May forme un gouvernement composite », reste, à grands traits, valide.

Mais on peut déjà approfondir. En ne manquant pas d’appuyer sur la surprise de la soirée d’hier. Soit l’attribution de la « pochette » du ministère des affaires étrangères à Boris Johnson. Nominalement, il s’agit d’un portefeuille à part entière. Et cela fait l’effet, un peu partout aussi dans le monde, comme l’a titré le Daily Mirror, d’une bombe… Aussi à retardement ? Tout dépendra de la cohésion ministérielle.

La une du Mirror, le seul quotidien, avec The Guardian, proche des travaillistes, reprend l’une des photos de BoJo faisant le pitre à l’occasion de l’ouverture des derniers Jeux olympiques avec cette légende assassine : Dear World, Sorry (chère planète, désolé). Libération, au lendemain du référendum sur le Brexit, avait choisi une photo similaire mais moins féroce en souhaitant « bonne chance » (avec BoJo, alors donné potentiel futur Premier ministre, au Royaume-Uni.

Pourquoi tant de consternation mêlée d’hilarité ? Cela tient tant aux outrances de BoJo lors de la campagne du Brexit qu’antérieurement à sa longue série d’articles eurosceptiques dans The Telegraph. Il s’y révélait caustique, baratineur, exagérateur, tel un Thierry Roland en verve transcrivant sur le papier ses chroniques.

Toute la presse britannique, mais aussi internationale, a publié des florilèges de ses articles ou saillies verbales. The Independent a publié une mappemonde : la carte de tous les pays qu’il a insulté. Cela divise le monde à peu près en deux, la majorité de l’Amérique centrale et du Sud est épargnée, tout comme l’Afrique du Nord et sahélienne ainsi que l’Asie centrale.

Sa nomination correspond à deux hypothèses. La première : qu’il se calme, se montre aussi longtemps que possible solidaire, et se contente d’un rôle de fait secondaire. Car les choses sérieuses, en politique extérieure, seront traitées par Theresa May, Philip Hammond, aux Finances, David Davis, nommé Brexit secretary (ministre chargé de la sortie de l’UE), Liam Fox (commerce extérieur) …  BoJo sera soigneusement bordé. La seconde est encore plus hypothétique : que Trump remporte les élections aux États-Unis. Certes, il l’avait décrit « étonnamment ignorant » mais les deux hommes s’étaient rapprochés (BoJo, né à New-York, a renoncé à sa citoyenneté étasunienne pour des raisons fiscales). Mais entre autres aménités qu’il a réservé à Hillary Clinton (ou aussi à Obama), figure ce difficilement oubliable « une sadique infirmière d’hôpital psychiatrique ». BoJo saura aussi s’appuyer sur les parlementaires américains les plus favorables à Israël.

L’autre surprise tient à la reconduite de Jeremy Hunt à la santé publique. Il s’était fortement aliéné tous les personnels du NHS (l’Assistance publique élargie à tout le territoire britannique). Moindre étonnement, Andrea Leadsom, la dernière rivale de Theresa May à s’être désistée, et fervente pro-Brexit, est nommée à l’Environnement et l’Agriculture (elle était auparavant chargée de l’énergie).

La presse britannique répartit les ministres et secrétaires d’État de premier ou second plan entre Brexiters et Remainers. C’est jusqu’à présent vraiment déséquilibré, avec dix pro-maintien et seulement quatre pro-sortie (mais à des postes importants : Davis, Johnson, Fox, Leadsom). L’autre fait marquant est que, contrairement à l’usage, le renouvellement est important. La liste des remerciés, avec George Osborne en tête, dès tôt hier soir, montre que David Cameron n’a pas pu ou su replacer ses proches, dont trois femmes : Nicky Morgan (éducation), Theresa Villiers (Irlande du nord), et Tina Stowell (relation avec la chambre haute, les Lords). Peu avant 15 heures (à Big Ben), cinq postes ministériels n’étaient pas encore pourvus de même que celui de Leader of the Commons (lequel assiste au conseil des ministres). Donc, le décompte de la proportion féminine ne pouvait être établi.

Mais sur les 17 portefeuilles attribués, on remarquait que six vont à des femmes (huit, celui de Premier ministre inclus, étaient attendus). Prévision vérifiée avec la nomination de Priti Patel au Développement international (elle était auparavant chargée de l’Emploi). Creg Clark, aux Entreprises, voit ses fonctions élargies à l’Énergie et au changement climatique. La proportion entre Remainers et Bretixers s’est creusée (14 contre 7).

La nomination de Karen Bradley à la Culture, peu avant 16 heures (17 à Paris), accroît la présence des femmes. Contrairement à Margaret Thatcher, Theresa May a vraiment nommé ou promu des femmes.

Il avait été un moment envisagé que Iain Duncan Smith revienne au gouvernement. Il avait démissionné en raison des mesures fiscales de George Osborne, faites, selon lui (et les faits) au détriment des « plus vulnérables ». Il avait fait campagne pour Andrea Leadsom. Il est possible qu’il ait décliné un portefeuille. L’ancien ministre du Travail, un Écossais eurosceptique, pourrait retrouver un rôle plus important au sein du parti conservateur…

Le poste de l’Agriculture n’est pas vraiment un cadeau pour Andrea Leadsom : l’Union européenne accorde des subventions aux agriculteurs et éleveurs et pêcheurs britanniques… Ces subventions peuvent représenter plus de la moitié de leurs revenus. Elle s’était prononcée pour leur suppression. Elle s’est aussi déclarée favorable à la chasse aux renards (sujet très controversé), à la cession du domaine forestier, et s’était montrée réticente à l’adoption de mesures environnementales.

Le Cabinet Secretary tardait, ce soir, a être désigné. Il s’agit d’un rôle similaire à celui de directeur et secrétaire général de la présidence française. Le bureau du cabinet a la haute main sur la fonction publique. Le ou la Leader of the Commons (responsable des relations avec la chambre des Communes) n’était pas non plus nommé. Mais finalement, à la fin de l’heure du thé, le Cabinet a été complété. Il compte, Première ministre incluse, huit femmes (autant que sous Tony Blair, une de plus que sous Cameron), et sept Bretixers.

Theresa May est issue d’une grammar school et la proportion d’anciens élèves des écoles publiques s’accroît. Mais en dépit des déclarations de la Première ministre sur les inégalités, ce gouvernement semble malgré tout, en dépit de la non-reconduction d’Osborne, plus marqué à droite. Pour The Independent, elle conservera sans doute le surnom de Theresa Slay (pour n’avoir pas reconduit la garde rapprochée de son prédécesseur).

10 Downing St : BoJo renonce, Theresa May favorite

Boris Johnson n’a pas su manœuvrer Michael Gove, son principal allié lors de la campagne du Brexit. Ce dernier ayant déclaré qu’il se présentait pour la succession de David Cameron, BoJo a prudemment jeté l’éponge. Selon les observateurs, Theresa May, actuelle ministre de l’Intérieur, qui avait prudemment, sans la moindre emphase, opté pour le maintien dans l’UE, serait largement favorite.

Mrs Gove avait laissé fuiter hier un courriel expédié à son mari dans lequel elle l’avisait que, faute d’obtenir de solides garanties de la part de Boris Johnson (sans doute un portefeuille de vice-Premier ministre), il ferait mieux de renoncer à un « ticket » BoJo-Gove en vue de la succession de David Cameron, le 9 septembre prochain. L’actuel ministre de la Justice s’est déclaré candidat, deux proches de BoJo se sont prononcés pour lui, et l’ex-maire de Londres, encore dauphin présumé hier, s’est retrouvé contraint de se retirer.

La grande favorite après ce coup de théâtre est Theresa May, actuelle ministre de l’Intérieur. Intérieur contre Justice : ne plaquons pas les mises en scène françaises sur les décors britanniques. Car Theresa May ne met aucunement l’accent sur les questions judiciaires ou de maintien de l’ordre, mais sur l’austérité, l’imposition, les aides sociales, &c. Ce n’est pas forcément se démarquer de Gove ou des autres concurrents (deux ministres, Stephen Crabb et Andrea Leadsom, un ex-ministre, Liam Fox). Mais c’est se différencier de l’actuel gouvernement, en particulier de George Osborne qui avait fait de la réduction du déficit budgétaire un point-clef et s’était particulièrement illustré en maître-d’œuvre du Project Fear (alarmisme outrancier sur les conséquences du Brexit).

Theresa May assure qu’elle s’entourera de Brexiters mais que l’invocation de l’article 50 n’interviendra qu’à la fin de l’année. Bref, il s’agit, en vue des élections générales, à la fois de tenter de récupérer des voix du côté des travaillistes ayant voté pour la sortie de l’UE, avec des mesures d’étalement de la réduction du déficit jusqu’à ces élections (2020) et de moindre pression fiscale, et aussi de rassurer les partisans du maintien puisqu’elle s’affirme européo-compatible.

Après 2020, elle porterait l’effort sur la réduction des dépenses, sans remonter de nouveau les taxes (la TVA a augmenté, mais celles sur les successions ou frappant les entreprises ont été réduites).

Elle a aussi mis en avant ses origines modestes (fille d’un vicaire, petite-fille d’un sous-officier), sa retenue à se mettre en avant dans les médias, ou à répandre des vacheries en coulisses. Sur ce dernier point, elle s’est départie de ce type d’attitude en se moquant ouvertement de BoJo.

Le handicap de Gove, que BoJo a su évoquer perfidement, c’est qu’il avait très nettement déclaré qu’il ne se sentait pas l’étoffe d’un Premier ministre (contrairement à David Cameron, dont il souhaitait le maintien en poste après le référendum). Il l’avait affirmé par au moins trois fois (octobre 2012, mars 2014, juin 2016), et de fait, avait poussé – s’il en était besoin – BoJo à se déclarer candidat.

Il a fortement indisposé les partisans du maintien dans l’UE, en renchérissant sur les exagérations de BoJo. Et il passe désormais pour un traître, un ambitieux, prêt peut-être à se rallier à Theresa May si un poste ministériel lui était promis.

Theresa May, s’adressant aux classes populaires sur l’antienne du « j’ai compris vos difficultés » et surtout en écartant l’idée d’un second référendum invalidant les résultats du précédent, en se déclarant prête à longuement négocier après avoir différé, mais accepté que l’article 50 s’applique, a toutes les chances de son côté. D’autant plus que David Cameron l’appuiera discrètement, que les 27, comme l’a laissé entendre Michel Sapin à la BBC, pourraient lui concéder des accommodements sur la question de l’immigration « choisie », et qu’elle a déjà engrangé divers ralliements d’importance.

Si désignée, elle devra affronter, sur le plan intérieur, l’épineuse question de l’Écosse. Mais en dépit d’un veto espagnol, appuyé par la France, sur l’ouverture de tractations avec l’Écosse, les 27 semblent se préparer à lui réserver un statut particulier. Cela pourrait retarder la perspective d’un nouveau référendum sur l’indépendance, mais aussi conforter la position du SNP (indépendantiste) qui ne saurait l’exclure indéfiniment.

Reste à savoir, en dépit des déclarations non équivoques de Theresa May, ce qu’il adviendra réellement du Brexit. L’édition germanophone de l’Huffington Post définit la candidate comme la « Merkel britannique ». Helmut Kohl, dans le Bild, plaide pour une approche circonspecte (entendez : complaisante) des propositions britanniques à venir : il ne faut surtout pas faire preuve de sévérité ou de hâte. Brusquer ou imposer des conditions trop raides serait « une énorme erreur », et il appelle même à faire « un pas en arrière avant d’en faire deux en avant ». Plus significatif encore ? Barack Obama, évoquant le Brexit, et la croissance mondiale, a employé le conditionnel : le Brexit, s’il se produit… dit-il en substance. Lord Adair Turner, ancien président de l’autorité britannique des marchés (FSA) confie qu’il y aurait « même une petite chance – pas plus de 5 % selon moi – que le Royaume-Uni reste finalement membre de l’Union européenne ». Petite chance aujourd’hui, plus forte probabilité demain ?

Entre les deux Merkel, l’allemande et la britannique, la France risque de se retrouver prise en tenailles et de devoir s’aligner…

L’UE à 27 : salutaire ou mortifère ?

Le Brexit va considérablement modifier les équilibres politiques en Angleterre et Pays de Galles. Mais certainement aussi dans divers pays. Il serait grand temps qu’émergent des formations politiques résolues à ne plus opposer Europe des nations et Europe fédérale, et qu’elles puissent prendre des initiatives communes, que ce soit à six ou sept, ou à 27.

Qu’adviendra-t-il du Brexit, s’il était jamais implémenté ? Selon David Cameron, la rupture n’est pas réversible (ce qu’il reste à vérifier), et le Royaume-Uni doit trancher entre trois voies. Soit un statut d’État commercialement associé, ou en passe de l’être, tel le Canada. L’accord EU-Canada, qui n’est pas encore ratifié, prévoit un libre-échange encadré excluant les transactions financières. Soit un statut similaire à celui de la Norvège. Dans ce cas, la contribution britannique augmenterait, et ce serait pratiquement le seul changement, les Britanniques poussant leurs intérêts en entretenant des groupes de pression à Bruxelles, mais n’ayant plus ni veto, ni représentants officiels. Soit l’association de type suisse : contribution moindre, liberté de circulation des personnes, comme pour la Norvège, mais pas des transactions financières. Bref, les deux points de clivage se rapportent à l’immigration infra-communautaire et au sort de la City et des banques britanniques. La Royal Bank of Scotland, Lloyds, Barclays’, et les autres institutions financières, ne pourraient plus opérer comme actuellement sur le continent, c’est-à-dire en toute liberté.

Le remodelage des partis politiques britanniques est en voie d’accélération. Les conservateurs ne seront plus tout à fait sur la même ligne si Boris Johnson l’emporte ou non sur Teresa May (ou une, un autre candidat). Les travaillistes soient se scinderont, soit se purgeront en éjectant Jeremy Corbin ou, si ce dernier pouvait se maintenir, en se coupant d’une large majorité parlementaire dont la réinvestiture n’irait pas de soi. Un troisième larron pourrait aussi fortement évoluer : l’Ukip. Son principal donateur, Arron Banks, un assureur multimillionnaire (tiens, comme c’est étrange…), pourrait refonder le parti pour attirer les déçus conservateurs ou travaillistes, réservant à Nigel Farage un statut honorifique proche de celui dont aurait pu se contenter Jean-Marie Le Pen.

En Écosse, peu de changement, si ce n’est un rapprochement entre une partie du Labour écossais et le SNP indépendantiste, lequel devrait se renforcer considérablement si le Brexit finissait par s’appliquer (soit aux lendemains du 9 septembre, et la nomination de la ou du futur Premier ministre britannique). Sauf que le SNP se retrouverait dans une impasse s’il ne pouvait obtenir quoi que ce soit de l’UE. Or, l’Espagne, qui n’a pas envie de voir la Catalogne s’emparer d’un précédent, opposera un veto à toute initiative institutionnelle associant mieux l’Écosse à l’UE des 27.

Le modèle d’une UE fédérale fait figure d’épouvantail pour les partisans de l’Europe des nations (dont le Royaume-Uni, celui des conservateurs comme celui des travaillistes). Mais ce modèle, appliqué par l’Allemagne ou la Confédération helvétique, n’a rien d’un repoussoir. En revanche, si l’on se tourne vers les royaumes de Belgique ou de Grande-Bretagne, on en voit les failles. Le modèle de l’Europe des nations est de fait, quoi que puissent en dire les souverainistes, l’actuel : l’Allemagne en profite le plus en raison de la cherté de l’euro pour la France, les pays du Sud et ceux de l’Est, mais aussi du fait de l’imposition et du bas coût des salaires pour les postes peu ou pas qualifiés. Elle bénéficie de prêts à taux négatifs, fonde sa compétitivité et ses excédents commerciaux sur de bas niveaux de salaires.

Il existe pourtant des voies médianes entre les deux modèles, et elles pourraient être développées, soit à 27, soit entre pays fondateurs s’élargissant à ceux disposés à les rejoindre.

L’un des textes les plus éclairants du moment est la contribution Reconstruire l’Euope, de Thomas Piketty (en accès libre sur le site des blogues-notes du Monde). Son analyse des causes du Brexit n’apporte pratiquement rien de nouveau ou d’inconnu du lectorat de Come4News (en tout cas, celui qui consulte mes contributions). Pour résumer, les torts sont partagés entre partis de droite, du centre et de gauche européens, et les partis britanniques, qui se sont opposés à toute avancée fédéraliste. Les partis français, pour que la France bénéficie de taux d’emprunt proches de ceux de l’Allemagne, ont collé aux vues germano-britanniques.

Piketty préconise que des sanctions soient appliquées aux « paradis fiscaux de la couronne britannique » (qui alimentent très fortement la City) et qu’intervienne un « moratoire sur les dettes européennes ». Mais il faudra aussi envisager des réformes structurelles, et entamer une « refondation démocratique ».

Parmi les démarches qu’il envisage figure la remise en cause des rôles respectifs du Conseil européen (ou plus largement, des conseils, celui des chefs d’État ou de gouvernement, celui des ministres par catégories sectorielles : finances, agriculture, transports…) et du Parlement européen. On le sait, c’est le Conseil qui prédomine largement et tout ce qui a été le plus reproché par les Britanniques à l’Europe découle des décisions de leurs gouvernements successifs. La règle de l’unanimité s’impose au Conseil pour toutes les questions importantes (fiscalité, règles budgétaires, degré d’autonomie des régions…) qui peuvent être écartées par un veto.

On pourrait inverser les rôles, le Conseil n’ayant plus qu’une fonction consultative ou de mise en garde, et le Parlement devenant in fine décisionnaire (avec ou sans va-et-vient, comme, en France, entre l’Assemblée et le Sénat). Cela impliquerait aussi des règles claires quant à l’initiative des lois et réglementations (en France, le gouvernement détient de fait l’essentiel de l’initiative des lois). Il serait aussi envisageable d’instaurer un « bicaméralisme européen ». Nous aurions alors deux parlements, l’un élu au suffrage universel (soit l’actuel), l’autre désigné à la proportionnelle (Piketty n’indique pas si elle serait intégrale ou non) par les chambres parlementaires des divers pays.

Pourquoi pas ? Encore faudrait-il revoir les frais de fonctionnement de ces deux parlements, tant la Commission que le Conseil ou l’actuel parlement grèvent déjà copieusement les investissements du fait de rémunérations élevées, de frais considérables. Il faudrait aussi « imaginer (…) différentes règles de majorité qualifiée ».

Piketty n’aborde pas le problème de l’interrégionalité européenne. Elle existe déjà plus ou moins, pour des régions frontalières de part et d’autre des limites territoriales, aussi par le biais de jumelages sectoriels (par exemple, en matière de formation, entre le Banat ou Timis roumain et le Grand Lyon). Cela ne résoudrait sans doute pas l’épineuse question de l’intégrité territoriale (cas de l’Écosse, de la Catalogne, peut-être de l’Ulster pouvant désirer se rattacher à la république irlandaise, mais aussi, dans certains cas, de revendications nationales comme celles de la Hongrie accordant la double nationalité aux magyarophones roumains, &c.).

« Transformer progressivement les législateurs nationaux en colégislateurs européens » semble judicieux à Piketty. Lequel relève au passage qu’un souverainiste fort mitigé tel J.-P. Chevènement vient aujourd’hui plaider certes pour un parlement européen issu des nationaux, mais, ô paradoxe, pour un renforcement du Conseil. Pour conflictuel que cela semble, c’est au moins aborder autrement que les candidats à la primaire à droite, ou les frondeurs et hollandistes, et même les écologistes ou centristes français, la question fondamentale du devenir de l’UE.

Une autre hypothèse, évoquée par des parlementaires européens, consiste à constituer un parlement de la zone euro. Et pourquoi pas deux conseils, l’un de la zone, l’autre élargi ?

Pour en revenir au Brexit en lui-même, on constate un fort infléchissement (ou un flottement ?) de la position française. Après avoir laissé Emmanuel Macron appuyer le Project Fear des conservateurs pour le maintien (soit un alarmisme outrancier sur les conséquences du Brexit) sans le rappeler à l’ordre, voilà que Hollande et Valls laissent de nouveau Cazeneuve affirmer l’intangibilité des accords de Sangatte et du Touquet (sur le report de la frontière de Douvres à Calais). Laisser planer le doute n’aurait-il pas été plus conforme à la volonté proclamée de fermeté face aux exigences britanniques ?

Pire. Voilà que, sans le moindre démenti de l’Élysée ou de Matigon, Michel Sapin laisse entrevoir aux Britanniques que leurs vues sur un tri des immigrants communautaires pourraient être considérées lors des futures négociations. Cela suppose-t-il que, si des ressortissants européens entraient sans visa au Royaume-Uni, ils seraient renvoyés vers la France ? Faudra-t-il créer un « second Calais », y compris pour des Français ayant tenté de travailler outre-Manche et ne retrouvant pas de possibilité de logement en France ? Peut-être pourraient-ils s’employer à donner, dans leur jungle commune, des cours de français aux Baltes, Roumains, Polonais, &c., refoulés par la police ou les douanes de Sa Majesté ? Michel Sapin était-il soucieux d’offrir de nouveaux arguments au Front national pour qu’il devance les Républicains lors de la campagne présidentielle ?

Cet insolite indice d’un net repli de la position française a été formulé par le ministre français des finances devant les caméras de Newsnight, le bulletin vespéral de la BBC. C’est ainsi offrir des facilités à BoJo (Boris Johnson, candidat à la primature) qui a rassuré en déclarant que tout serait discuté, sans a priori, cela en contradiction totale avec les récentes affirmations des chefs d’État européens. C’est peut-être faire la nique à Macron, ou songer à remplacer Lagarde au FMI avec l’appui du Royaume-Uni, mais aussi conforter la place de Londres qui a recouvré ses pertes (en dépit du fléchissement de la livre, l’indice Footsie est remonté à son niveau d’avant le référendum).

Bref, au lieu d’évoquer une relance de la construction européenne, un ministre français de premier plan laisse entendre que tout peut s’arranger, se négocier, et qu’après tout, quitter l’Union n’est pas si dramatique. Les bons comptes continueront à faire les bons amis. Et les mêmes victimes, les mêmes mécontents, les futurs ralliés à un souverainisme s’amplifiant, les encore plus dégoutés du jeu politicien qui virent à l’abstentionnisme, &c. Ceux qui ne s’abstiendront pas se souviendront de l’attitude du PS lors des prochaines européennes.

Salutaire ou mortifère, le Brexit ? Ni l’un, ni l’autre dans l’immédiat. Pour le moyen et surtout le long terme, sans ressaisissement, il y a de quoi désespérer.

Conforter les conservateurs britanniques, c’est approfondir ce que dénonce le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’Onu qui vient de se prononcer sur la politique d’austérité au Royaume-Uni. Les inégalités se creusent, les indemnités d’assistance se réduisent tandis que grimpe la TVA mais que baissent les droits de succession et les taxes versées par les entreprises. Un véritable effet de ciseaux. Si c’est cela que veut importer Michel Sapin, qu’il le dise franchement.

P.-S. – Avant l’entrée du Royaume-Uni dans la Communauté européenne d’alors, j’étais étudiant en anglais et j’avais trouvé un job d’été (employé d’entretien) dans un hôpital écossais. Il fallait redescendre au Home Office demander un permis. Á peine avais-je ouvert la bouche que le fonctionnaire m’assena un No, Sir ! Je tentais de m’expliquer, ce fut Next, please… Je n’eus pas à rejoindre une « jungle de Calais » et j’ai filé vers Bremen où je fis la plonge. J’imagine que les descendants de Michel Sapin et de ses épouses successives trouveront sans problème à s’employer au Royaume-Uni : un courtois échange préalable suffira, quoi qu’il advienne.

 

UE : droite-extrême-droite ; copains-coquins

Escarmouche, et encore à fleurets mouchetés, entre Nigel Farage (Ukip, souverainiste), et J.-C. Juncker, président de la Commission européenne, ex-Premier ministre luxembourgeois (droite), au Parlement européen. En fait, presque tout le monde est là, à Bruxelles ou Strasbourg pour la soupe, et n’a pas vraiment l’intention d’y renoncer…

On le constate jour après jour : les partisans anglais du Brexit n’ont nullement l’intention de se plier au résultat du référendum britannique, et encore moins de tenir leurs promesses. Ce à l’exception de Nigel Farage (Ukip, parti partenaire de Debout la France), souverainiste, qui a tout à gagner en faisant preuve de détermination verbale (l’Ukip n’a qu’un seul député à la chambre des Communes, Farage siège à Strasbourg et Bruxelles).

Réunis à Bruxelles ce mardi matin, les parlementaires européens ont émis le vœu que le Royaume-Uni demande l’application de l’article 50 actant la rupture du Royaume-Uni avec l’Union européenne. Un vote sans conséquence ni effet ayant recueilli 395 voix pour, 200 contre (sans doute des parlementaires allemands, polonais, hongrois), et 71 abstentions (peut-être, allez savoir, d’eurosceptiques britanniques).

Ce fut cocasse lorsque Nigel Farage s’est gaussé de ses collègues. « Alors, on ne rit plus, hein ! », s’est-il exclamé. Auparavant, il avait croisé Jean-Claude Juncker qui s’étonnait de sa présence : « Mais pourquoi être venu ? ». La confrontation n’a pas du tout tourné à l’altercation, mais aux embrassades, à une franche accolade dans une primesautière bonne humeur confinant à l’hilarité.

Aucun des partis souverainistes européens ne renonce à siéger au parlement. C’est trop juteux.

Alors que Nigel Farage a reproché à ses collègues de n’avoir pas, pour la plupart, un « réel boulot » (alors que lui reste trader et cumule ses revenus de parlementaire avec ses rétributions et commissions), il s’est bien gardé d’inciter les souverainistes à renoncer à leur siège. L’ancien Premier ministre belge, Guy Verhofstadt a rétorqué que le chef de l’Ukip s’occupait surtout de montages dans les paradis fiscaux (ce qui explique peut-être sa cordialité avec l’ex-Premier ministre luxembourgeois). Comme Farage ricanait en retour, Verhofstadt a conclu : « bon, restons positifs, nous allons purger le plus grand gâchis du budget européen : vos indemnités… ». Rien n’est moins sûr…

La séance a notamment été marquée par des interventions de députés écossais, gallois, et de l’Ulster, fort applaudis, demandant l’instauration de relations privilégiées. Par ailleurs, le Plaid Cymru (Galles) a exprimé le désir de voir s’ouvrir un bureau diplomatique européen à Cardiff. Nicola Sturgeon, Première ministre de l’Écosse (SNP), sera sans doute chaleureusement accueillie, demain, mercredi, à Bruxelles.

Marine Le Pen, réjouie, pour une fois présente, a osé lancer que les Britanniques s’étaient assis souverainement sur « vos cours de bourse ». Elle ne doit pas lire la presse d’outre-Manche… Par exemple, le Virgin Group de Richard Branson a déjà perdu le tiers de sa valeur boursière. Elle s’est bien préservée de lancer un ultimatum pour que le Royaume-Uni puisse s’affranchir de la tutelle européenne au plus vite.

Elle s’était, précédemment, engagée à organiser un référendum en France après son élection à la présidence « dans les six mois ». Mais pourquoi donc six mois ? Pour que Philippot et d’autres continuent de percevoir des indemnités européennes ? Puis jusqu’au terme de longues, très longues négociations ?

L’Europe, on l’aime, ou la quitte ! Et au plus vite.

Farage, et la plupart des Brexiters, avaient invoqué de meilleurs droits de pêche en cas de Brexit effectif. La fédération des patrons pêcheurs britanniques se souvient à présent que la Grande-Bretagne n’est pas tout à fait l’Islande. Renégocier des quotas sera incertain et coûteux. « Qui paiera ? C’est une question critique. », soulève leur communiqué. Ben voyons, la réponse est simple : le contribuable britannique, ou le consommateur, s’il consent à payer plus cher des poissons ou fruits de mer pêchés par ses compatriotes. Et il faudra substituer des subventions britanniques aux européennes en faveur de la modernisation de la flotte et de filets préservant mieux le jeune frai. L’UE consent aussi des prêts à taux privilégiés aux pêcheurs britanniques : c’est Farage qui les remboursera ? On l’avait vu embarqué sur la Tamise, promettant monts de poissons et merveilles de revenus.

Sur cette question, WWF-UK remémore que ce ne fut pas l’UE, mais le gouvernement britannique, qui avait attribué les trois-quarts des quotas pour l’Angleterre et le Pays de Galles à seulement trois grands armateurs… Sans qu’alors l’Ukip s’en alarme.

Quand les souverainistes, presque tous issus de l’establishment qu’ils dénoncent,  tous dotés de solides revenus, se font les hérauts des « petites gens », ils encensent, sauf sans doute les polonais, Poutine et ses oligarques. Croit-on vraiment que c’est pour épargner les russes miséreux qu’ils plaident pour la levée des sanctions qui frappent la Russie ?

Tout comme la finance allemande, ils ne veulent surtout pas que le Royaume-Uni soit éjecté au plus vite de l’UE. Il faudrait lui accorder les meilleures conditions possibles, ne rien hâter. Par solidarité avec celles et ceux qui auront le plus à souffrir des conséquences ou pour ne pas laisser empirer un contre-exemple défavorable à leurs hypothèses ?

 

Brexit : leave ou remain, une course contre la montre…

David Cameron, mardi 28 juin, sera-t-il contraint par ses homologues des 27 pays de l’Union européenne, de s’exprimer sur l’application de l’article 50 du traité de Lisbonne ? Dans ce cas, le résultat du référendum sur le Brexit serait irréversible. Or, un nouvel élément pourrait changer la donne : les expatriés, pratiquement tous favorables au maintien dans l’UE, en contestent la validité.

« Ils sont fous, ces Anglais ! » : il n’y a pas que le « petit » Breton Obelix à se gratter la tête à la suite du référendum « grand-breton » sur le Brexit…

Les partisans du maintien dans l’UE sont passés, outre-Manche, et même outre-Atlantique, vraiment à l’offensive. Individuellement, comme David Lammy, député travailliste, et d’autres parlementaires, qui soulignent que ce vote n’est qu’indicatif, que la décision finale appartient au parlement. Lequel est très majoritairement composé d’opposants à la sortie de l’Union. Collectivement aussi, d’abord par des manifestations, rassemblant surtout des jeunes dans les grandes agglomérations. Et aussi, ironie du sort, en signant massivement une pétition, qui devra obligatoirement être débattue par les députés, exigeant une nouvelle consultation. Le paradoxe, moins insolite qu’il n’y paraît, est que cette pétition a été lancée par un partisan du Brexit, et que ce sont ceux du Remain qui l’utilisent massivement.

À l’origine de cette pétition, un trentenaire, William Oliver Healey, qui craignait que le vote soit plus ou moins truqué et que le référendum tourne à ce que souhaitait David Cameron, soit une formalité confortant l’adhésion à l’UE.

On se souvient qu’à la clôture des bureaux de vote, ni Farage (Ukip), ni Gove (conservateur, pour la rupture) ne croyaient pas du tout à leur victoire. Pratiquement tout le monde estime que Boris ‘Bojo’ Johnson misait sur un résultat très serré en faveur du maintien. Beaucoup de votants pour le Leave admettent que leur suffrage s’apparentait davantage à une forme de contestation de la classe politique qu’à réelle volonté de rompre avec l’UE. Forcé de discuter de la pétition, qui va dépasser les trois millions de signatures, dont certaines douteuses, estimées par Brexiters à 80 000 (mais il n’en faut que 100 000 valides pour qu’il en soit ainsi), le parlement pourrait tenter de mieux prendre le pouls de l’opinion et de décider un retour aux urnes. C’est certes improbable, mais non exclu. Mais les députés auront-ils le loisir de renverser le cours des choses ?

Car si David Cameron et Boris Johnson ont déclaré qu’il n’y avait nulle urgence à déclarer que le Royaume-Uni demandait l’application de l’article 50 du traité de Lisbonne, les partenaires européens ne l’entendent pas ainsi. Soit David Cameron déclare, mardi 28, que les Britanniques veulent se séparer de l’UE (confirmant ainsi la validité du référendum), soit la réunion de Bruxelles serait ajournée. Nul besoin d’un écrit émanant du gouvernement ou du parlement, considèrent les 27.

Le nouvel élément, qui pourrait donner prétexte à David Cameron pour ne pas se prononcer, c’est que, d’ici mardi, de très nombreux expatriés pourraient réclamer l’annulation du référendum pour irrégularités.

Il est fort possible que malgré le fort écart de voix (51,9 % pour le oui à la rupture), une courte majorité de Britanniques soient, de fait, en faveur du maintien. D’une part, dans des régions favorables au maintien, nombre d’électeurs n’ont pu se rendre aux urnes à la suite de fortes inondations. D’autre part, un revirement d’un nombre significatif de votants pour le Leave est envisageable. D’une part, en Écosse et ailleurs, à la fois par crainte des conséquences économiques et en vue de rendre plus difficile la tenue d’un second référendum sur l’indépendance de l’Écosse.

Les expatriés se sont déclaré fort mécontents que celles et ceux résidant à l’étranger depuis plus de quinze ans ne puissent voter. Mais qui l’a pu conteste à présent que son vote par correspondance ait pu être pris en compte, ou qu’il a été de fait empêché de voter. Car, d’une part, dans divers pays, dont surtout la France, l’Australie et la Thaïlande, certains, dont aussi des touristes, n’ont jamais reçu leur bulletin en dépit d’une confirmation que leur demande avait été enregistrée. En d’autres cas, leur délégation de vote à un Britannique n’a pu être enregistrée à temps. Des cas de non-réception des bulletins de vote par correspondance ont déjà été recensés en nombre dans plus d’une douzaine de pays (dont aussi la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud, Hong Kong…). En d’autres instances, le bulletin est parvenu trop tard – parfois la veille du scrutin – pour pouvoir être retournés à temps.

Il est aussi fortement présumé que des postiers favorables au Brexit aient retardé ou empêché les envois (ou les auraient mal routé, un bulletin destiné à l’Australie a fini en Autriche, par exemple).

Les expats pouvant voter ne pouvaient le faire dans les ambassades ou consulats britanniques. Bien évidemment, certains expats, ou des touristes, voulaient se prononcer pour la rupture, mais ils sont considérés très minoritaires.

La commission électorale affirme qu’elle tiendra compte des cas signalés et les consignera dans son rapport. Cela pourrait-il suffire pour invalider le vote ?

Elle devra aussi se pencher sur un fait pour le moins insolite. La Cité du Vatican ne compte que 800 habitants mais près de 40 000 électeurs signataires de la pétition ont déclaré y résider. « Ils osent tout, ces Anglais ! », renchérirait Astérix.

On peut en douter, mais David Cameron pourrait arguer de ces divers facteurs pour éviter de se prononcer sur l’application de l’article 50 (qui donne deux ans au pays l’invoquant pour entériner la rupture d’avec l’UE). Avant le résultat, le Premier ministre démissionnaire avait indiqué que l’article 50 serait invoqué dès qu’il serait connu s’il était défavorable au maintien. Juste après, il a déclaré qu’il laissait cette tâche à qui lui succèdera (en octobre, a priori Boris Johnson, à moins que Matilda May l’emporte, mais elle a moins les faveurs des délégués conservateurs de la base).

Ce que veulent vraiment les Brexiters « mous », c’est de n’avoir pas à déclencher l’article 50. Ils souhaiteraient en fait de nouveaux accommodements, de nouvelles exemptions, et rejouer, avec un meilleur succès, le coup de Cameron (qui n’avait obtenu de Bruxelles qu’une dérogation sur l’attribution des aides sociales aux ressortissants étrangers). Bref, ils veulent du temps pour manœuvrer, convaincre d’autres pays à orientations ultra-libérales, diviser l’UE pour tirer une nouvelle fois leur épingle du jeu.

Ils sont de fait en position de force : certes, une simple déclaration orale pourrait suffire. Mais la date de l’application de l’article 50 est totalement du ressort de la partie demanderesse. Il n’est pas plus possible d’obtenir son déclenchement que, comme l’a souhaité Jean-Marc Ayrault, de forcer les conservateurs à désigner au plus vite un nouveau Premier ministre.  En contrepartie, rien n’oblige les 27 d’accepter d’entrer en discussions informelles afin de préparer un compromis. Vous voulez du temps pour discuter, tergiverser, gratter des avantages ? Non, nein, nu, niet, den, que no, ne… never !

Bojo, Gove, et tant d’autres se retrouvaient dans une situation délicate : Cameron s’abstenant de toute initiative, puis, en octobre, son successeur se voyant opposer une fin de non-recevoir, obligé de continuer à verser la contribution britannique à Bruxelles, d’appliquer les décisions de la cour européenne, pour un temps infini. Politiquement, ils se discréditeraient.

Prendraient-ils le risque d’attendre les prochaines élections générales, en mai 2020 ? Ou celui d’appeler à un vote anticipé ?

Un autre article pourrait s’appliquer, mais on voit mal sur quelles bases juridiques. Il s’agit de l’article 7 (qui s’appliquerait davantage à la Pologne ou à la Hongrie qu’au Royaume-Uni), lequel permet aux pays membres de révoquer l’adhésion d’un pays enfreignant les principes démocratiques de base ou appliquant des dispositions judiciaires léonines (soit s’affranchissant de l’égalité devant la loi). Carl Bildt, l’ancien Premier ministre suédois, a brandi, sans vraiment y croire, cette menace.

Tony Blair est aussi à la manœuvre : il suggère que le gouvernement britannique pourrait négocier informellement en promettant la tenue d’un nouveau référendum dans une ou deux années. Cela lui semble difficilement envisageable, mais, qui sait ? Rien n’est plus, selon lui, exclu.

Ce qui semble décisif, c’est que la valse-hésitation des conservateurs britanniques va amplifier l’incertitude des marchés financiers, retarder certains investissements, augmenter le risque de récession tant au Royaume-Uni que dans le reste de l’Europe, voire du monde.

On finira peut-être par apprendre, tout comme les Panama Papers ont révélé que la famille Cameron avait des avoir dans des paradis fiscaux, que Bojo boursicoterait contre la livre et l’euro, et les multinationales implantées au Royaume-Uni. L’argent n’a pas d’odeur, et la City aucune morale. Pas davantage qu’Angela Merkel qui parie que l’Allemagne profitera d’une période d’incertitude prolongée (comme le franc suisse, les emprunts allemands à taux négatifs drainent l’épargne de précaution, et un euro plus faible profitera d’abord aux exportations allemandes).

Le statut quo peut-il vraiment durer jusqu’en juillet 2017, date à laquelle le Royaume-Uni accéderait automatiquement à la présidence de l’Union européenne, imposant son agenda, jouant de nouveau sur les deux tableaux ? Pendant ce temps, l’Ukip et les plus radicaux des eurosceptiques tenteraient d’influencer d’autres pays afin qu’ils demandent aussi la rupture d’avec l’UE.

Ce qui pourrait accélérer le déclenchement de l’article 50 serait un fort mouvement des immigrés européens, beaucoup s’en allant, mais encore davantage affluant avant que le pont levis soit relevé (s’il l’est jamais vraiment). L’Ukip se ferait alors un plaisir de critiquer vertement les conservateurs… Si la France veut vraiment accélérer les choses, un signal fort serait de dénoncer au plus vite les accords du Touquet et le protocole de Sangatte. Stéphane Le Foll a exclu cette hypothèse. Il deviendra urgent d’y songer si, mardi, David Cameron tergiverse et que les conservateurs entendent souffler le chaud et le froid, avoir deux fers au feu pour attiser le brandon de la discorde… Lesquels, unanimement, après avoir fait de la réduction du nombre des immigrants un point central de la campagne (tant du côté Leave que Remain), avouent qu’au mieux, ils ne pourraient instaurer qu’un meilleur contrôle de l’immigration (soit sélectionner mieux les migrants qualifiés dont leurs industries et services ont besoin). Si des Britanniques (de moins en moins nombreux aux lendemains du vote) désirent un illusoire splendide isolement, qu’ils le prouvent au plus vite.

Le Brexit acté par 52 % des Britanniques

La BBC n’a pas attendu que tombent les résultats des votes du Somerset – en faveur de la sortie de l’Union européenne – peu avant 7 heures ce matin, pour annoncer que le Royaume-Uni s’était prononcé pour le Brexit. Vers 07:11, cinq résultats étaient encore attendus, mais, avec plus de 17 millions de votants en faveur du « out », une majorité avoisinant 52 % ne laissait plus aucun doute sur l’issue… Autre résultat qui n’était guère envisagé : la démission du Premier ministre, David Cameron.

Ce fut une nuit riche en rebondissements. Très logiquement, les premiers résultats laissaient envisager une très légère avance pour les partisans du Brexit. Mais, par deux fois, le camp du « Remain » est repassé en tête. Insuffisamment… Ce n’est en fait que vers cinq heures du matin que s’est affirmée l’éventualité d’une victoire du camp « Leave ». Encore ne lui concédait-on qu’une courte avance. Ce n’est pas le cas : le différentiel de voix est d’un peu plus d’un million et le pourcentage du camp vainqueur frôle les 51,9 %.

Les directeurs des instituts de sondage ont présenté ce qui s’apparente à des excuses, et sans toutefois se frotter les mains, les bookmakers ont enregistré, très tôt, un renversement de tendance qui ne s’est pas démenti…

C’est en particulier l’Angleterre, et pour une majeure partie le Pays de Galles, qui ont projeté le Royaume-Uni hors de l’Union européenne. L’Écosse, contrairement à ce qui pouvait être redouté, et en dépit de dissidences manifestées au sein du SNP, le parti indépendantiste, n’a pas penché, par calcul, pour une sortie de l’UE. Mais environ 38 % des électeurs votant en Écosse se sont prononcés pour le Brexit. Il n’y a eu en fait que l’Irlande du Nord et Londres pour accorder une nette majorité au maintien dans l’Union, ainsi que, dans une moindre mesure, les comtés du centre et du sud regroupant de fortes proportions d’étudiants et de membres des classes moyennes supérieures.

Le Parti travailliste, qui redoute que Bojo (Boris Johnson) et les plus droitiers des conservateurs, affranchis des directives européennes, rognent résolument les avantages sociaux et allongent la durée du travail, n’a été que mollement suivi, voire souvent désavoué. Une large partie de son électorat a sans doute été plus sensible à la concurrence que représentent les immigrés (Polonais, Baltes et Roumains en particulier) sur le marché du travail. La direction du Labour Party a diffusé des éléments de langage pointant un vote sanction contre le gouvernement et la classe possédante.

Le sort du gouvernement de David Cameron semble en suspens. Boris Johnson et d’autres l’auraient volontiers laissé s’empêtrer avant de faire pression. Il les place face à leurs responsabilités en annonçant, une petite heure après la proclamation des résultats définitifs, sa démission. Elle deviendra sans doute effective en octobre prochain (après le congrès de son parti). L’Ukip, dont le chef de file, Nigel Farage, estimait, dès la fermeture des bureaux de vote, que le suffrage pour le maintien l’emporterait (et en faisait porter la responsabilité à l’organisation du scrutin), peut pavoiser.

Le futur, à moyen terme, est incertain… L’Écosse pourrait exiger un second référendum sur son indépendance. Il se pourrait même que l’Irlande du Nord songe à se rapprocher de Dublin.

Quant au futur proche, sauf dérapages, incidents chaotiques, ou réactions durables des marchés, notamment asiatiques, il semble orienté vers la circonspection. Le processus sera long et il n’est pas du tout sûr que les conservateurs ayant appelé à voter pour le largage des amarres veuillent vraiment le hâter.

« T’es pas venu ??? T’as qu’à payer !!! »

 


Sans doute les Américains et leur tendance procédurière bien connue, font-ils des émules dans les pays européens, pour en arriver à de ridicules extrémités, telles que celles que je vais vous relater dans cet article…

L’histoire se passe au Royaume-Uni…

 

En décembre 2014, le père d’un petit garçon de 5 ans, Alex, est interpellé à la sortie de l’école, par la mère d’un petit camarade d’école de son fils…

"J’invite le petit Alex à la fête anniversaire de mon fils Charlie, il y aura plein de choses ! Des ballons, des glaces, et même des toboggans… Le tout se passera dans une petite station de ski de Plymouth…"

À n’en point douter se dit le père d’Alex, tout semble réuni pour que la fête soit réussie, et pour que son fils passe un bon moment avec des amis de son âge. Il accepte donc volontiers.

De plus, il reçoit l’invitation par e-mail, le soir-même…

Sans hésiter une seule seconde, et désireux de faire plaisir à son fils, notre jeune papa répond à nouveau favorablement à la mère de Charlie, promettant ainsi, que son fils sera présent.

 Au moment même où la maman d’Alex rentre à la maison, son mari lui parle de cette invitation…

"A quelle date dis-tu ?"

"Mais chéri, tu aurais dû m’en parler avant !

" Tu aurais dû me consulter ! Alex ce jour-là est en visite chez son papi et sa mamie et, les connaissant, il ne sera pas possible d’annuler… De plus c’est calé depuis longtemps !"

Bref, l’invitation devra être annulée…

Mais comme pour beaucoup d’entre nous, les obligations et aléas de la vie, font que les jours passent, et que l’on remette les choses au lendemain…

De plus, franchement, quelle urgence y a-t-il ? Il ne s’agit que d’une banale invitation à un goûter d’anniversaire… Alors un de plus un de moins… C’est en tout cas ainsi, que beaucoup d’entre nous auraient réagi.

Pourtant, les parents du petit Alex, tentent peu après, ne serait-ce que par politesse, de joindre la maman de Charlie pour annuler, mais sans succès… Elle demeure injoignable.

Le papa reste même à guetter la maman à la sortie de l’école, mais il ne parvient pas à la voir pour la prévenir.

 

Par contre, le 15 janvier suivant, coup de théâtre ! Le petit Alex rentre de l’école et il sort de son sac, une enveloppe.

Le papa l’ouvre, et là, stupeur, il trouve une facture de 15.95 livres, soit près de 21 euros pour je cite : "ne pas avoir assisté à l’anniversaire de son copain Charlie".

L’enveloppe, a été glissée dans le sac d’Alex par la maîtresse, et sur demande des parents du petit Charlie !

Ceux d’Alex, choqués davantage par le mode de transmission de "l’injonction" que par la facture elle-même, croient qu’il s’agit là d’une blague de mauvais goût, et qu’il n’y aura pas de suite… Ils refusent donc de payer.

Mais la maman de Charlie s’acharne et envisage même de porter "l’affaire" en justice. Elle se réfugie derrière le fait que l’invitation envoyée par e-mail, et acceptée par les parents du petit Alex, comportait tous les détails lui conférant un côté sérieux et on ne peut plus officiel.

Se faisant plus menaçante, elle aurait déclaré je cite : "faut pas me chercher !"

Un spécialiste juridique de la BBC, aurait quant à lui déclaré je cite : "madame Lawrence (la maman de Charlie) ne parviendra pas à récupérer les 15.95 livres pour ne pas être venu à la fête, car une fête d’anniversaire ne constitue pas une relation légale, et aucun contrat formel n’a été signé…"

 

Toujours est-il que devant l’absurdité et la débilité de la situation, les grands perdants de l’histoire sont les deux gamins, qui sans doute conditionnés par l’attitude déplorable de certains adultes, ne jouent plus ensemble et ne s’adressent plus la parole…

 

Un grand merci aux parents !

 

(sources l’Express)

Croyez-vous qu’un meurtrier puisse être condamné grâce aux poils de son chat ?

 

 

 

 

 

 

    Le chat est un des animaux de compagnie les plus appréciés des hommes dans les pays occidentaux. On lui associe toutes sortes de bienfaits, depuis la simple compagnie et l’affection jusqu’à des effets thérapeutiques ! Mais de là à en faire un moyen d’élucidation dans les enquêtes criminelles, on aurait eu peu de mal à l’imaginer, c’est pourtant ce qui est arrivé en Angleterre !

 

Tout est parti de l’idée de l’Université de Leicester de créer un fichier génétique des félins du pays… à partir des empreintes génétiques de 152 chats d’Angleterre. L’idée, convenons-en, aurait bien eu sa place dans une aventure de Sherlock Holmes ou de Miss Jane Marple, mais c’est en vrai que cela se passe, au XXI ème siècle !

 

Donc il ne restait plus qu’à passer à l’oeuvre « recueillir des poils de chats sur le corps d’une personne assassinée ». Ce qui fut fait sur le corps d’un homme, retrouvé sans bras ni jambes sur une plage de Portsmouth en juillet 2012. C’était un crime presque parfait. Le criminel était introuvable. En consultant le fichier et en comparant avec les poils trouvés, on s’est aperçu que ceux-ci correspondaient à ceux du chat du principal suspect, retrouvé en juillet dernier, un an après, et dont on sait que c’était un ami de la victime !

 

Restait à faire accepter par la justice, ces faits comme éléments de preuves…  Ce sont – semble-t-il – les seuls éléments qui ont permis à la justice de se prononcer.

Les juges ont accepté et ont condamné el suspect D. H., à la prison à vie avec 12 ans de sûreté pour homicide.

 

Le docteur Jon Wetton, médecin légiste, est très satisfait du résultat obtenu grâce au fichier de l’ADN des chats, surtout que ce serait selon lui « la première fois que de l’ADN de chat est utilisé dans un procès criminel au Royaume-Uni ». Mais ce n’est qu’une première car il espère bien maintenant que ce fichier produira d’autres résultats. « Nous espérons maintenant publier cette base de données pour qu’elle soit utilisée dans de futures enquêtes criminelles », déclare-t-il.

 

Mais, est-ce la première fois au monde que les poils de chats sont utilisés dans des enquêtes criminelles ? Non. En 1996, au Canada, un homme qui avait tué sa femme, a été confondu grâce aux poils de chat trouvés sur le corps de la victime. Ce fut alors une véritable première dans l’histoire de la médecine légale.  Il existe une base de données d’ADN de poils de chats et de chiens aux Etats-Unis, mais on ne sait pas si des résultats, ont déjà été obtenus et en France ? Personne n’envisage de créer ce fichier pour le moment !

 

Le docteur Wetton y voit une possibilité prometteuse dans son pays pour la médecine légale . « Ce pourrait être une aubaine pour la médecine légale, puisque les 10 millions de chats au Royaume-Uni marquent sans le vouloir de leur empreinte les vêtements et les meubles dans plus d’un quart des foyers", a-t-il dit. « L’ADN des animaux permet de lier des personnes à des objets ou des lieux. Le travail, toutefois, reste titanesque. À l’heure actuelle, seuls 152 chats sont répertoriés », a-t-il ajoué.

 

Pour ceux qui possèdent un chat, il est bien connu qu’on retrouve des poils partout (plus ou moins selon les espèces…) et en particulier sur les vêtements… On a enfin trouvé quelque chose pas pour s’en débarrasser mais pour rendre service aux hommes. Oui. Ces chats sont de plus en plus utiles à l’homme !

 

Sources  Libération, Le Parisien, France Info

(Photo : capture d’image sur le site tdg.ch)

 

UK : Big Brother traque les immigrants avec des caméras thermiques

Les autorités de la ville de Slough (Royaume-Uni, Berkshire), située à l’est du (très) Grand Londres, ont estimé que 3 000 personnes (sur près de 120 000 habitants) vivaient des des conditions très insalubres, la plupart étant des immigrants. Pour ce faire, le cadastre a été recoupé avec une vue 3D réalisée avec une caméra thermique embarquée dans un avion.

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Franglais et Frenglish : attention à l’effet retard

Voilà un sujet tout trouvé pour mes ex-confrères (quand c’est soi-même, l’ex, comment dit-on au juste, au fait ?), la correctrice et le correcteur du Monde qui animent le blogue Langue sauce piquante… Le franglais est peut-être détestable, mais le frenglish est parfois beaucoup plus redoutable. Une invitée du programme Today de Radio Four, Lynda La Plante, l’apprend à ses dépends pour avoir utilisé le syntagme nominal (masculin, non, neutre) retard. Pour la presse britannique, elle aurait qualifié ses collègues de la BBC de morons, ou retardés mentaux. 

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